Val-de-Marne : on s’arrache le « Sherlock Holmes » de l’oreille

Un jeune expert de la police basé à Vitry, le seul en France capable d’exploiter des empreintes d’oreille, est de plus en plus sollicité par les enquêteurs. C’est grâce à lui que deux Géorgiens impliqués dans 68 vols avec effraction, ont été interpellés dans le Rhône récemment.

 La forme unique des oreilles a toujours intéressé les experts de la police scientifique. Mais un policier diplômé de criminologie et basé à Vitry surpasse ses prédécesseurs. Archives de la Préfecture de police.
La forme unique des oreilles a toujours intéressé les experts de la police scientifique. Mais un policier diplômé de criminologie et basé à Vitry surpasse ses prédécesseurs. Archives de la Préfecture de police.

    Le goût du défi et du jeu associé à une technicité hors pair. Surnommé par ses collègues le « Sherlock Holmes de l'oreille », Sébastien Aguilar, scientifique de 32 ans basé au commissariat de Vitry, ferait un drôle de personnage de fiction, entre le héros de Conan Doyle et ceux de la série télé « Les experts ».

    Ce policier rattaché à la sûreté territoriale du Val-de-Marne n'en finit pas d'être sollicité. Récemment dans le Rhône, grâce à deux autres experts qu'il avait formé, deux Géorgiens impliqués dans 68 vols avec effraction ont été interpellés. Sa spécialité ? C'est le seul en France capable d'exploiter avec une telle expertise les traces de l'oreille.

    Une aubaine pour les enquêteurs qui savent depuis longtemps que le cambrioleur d'un appartement prend souvent la peine d'écouter à la porte pour s'assurer que personne n'est là. L'année dernière à Paris, sur 650 cambriolages résolus, 250 l'ont été grâce au « Sherlock Holmes de l'oreille ».

    « Il n'a rien à faire chez nous », se marre un de ses collègues du Val-de-Marne. Diplômé d'une licence de biologie et d'un master en sciences criminelles, l'expert originaire de Corse a appris sa technique dans la plus grande école de criminalistique au monde, située à Lausanne, en Suisse.

    C'est là qu'il découvre l'oreille. Un organe unique, comme une empreinte digitale ou un ADN. Avec de la poudre, il apprend plus exactement à reconstituer son profil grâce au gras laissé sur la porte. « C'est rarement une preuve formelle de la présence d'un individu sur place, précise un enquêteur. Mais cela permet d'établir des rapprochements avec d'autres faits. Et ça, c'est un atout considérable. Car en nous livrant d'autres affaires dont on ne soupçonnait pas l'existence, on multiplie nos chances d'élucidation. »

    C'est le cas en octobre 2015 lors d'une enquête menée par la sûreté territoriale du Val-de-Marne. Une série de cambriolages dans plusieurs départements d'Ile-de-France et en province s'arrête quand l'expert de Vitry parvient à faire des rapprochements entre six faits. Le travail traditionnel des policiers permet ensuite de mettre la main sur deux frères dont l'un sera écroué. Une affaire loin d'être isolée.

    Seulement voilà, si cette technique est plébiscitée par les enquêteurs elle reste marginale, faute de moyens. « ll ne demande qu'à former d'autres policiers et de créer une cellule spécialisée dans l'oreille mais cela reste lettre morte, peste un de ses collègues. Pour les huiles, ce n'est qu'un petit technicien de sécurité publique ». Un petit technicien qui est l'auteur d'un livre sur la police scientifique à paraître la semaine prochaine chez Hachette.

    « Il a rassemblé plus de 2 000 traces d'oreilles, estime un enquêteur. Chaque semaine, il en a 20 nouvelles. Et on dirait qu'il est capable de mettre un nom sur chaque empreinte. Le problème, c'est qu'en France, il n'y a pas de fichier officiel comme dans d'autres pays européens. »

    D'après nos informations, il est même arrivé qu'un juge d'instruction, faute de pouvoir utiliser ses services par la voie officielle, fasse appel à lui en tant qu'expert et le rémunère en tant que tel. Le comble pour un policier.