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Hollywood et la pédophilie, des accusations récurrentes

Des célébrités racontent avoir été victimes d’agression sexuelle quand elles étaient mineures. Accusé, l’acteur Kevin Spacey a demandé pardon, tout en assurant ne se souvenir de rien.

Le Monde

Publié le 30 octobre 2017 à 16h32, modifié le 31 octobre 2017 à 07h42

Temps de Lecture 5 min.

Depuis l’affaire Harvey Weinstein, il n’est pas un jour sans qu’une nouvelle accusation d’agression sexuelle ou de viol soit lancée à l’encontre d’un représentant de l’industrie du cinéma. Aux Etats-Unis, alors que la liste des femmes accusant le producteur américain ne cesse de s’allonger, d’autres voix tentent de se faire entendre : celles d’enfants stars.

Anthony Rapp, aujourd’hui âgé de 46 ans, fut l’un d’eux. Principalement connu pour son rôle dans la version originale de la comédie musicale de Broadway Rent, il a raconté, lundi 30 octobre, sur le site Buzzfeed News, comment, en 1986, l’acteur Kevin Spacey aurait tenté de l’agresser sexuellement lors d’une soirée organisée dans son appartement new-yorkais. Il était alors âgé de 14 ans.

Anthony Rapp raconte que ce soir-là, il se trouvait dans la chambre de l’acteur en train de regarder la télévision quand celui-ci, âgé à l’époque de 26 ans, serait apparu dans l’encadrement d’une porte « comme titubant », apparemment ivre. Kevin Spacey aurait alors poussé l’adolescent sur son lit, puis se serait allongé sur lui. « Il cherchait à me séduire, affirme Anthony Rapp. J’étais conscient qu’il cherchait à m’entraîner sur le terrain sexuel. » Le jeune homme aurait réussi à se réfugier dans la salle de bains, puis à rentrer chez lui.

Face à ces accusations — contrairement à Harvey Weinstein —, Kevin Spacey, deux fois récompensé par un Oscar et personnage principal de la série House of Cards, n’a pas nié sa responsabilité, mais simplement assuré sur Twitter qu’il ne se souvenait plus des faits : « Si je me suis comporté comme [Anthony Rapp] le décrit, je lui dois mes excuses les plus sincères pour ce qui aurait été une attitude en état d’ébriété des plus inappropriées », a-t-il écrit. Dans le même communiqué, l’acteur révèle également son homosexualité, un « coming out » jugé par certains inapproprié dans sa forme.

En réponse à ces allégations, Netflix a annoncé que la série House of Cards s’arrêtera l’été prochain après six saisons. Dans un communiqué commun, le groupe et la société Media Rights Capital, qui co-produit la série, se sont dites « profondément troublés par les informations de la nuit dernière concernant Kevin Spacey ». « En réaction aux révélations de la nuit, les responsables des deux sociétés sont arrivés à Baltimore cet après-midi pour rencontrer les acteurs [de House of Cards] et s’assurer qu’ils continuent à se sentir en sécurité et soutenus. Conformément au planning, Kevin Spacey n’est pas sur le tournage en ce moment. »

Reese Witherspoon parmi les victimes supposées

Des histoires comme celle-ci, Hollywood en compte-t-elle beaucoup ? A en croire l’ex-enfant star Corey Feldman, il y en aurait au moins six. L’acteur qui a joué dans des films culte des années 1980 comme Gremlins ou Les Goonies a plusieurs fois assuré, depuis 2016, avoir été victime de pédophilie. « Comme ça, à la volée, je peux citer six noms, dont l’un est encore très puissant aujourd’hui », a-t-il répété, jeudi 25 octobre, dans une vidéo postée sur Twitter. Le musicien et acteur de 46 ans a également affirmé que son ami Corey Haim, mort d’une pneumonie en 2010, avait, lui aussi, été agressé sexuellement par des dirigeants de studio, y compris « certains des plus riches et puissants du secteur ».

Il y a dix jours, c’est l’actrice Reese Witherspoon qui révélait qu’elle aurait été agressée sexuellement pas un réalisateur lorsqu’elle avait 16 ans. « [Je ressens] un véritable dégoût envers le réalisateur qui m’a agressée et de la colère contre les agents et les producteurs qui m’ont fait sentir que le silence était une condition à mon rôle », a-t-elle ainsi confié à la version américaine du magazine Elle.

