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Dérèglement climatique : la santé mondiale en danger

Les chiffres mis en lumière par ce rapport intitulé «Lancet Countdown» donnent le tournis : en moyenne 125 millions de personnes supplémentaires ont été touchées par des vagues de chaleur depuis 2000. Les moins responsables du réchauffement en sont les premières victimes.
par Aurélie Delmas
publié le 31 octobre 2017 à 7h13

Vingt-quatre institutions et organisations intergouvernementales, dont l'Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale et plusieurs universités, publient ce mardi un premier rapport complet sur les enjeux sanitaires liés au climat. Intitulée Lancet Countdown (pour «compte à rebours», ndlr), et réalisée en partenariat avec la revue médicale britannique The Lancet, l'initiative s'appuie sur les travaux de la «Commission on Health and Climate Change» de la revue qui concluait dès 2015 que le changement climatique menaçait de saper les avancées des cinquante dernières années en matière de santé publique, et sur l'Accord de Paris, la même année. Ce bilan est amené à être reproduit chaque année jusqu'en 2030.

Blessures ou morts liées à des événements météorologiques extrêmes, pénuries, maladies transmises par des moustiques, risques sécuritaires, migrations liées à des sécheresses répétées ou à la montée du niveau des océans, les auteurs du rapport recensent les nombreux liens entre le changement climatique et la santé. «Le rapport du "Lancet Countdown" met à nu l'impact que le changement climatique a sur notre santé aujourd'hui. Cela montre aussi que s'attaquer au changement climatique directement, sans équivoque et immédiatement, peut améliorer la santé mondiale. C'est aussi simple que ça», résume la présidente du conseil consultatif du Lancet Countdown et ex-secrétaire de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Christiana Figueres.

Les travailleurs ruraux, premières victimes du changement climatique

Premier constat : au vu de leurs zones d'installation, les populations humaines subissent un réchauffement bien plus élevé (0,9°C entre 2000 et 2016) que la hausse de la température moyenne mondiale (0,4°C sur la même période). En moyenne, 125 millions d'adultes supplémentaires ont été touchés par des vagues de chaleur depuis 2000. Ce nombre atteint 175 millions de personnes en 2015. Or, «l'augmentation des températures peut exacerber des problèmes sanitaires existants et introduire de nouvelles menaces (y compris des maladies cardiovasculaires et rénales)», précise le rapport.

S'il est indiqué que la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes a augmenté de 46% entre 2007 et 2016 (en comparaison avec la période 1990-1999), l'augmentation du nombre de morts lié à ces événements à travers le monde n'est pas précisée. Toutefois, «compte tenu de sa population et de sa superficie, l'Asie est le continent le plus touché par les catastrophes météorologiques : 2 843 événements ont été enregistrés entre 1990 et 2016, affectant 4,8 milliards de personnes et faisant 505 013 morts».

Premières victimes du dérèglement climatique : les travailleurs ruraux, qui ne bénéficient pas d'un lieu de travail abrité, et dont la productivité a baissé de 5,3% depuis 2000, par rapport à la période 1986-2008, note le rapport. En 2016, pas moins de 920 000 personnes ont été exclues du marché du travail dans ce secteur, dont 418 000 rien qu'en Inde. C'est ainsi la capacité des plus pauvres à assurer leur subsistance qui est particulièrement menacée.

La sous-nutrition est d'ailleurs présentée comme une des conséquences directe du changement climatique au XXIe siècle : le rapport évoque notamment une baisse de 6% des rendements mondiaux de blé et une chute de 10% des rendements de riz pour chaque hausse de 1°C de la température mondiale. Une nouvelle fois, l'accent est mis sur le fait que les impacts sont ressentis en premier lieu par les communautés les plus vulnérables… et celles qui sont les moins responsables du dérèglement du climat. «Le changement climatique exacerbe inégalités sociales, économiques et démographiques, avec des impacts ressentis au final par toutes les populations», résume le rapport.

Plus de 800 000 morts évitables liées à la pollution de l’air, en Asie

Autre cause de problèmes sanitaires : la pollution de l'air. Au niveau mondial, 71% des 2 971 villes suivies par l'OMS sont au-dessus du seuil conseillé par l'organisme, concernant la concentration moyenne annuelle de particules fines dans l'air. En France, la concentration moyenne annuelle des particules dites PM 2,5, les plus fines, est de 12 microgrammes par m3 – avec un pic à 22 à Pantin, en région parisienne –, au-dessus de la limite conseillée par l'OMS fixée à 10. Et la situation s'est nettement détériorée, puisque l'exposition de la population mondiale à ces particules a globalement augmenté de 11,2% depuis 1990. En 2015, la pollution de l'air liée au charbon et aux combustibles fossiles aurait été à l'origine de 803 000 morts «prématurées et évitables» dans 21 pays d'Asie, précise encore le texte.

Malgré la gravité des faits mis en lumière par ce rapport, les auteurs estiment que des gains «substantiels» en termes de santé publique peuvent être réalisés en améliorant la prévention et en luttant contre le dérèglement climatique : amélioration de la qualité de l'air des villes, amélioration de la sécurité alimentaire, énergétique et d'accès à l'eau, réduction de la pauvreté et des inégalités. Le rapport se félicite notamment d'une nette augmentation de la couverture médiatique de ces thématiques et d'une multiplication par trois du nombre d'études scientifiques depuis 2007. Autre exemple cité : en 2016, 9,8 millions de personnes travaillaient dans le secteur des énergies renouvelables, soit un million de plus que dans l'extraction d'énergies fossiles.

«Nous espérons que les gouvernements feront un effort pour s'attaquer à la cause et aux impacts du changement climatique. Nous avons besoin d'une action urgente pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les bénéfices sanitaires et économiques en jeu sont énormes. Le coût de l'inaction serait des morts évitables, à grande échelle», met en garde le professeur Anthony Costello, coprésident du Lancet Countdown et membre de l'OMS.

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