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Des fermiers indiens s’enterrent pendant un mois pour ne pas céder leur propriété

Un agriculteur à Nindar, près de Jaipur. Photo : Nagendra Singh Shekhawat.
Un agriculteur à Nindar, près de Jaipur. Photo : Nagendra Singh Shekhawat.
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Depuis le début du mois d’octobre, des agriculteurs passent leur journée enfoncés jusqu’au cou dans la terre de leur village, Nindar, à côté de Jaipur, dans le Rajasthan. Un moyen radical de protester contre le projet d’extension urbaine mené par le gouvernement régional, qui s’étend sur 210 hectares, dont la plupart leur appartiennent.

Le projet consiste à étendre la ville de Jaipur qui compte autour de 3 millions d’habitants. Mais les agriculteurs affirment qu’ils n’ont pas été consultés dans les règles, et que les termes dans lesquels se réalise l’acquisition ne sont pas équitables.

C’est après l’échec de manifestations classiques qu’ils ont décidé, le 2 octobre, de se lancer dans un nouveau mode de contestation. Plutôt bien pensé, puisque le pouvoir évocateur des images des paysans enterrés a vite attiré la presse nationale, et contraint les responsables de la Jaipur Development Authority – un organisme public chargé de la mise en œuvre du rachat et de réaménagement des terres – à venir négocier.

La mobilisation a finalement porté ses fruits : lundi 30 octobre, les agriculteurs ont finalement obtenu ce qu’ils demandaient, à savoir une nouvelle consultation des autorités et une renégociation de la compensation proposée. Un succès presque inespéré, raconte notre Observateur.

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Video filmée par notre Observateur Nagendra Singh Shekhawat le 24 octobre.

"S’ils perdent leur terre, ils perdent leur gagne-pain"

Nagendra Singh Shekhawat est un activiste de Jaipur, qui s’est joint aux manifestations des agriculteurs. Il est  chargé, en leur nom, des négociations avec la Jaipur Development Authority.

Les agriculteurs se sont vu offrir de très faibles compensations, définies selon des prix de 2010, qui est l’année où le gouvernement a fait une évaluation des terres. Mais pour les agriculteurs, cette consultation a été mal faite, et la majorité des familles qui avaient donné leur accord ont dit avoir reçu des pressions pour le faire. Beaucoup de ces familles font aujourd’hui partie du mouvement de protestation.

Ce que nous avons demandé, c’est une nouvelle consultation. Nous demandons aussi que soit appliquée la nouvelle loi régissant l’acquisition des terres, votée en 2013. Car en l’occurrence, le rachat des terres se fait selon une très vieille législation, qui date de 1894. Selon la nouvelle loi, il faut que 80 % des résidents consentent à partir pour que le projet soit lancé. Ce n’est pas du tout ce que prévoit la loi précédente [la loi de 2013 prévoit également une compensation d’un montant de quatre fois la valeur du marché dans les zones rurales, et deux fois en zone urbaine]

Photo prise par Nagendra Singh Shekhawat.

"C’est un geste symbolique pour montrer à quel point ils sont attachés à leur terre"

En tout, il y a près de 2 500 familles qui vivent sur les terres menacées, et environ 1 500 d’entre elles vivent des revenus de leur ferme. Ce sont de petites fermes, ils cultivent des légumes, élèvent des animaux. De nombreuses femmes travaillent. Si ces gens perdent leur territoire, ils perdent leur gagne-pain.

Les agriculteurs s’opposent au rachat de leur terre depuis 2010 [Shekhawat s’est joint à eux en 2013]. Mais fin septembre, nous avons dû trouver une solution plus radicale pour nous faire entendre. Nous avons creusé ces trous directement à côté des constructions en cours, pour les arrêter. C’est un geste symbolique pour montrer à quel point les agriculteurs sont attachés à leur terre.

Des agriculteurs manifestent lors de la fête de Diwali. Vidéo de Nagendra Singh Shekhawat.

Il y a plusieurs dizaines de trous, que les agriculteurs, hommes et femmes, occupent par roulement, jour et nuit. Dans la journée, ils jeûnent. Ils ont carrément célébré la fête de Diwali [fête hindoue de la lumière] courant octobre depuis leurs trous.  

Cette forme de protestation a permis d’attirer l’attention de la Jaipur Development Authority. Les négociations que nous avons eues n’ont longtemps abouti à rien. Nous avons pensé qu’on nous faisait perdre notre temps exprès, en attendant que l’intérêt suscité disparaisse. Et puis finalement, nous avons obtenu gain de cause, c’est un grand soulagement !

Les manifestations contre la politique d’acquisition des terres par les autorités sont fréquentes en Inde, où la terre est considérée comme une ressource sacrée. Le sujet fait fortement débat, certains considèrent les rachats de ces terres comme indispensables pour le développement industriel, d’autres estiment que ces rachats se font souvent au détriment des plus pauvres, qui attendent parfois des années, voire des décennies, avant d’obtenir des compensations.

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