Pour lever le voile sur d’autres affaires, Corey Feldman tente, depuis quelques jours, de rassembler dix millions de dollars pour financer un film qui ferait « une description honnête et vraie des abus dont ont été victimes des enfants » dans le secteur du cinéma et de la télévision — il avait, lundi à midi, déjà reçu 160 000 dollars de dons. M. Feldman précise :

« Ce que je propose, c’est un plan qui peut littéralement transformer l’industrie du divertissement telle que nous la connaissons. Et je pense que cela peut aussi entraîner la chute d’un cercle de pédophilie dont je connais l’existence depuis que je suis enfant. »

Un secret de Polichinelle

Les accusations de Corey Feldman font écho à celles lancées en mai 2016 par Elijah Wood, héros du Seigneur des Anneaux. L’acteur, révélé dans Flipper le dauphin en 1996, avait alors dénoncé dans les colonnes du Sunday Times, un réseau de pédophiles « organisé ». « Il y avait à l’évidence quelque chose de grave qui se tramait à Hollywood. C’était très bien organisé », racontait-il, faisant référence à ses débuts devant la caméra, dans les années 1990.

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« Il y a quelque chose de vraiment mauvais qui réside dans les tréfonds d’Hollywood », avançait-il, estimant que ce genre de crime « doit encore arriver » sans que personne fasse rien. Face à la polémique suscitée par ses propos, l’acteur avait dû préciser sa pensée sur Twitter :

« Ce sujet de la maltraitance des enfants est un sujet important qui devrait être discuté et faire l’objet d’enquêtes. Mais comme je l’ai dit clairement au journaliste, je n’ai pas de témoignage de première main. »

Pour en avoir, il faut regarder le documentaire An Open Secret (« un secret de Polichinelle »), d’Amy Berg, réalisé en juin 2015 et disponible gratuitement sur Internet. Déjà oscarisée pour le film Délivrez-nous du mal, qui traite des abus sexuels dans l’Eglise catholique, la réalisatrice s’est, une fois encore, attaquée au silence qui entoure les abus sexuels.

L’affiche du film « An Open Secret » (un secret de Polichinelle, 2015), d’Amy Berg.

Abandon des poursuites

« Le film que Hollywood ne veut pas que vous voyiez », annonçait l’affiche à sa sortie. Et pour cause, pendant une heure trente, Amy Berg donne la parole à cinq victimes qui témoignent à visage découvert. Parmi elles, Todd Bridges, le Willy de la célèbre série Arnold et Willy. Abusé sexuellement selon ses dires à l’âge de 11 ans, il est tombé dans la drogue et l’alcool, pour « ne plus rien ressentir », dit-il. Evan Henzi révèle, lui, les agressions répétées qu’il aurait subies dès l’âge de 11 ans de la part de son manager. « Je me suis senti coupable, mais j’ai pris conscience que j’essayais simplement de croire que tout le monde était bon et savait mieux que moi », raconte le jeune homme, qui a attendu sa majorité pour porter plainte :

« Maintenant que je suis plus âgé, je sais que c’était dégoûtant. Vous ne pouvez pas avoir de relations sexuelles avec un garçon de 11 ans. »

Apparaît également dans ce documentaire Michael Egan, qui a accusé, en 2014, Bryan Singer, le célèbre réalisateur de la saga X-Men, d’abus sexuel — il a également mis en cause David Neuman et Garth Ancier, deux grands noms de l’industrie télévisuelle américaine, ainsi que le producteur Gary Goddard.

Dans une longue séquence, l’acteur raconte notamment avoir été saoulé, drogué et violé en juin 1998, dans une villa des hauteurs de Hollywood. Après avoir porté l’affaire devant les tribunaux, Michael Egan a finalement abandonné ses poursuites. Ses avocats sont même allés jusqu’à rédiger des lettres d’excuses, rappelait récemment Gabe Hoffman, le producteur de An Open Secret, dans The Hollywood Reporter.

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