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Le "Monsieur islam" français savait tout d'un Tariq Ramadan "violent et agressif" sexuellement... et pourtant

Le "Monsieur islam" français savait tout d'un Tariq Ramadan "violent et agressif" sexuellement... et pourtant

Aveuglement

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Il ajoute n'avoir "jamais entendu parler de viol" et se dit "abasourdi". Le symbole d'un incroyable aveuglement ?

Bernard Godard est un des experts français de l'islam. Entre 1997 et 2014, il a été considéré comme le "Monsieur islam" du ministère de l'Intérieur, conseillant successivement Jean-Louis Debré, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux ou encore Manuel Valls. Il connaissait donc très bien Tariq Ramadan, islamologue suisse, petit-fils du fondateur des Frères musulmans, habitué à masquer son fondamentalisme religieux derrière des discours modernistes, agissant comme un véritable gourou pour de nombreux croyants, et aujourd'hui accusé de viol par plusieurs femmes, notamment deux qui ont porté plainte.

"Certaines résistaient..."

Mais le connaissait-il au point de "savoir" ? C'est la question posée par L'Obs ce 31 octobre. Et la réponse de celui qui connaît tout de la montée de l'islamisme radical en France fait peur :

"Qu'il avait beaucoup de maîtresses, qu'il consultait des sites, que des filles étaient amenées à l'hôtel à la fin de ses conférences, qu'il en invitait à se déshabiller, que certaines résistaient et qu'il pouvait devenir violent et agressif, ça oui. Mais je n'ai jamais entendu parler de viols. J'en suis abasourdi."

Peur car, tout dans son énumération, dans cette description de la violence et de l'agressivité du prédicateur lorsqu'il n'obtenait pas ce qu'il voulait d'une femme, est de l'ordre de l'agression sexuelle et pouvait laisser penser que le viol - c'est-à-dire tout acte de pénétration sexuelle commis sur autrui par la violence, contrainte, menace ou surprise - était possible. Voire logique.

Que Bernard Godard se dise "abasourdi" par les accusations des victimes présumées en dit long sur l'aveuglement, y compris des autorités françaises, sur le personnage Ramadan. Mais aussi, plus généralement, sur l'absence criante de conscience face à ce qui ressemble à des agressions sexuelles avérées. Pourtant, l'expert de l'islam semble bien tout savoir du double jeu opéré par l'islamologue, lui qui prônait le devoir de chasteté le jour pour devenir "un prédicateur obsédé par la sexualité", selon l'expression de notre collaboratrice Caroline Fourest, la nuit.

Défaut de plaintes

Bien sûr, aucune femme n'avait porté plainte jusqu'à la semaine passée. Certaines avaient visiblement essayé, à l'image de cette histoire narrée par Caroline Fourest dans nos colonnes :

"Toutes avaient vécu à peu près la même histoire. Une demande de conseil religieux transformé en relation sexuelle compulsive, parfois consentie, souvent violente et très humiliante, avant de finir en menaces. L'une d'elles avait subi un traitement pouvant faire l'objet d'une plainte. Je l'ai présentée à un juge. Mais Tariq Ramadan lui faisait trop peur. Elle se sentait suivie. Elle était clairement trop fragile pour persévérer."

Le journaliste Ian Hamel, auteur du livre La vérité sur Tariq Ramadan : sa famille, ses réseaux, sa stratégie, a également raconté à Marianne qu'une femme, après avoir franchi le pas de la plainte, s'était rétractée "sous la menace". Mais, disait-il encore, "concernant les viols, rien n'est prouvé."

"On ne pouvait pas savoir", répondront donc sans doute les Bernard Godard et consorts, faute de plaintes. Mais ont-ils voulu voir ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne