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A Barcelone, les indépendantistes se demandent pourquoi « tout s’est arrêté si brusquement »

Trois jours après la déclaration d’indépendance, les responsables politiques n’apparaissent plus et les mobilisations sont faibles.

Par  (envoyée spéciale à Barcelone)

Publié le 30 octobre 2017 à 21h39, modifié le 31 octobre 2017 à 05h22

Temps de Lecture 3 min.

Un homme brandissant un drapeau indépendantiste devant des dizaines de caméras, sur la place St Jaume, devant les portes de la Generalitat à Barcelone, lundi 30 octobre.

Il attire les curieux, avec son foulard lui bandant la bouche et son corps entièrement recouvert de peinture rouge. Assis devant la Generalitat, le siège de l’exécutif catalan à Barcelone, Lluis Villacorta exhibe une pancarte sur laquelle on peut lire son appel à l’aide pour la Catalogne, « une nation opprimée ». Ce militant passe tous ses après-midi sur la place San Jaume depuis un mois pour faire valoir la cause indépendantiste. Mais au soir du 30 octobre, trois jours après la proclamation de la République catalane qu’il a tant attendue, c’est la tristesse qui domine dans ses yeux.

« Je suis un peu perdu, explique-t-il, décontenancé. Je m’attendais à ce qu’il y ait plus de gens aujourd’hui. Je ne comprends pas pourquoi tout s’est arrêté si brusquement ». Devant lui, la place qui a accueilli la ferveur des indépendantistes vendredi soir est presque vide, exception faite d’une quinzaine de journalistes. « Alors, il ne s’est rien passé ? », lui demande, fébrile, une passante tout juste arrivée. C’est d’un haussement d’épaule déçu qu’il lui répond.

« Nous attendons un événement, n’importe quoi »

Comme eux, toute la journée, plusieurs indépendantistes barcelonais sont allés et venus, l’air interdit, devant la Generalitat. Certains pour brandir la bannière indépendantiste, d’autres pour chanter l’hymne catalan, d’autres encore pour exprimer leur colère contre le « coup d’Etat de Madrid », qui a placé la Catalogne sous tutelle vendredi. Ceux-là crient « Liberté ! » en catalan, et déclenchent l’ire de plusieurs passants qui sont aussi venus « défendre les couleurs de l’Espagne unie ».

Mais les actions sont individuelles, et ne parviennent pas à fédérer plus d’une trentaine de personnes. Aucun parti, aucune association n’a appelé à un quelconque mouvement pour contester la mise sous tutelle de Madrid, ni pour défendre la République catalane, proclamée et presque aussitôt enterrée. « Nous attendons qu’il y ait un événement, n’importe quoi », dit Ignacio Casamada, qui aurait aimé, comme beaucoup d’autres, voir apparaître Carles Puigdemont, le président destitué de la Catalogne, aux portes du palais de l’exécutif. « C’est un moment de grande incertitude », concède ce retraité, qui a été de toutes les manifestations antérieures.

« C’est toujours notre président, c’est pour lui qu’on a voté », assure Elisenda Carrasco, enveloppé dans un drapeau indépendantiste. Elle en est convaincue : « Il va continuer à travailler avec son gouvernement, pour l’indépendance. » Toute la matinée, ses soutiens l’ont cru, ou espéré, à l’intérieur de la Generalitat. Mais l’ancien président catalan n’est pas apparu de la journée.

« J’espère qu’il n’a pas abandonné le peuple »

« On dit qu’il est à Bruxelles », avance Lluis Villacorta, même s’il n’y a pas été vu davantage qu’à Barcelone. Moi, j’espère juste qu’il n’a pas abandonné le peuple. Je ne comprends pas pourquoi ils ne nous disent rien. » Pourtant, aucun ne blâme M. Puigdemont. Pour les uns, il est parti chercher le soutien de l’Europe ; pour les autres, il s’est trouvé acculé par la plainte pour rébellion déposée contre lui par le parquet de Madrid.

Pour Claudio Capdevilla, membre de l’Assemblée nationale catalane (ANC), puissante organisation indépendantiste, le silence assourdissant des partisans de l’indépendance, citoyens ou hommes politiques, est une stratégie. « Nous n’avons rien prévu, mais ne rien faire, c’est le plus grand mal qu’on puisse faire à Madrid, dit l’homme à l’air bourru, un badge aux couleurs de la Catalogne indépendante épinglé à l’épaule gauche. Ils n’attendent que ça pour nous envoyer la police. Si on ne bouge pas, ils se fatigueront », poursuit-il, lui qui se dit certain que même si Madrid convoque de nouvelles élections, les indépendantistes « gagneront de toute façon ».

Cependant, face à la déclaration du parti de M. Puigdemont, le Parti démocrate européen catalan (PDeCAT), qui a annoncé lundi qu’il participerait au scrutin du 21 décembre, beaucoup ne peuvent réprimer une grimace. « Je ne sais pas si j’irai, s’interroge Elisenda Carrasco. Voter en décembre, n’est-ce pas accepter que l’indépendance n’existe pas ? » Et c’est bien là le tourment des citoyens indépendantistes qui craignent d’être désormais seuls à défendre encore « leur » République à Barcelone.

  • Le 26 octobre, Carlos Puigdemont, président de la Généralité, le siège du gouvernement catalan, annonce qu’il ne dissoudra pas le Parlement catalan comme le demande le gouvernement espagnol.

    Le 26 octobre, Carlos Puigdemont, président de la Généralité, le siège du gouvernement catalan, annonce qu’il ne dissoudra pas le Parlement catalan comme le demande le gouvernement espagnol. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 27 octobre : la république est proclamée, les partisans de l’indépendance réunis sur la place San jaume crient leur joie devant le palais de la Généralité.

    Le 27 octobre : la république est proclamée, les partisans de l’indépendance réunis sur la place San jaume crient leur joie devant le palais de la Généralité. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 27 octobre, un députe de Podemos hostile à l’indépendance montre son bulletin de vote avant de le deposer dans l’urne.

    Le 27 octobre, un députe de Podemos hostile à l’indépendance montre son bulletin de vote avant de le deposer dans l’urne. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le même jour, les députés du Parti populaire (PP), hostiles à l'indépendance, prennent part aux débats, virulents dans le Parlement catalan.

    Le même jour, les députés du Parti populaire (PP), hostiles à l'indépendance, prennent part aux débats, virulents dans le Parlement catalan. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 27 octobre, l’opposition a quitté le Parlement et assure au « oui » 70 % des voix. Carles Puigdemont célèbre cette victoire avec un député après l’annonce des résultats.

    Le 27 octobre, l’opposition a quitté le Parlement et assure au « oui » 70 % des voix. Carles Puigdemont célèbre cette victoire avec un député après l’annonce des résultats. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • A l'annonce du résultat, les députés de la CUP (Candidature d’unité populaire), un des partis indépendantistes, entonnent « Els Segadors », l'hymne catalan, le poing levé.

    A l'annonce du résultat, les députés de la CUP (Candidature d’unité populaire), un des partis indépendantistes, entonnent « Els Segadors », l'hymne catalan, le poing levé. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 27 septembre, après la proclamation de la république, les unionistes et les anti-indépendantistes manifestent leur colère dans les rues de Barcelone, devant les Mossos d’esquadra, la police catalane.

    Le 27 septembre, après la proclamation de la république, les unionistes et les anti-indépendantistes manifestent leur colère dans les rues de Barcelone, devant les Mossos d’esquadra, la police catalane. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Dans la soirée, la station de radio publique Catalunya Radio est attaquée par des anti- indépendantistes.

    Dans la soirée, la station de radio publique Catalunya Radio est attaquée par des anti- indépendantistes. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 28 octobre, Carlos Puigdemont intervient à la télévision catalane TV3, pour appeler les Catalans à la résistance pacifique.

    Le 28 octobre, Carlos Puigdemont intervient à la télévision catalane TV3, pour appeler les Catalans à la résistance pacifique. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le 29 octobre, les unionsites manifestent une nouvelle fois en criant « Puigdemont en prison ! »

    Le 29 octobre, les unionsites manifestent une nouvelle fois en criant « Puigdemont en prison ! » GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Le même jour, le cortège rassemble tous les partis ayant refusé l’indépendance de la région. Ici Albert Rivera, président du parti libéral Ciudadanos, et Inès Arrimadas, députée.

    Le même jour, le cortège rassemble tous les partis ayant refusé l’indépendance de la région. Ici Albert Rivera, président du parti libéral Ciudadanos, et Inès Arrimadas, députée. GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

  • Dimanche, ils étaient 300 000 dans les rues selon la police catalane, plus de 1 million selon les autorités espagnoles, avec un espoir : que les élections annoncées par Mariano Rajoy pour le 21 décembre permettent à la Catalogne de « rétablir le vivre-ensemble ».

    Dimanche, ils étaient 300 000 dans les rues selon la police catalane, plus de 1 million selon les autorités espagnoles, avec un espoir : que les élections annoncées par Mariano Rajoy pour le 21 décembre permettent à la Catalogne de « rétablir le vivre-ensemble ». GEORGES BARTOLI / DIVERGENCE POUR LE MONDE

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