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Manger bio, est-ce vraiment plus sain ?

Une récente étude fait état des potentiels bienfaits sur la santé de ce type de régime alimentaire. Même si les preuves scientifiques manquent.
par Aurore Coulaud
publié le 1er novembre 2017 à 14h48
(mis à jour le 2 novembre 2017 à 9h45)

Au moment où le débat fait rage sur le pesticide glyphosate, une étude européenne parue vendredi dans la revue scientifique Environmental Health se penche sur les effets du bio sur la santé en comparaison avec les cultures dites conventionnelles. Diligentée par le parlement européen, elle se base notamment sur la lecture de près de 300 documents. Conclusions : le bio pourrait être un rempart contre certaines pathologies, mais «on reste au stade des hypothèses», confie Emmanuelle Kesse-Guyot, l'une des auteurs de l'étude, épidémiologiste et directrice de recherches à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Pourquoi ? «Car il faut plus d'études sur les populations pour arriver à un niveau de preuves avéré», nous assure-t-elle.

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Jusqu'à présent peu de travaux ont été menés sur le sujet. Parce que c'est long et cher. Parmi les plus récents, le programme de recherche européen QLIF (Quality Low Input Food) «sur les systèmes de production et filières à bas intrants, dont l'agriculture biologique, conduit de 2004 à 2009» et la «méta-analyse menée par l'université de Newcastle publiée en juillet 2014», comme le souligne l'Agence bio, une plateforme nationale d'information et d'actions pour le développement de l'agriculture biologique en France. De façon générale, tous soulignent les bienfaits du bio. Même chose pour l'étude anglaise publiée dans l'American journal of clinical nutrition en 2009 qui avait pourtant fait polémique pour avoir exclu certaines données clés, «ce qui donnait une image très incomplète de la réalité de la connaissance scientifique en la matière», précisait alors l'association Générations Futures dans un communiqué.

Probable rempart contre les maladies

Que dit en substance la dernière étude en date ? Comme le préconise le cahier des charges de l’agriculture bio en France, l’utilisation de produits phytosanitaires (herbicides, insecticides…) et de synthèse se veut très limitée. Les exceptions ? Pour l’essentiel, des antiparasitaires pour les animaux en attendant de trouver une alternative efficace. Une moindre exposition aux pesticides réduirait le risque de maladies allergiques mais aussi de surpoids.

Les produits laitiers biologiques, et peut-être aussi les viandes, contiennent plus d’acides gras oméga-3 que les produits conventionnels. Dans les aliments bio, on note aussi parfois une hausse de vitamine C et de composés polyphénoliques, molécules essentielles dans la lutte contre certaines maladies chroniques.

Des études épidémiologiques ont également rapporté les effets néfastes de certains pesticides sur le développement cognitif des enfants aux niveaux d'exposition actuels. Les femmes qui consommeraient régulièrement du bio seraient également moins susceptibles de développer un lymphome non hodgkinien, un cancer lié au système lymphatique. Il existe donc un faisceau d'hypothèses convergentes mais «il faut continuer les études, car on ne sait pas encore la véritable répercussion sur l'homme», insiste la chercheuse, d'autant que la plupart des consommateurs bio possèdent un profil particulier.

Rare contamination du bio

Les seules contaminations dont pourraient pâtir les cultures bio ? «Durant les transports en camion, mal désinfectés» ou à cause «du vent qui dépose sur des exploitations AB (agriculture biologique) des pesticides d'un autre champ à proximité», selon Etienne Gangneron, de la commission bio de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA). Toutefois, pour éviter cela, une bande de précaution doit être érigée entre parcelles bio et non bio.

Même si aujourd'hui ce régime est encore faiblement répandu, les chiffres ne cessent de croître d'année en année dans le monde et en France. «Entre 2015 et 2016, on est passé de 10 à 15% de Français disant consommer bio tous les jours», rappelle Florent Guhl, directeur de l'Agence bio. Plus largement, dans l'Hexagone, le marché en question a progressé de 10% entre 2013 et 2015 pour atteindre 5,76 milliards d'euros puis 7 milliards en 2016, selon les dernières données de l'agence française. Des taux qui devraient encore grimper après la controverse sur le glyphosate, si toutefois la France arrive à développer de façon pérenne ce type d'agriculture. «C'est un travail de longue haleine de passer du conventionnel au bio, selon Etienne Gangneron. Le bio demande plus de technique. L'enjeu ? La lutte contre les adventices (les mauvaises herbes), qui réduisent les rendements. Les alternatives aux pesticides existent mais ne sont pour le moment pas aussi efficaces. Il faut vraiment que la recherche accompagne les agriculteurs.»

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