«Dans un musée, rien ne peut disparaître»

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Oeuvres égarées«Dans un musée, rien ne peut disparaître»

Un millier d'oeuvres sont introuvables dans la collection d'art de la ville de Zurich. La situation à Genève et Lausanne est bien moins inquiétante.

smk/rmf
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La Ville de Zurich ne gère plus sa collection d'art à vau-l'eau...

La Ville de Zurich ne gère plus sa collection d'art à vau-l'eau...

Keystone

La collection de la Ville de Zurich peut être qualifiée d'imposante avec plus de 34'500 oeuvres d'art. Mais certaines sont désormais introuvables. «Il manque actuellement 946 pièces», reconnaît Marc Huber, porte-parole de l'immobilier de la ville au département de la construction.

La cité de Zwingli en a fait une liste qu'elle a publiée sur son site Internet. Parmi les pièces manquantes figure notamment une peinture de Le Corbusier (1887–1965), datant de 1927, «Nature morte à la bouteille, carafe et coquetier». Valeur estimée: 1,5 million de francs, rappelle le Tages-Anzeiger.

Des pertes depuis des décennies

La ville avait acquis le tableau en 1964 pour l'exposer à la maternité de l'hôpital du Triemli avant de le déplacer dans une salle d'attente pour finalement le ranger dans une cave. D'où il a disparu, probablement dans les années 90, supposent les autorités municipales. Une plainte a bien été déposée voici une dizaine d'années mais sans succès jusqu'à présent.

Les autres pièces manquantes de la collection sont moins précieuses, mais Marc Huber estime leur valeur totale à près de deux millions de francs. Une estimation à prendre avec précaution, souligne-t-il. «Il peut y avoir des oeuvres de valeur qui n'ont pas sur le marché la même signification financière.»

Gestion laxiste

Ces pertes sont la conséquence d'une gestion laxiste durant des années. Les oeuvres d'art étaient prêtées sans documentation ni notice et il n'y avait aucun contrôle. Le département de la construction a depuis resserré sa pratique, fondant un bureau spécialisé pour gérer sa collection qui applique désormais des contrôles beaucoup plus stricts.

Il a toutefois fallu attendre 2009 pour que la ville établisse son premier inventaire, alors qu'elle a commencé sa collection voici plus d'un siècle. Le renforcement des contrôles dans les immeubles détenus par la municipalité a permis de retrouver certaines oeuvres considérées comme disparues. Rien qu'en 2017, ce sont six pièces qui ont été récupérées.

La ville de Berne aussi

La ville de Zurich n'est pas la seule à avoir de la peine à gérer sa collection d'art. La collection cantonale avait reconnu en 2004 qu'il lui manquait plus de 2000 oeuvres d'art d'une valeur estimée à 2,5 millions de francs. Mais grâce à une politique plus rigoureuse, plus aucune perte n'a été signalée ces dernières années.

Et comme le rapporte la Berner Zeitung, la ville de Berne est confrontée au même phénomène, avouant qu'il lui manque entre 100 et 200 pièces. Une transparence que plusieurs villes et cantons ne pratiquent pas puisque certains se refusent à donner le moindre détail sur leur collection. «Les autorités se doivent d'être transparentes sinon elles donneront l'impression qu'elles cherchent à cacher de mauvaises surprises», a estimé l'expert en droit artistique Andrea Raschèr à la SonntagsZeitung.

La solution: des contrôles systématiques

Le problème est connu du Fonds cantonal genevois d'art contemporain, qui avoue un petit pourcentage manquant. Des contrôles récents ont toutefois permis d'en retrouver certaines. Le Fonds municipal, par contre, se targue de n'avoir rien perdu, grâce à des contrôles annuels et un fichier bien tenu. Par ailleurs, le fonds ne date que de 1950, et est à échelle modeste. Il compte 4400 oeuvres dont 2000 vidéos. Seules 200 pièces sont en prêt aux administrations ou à des musées.

Différent d'un musée

«Gérer un fonds public est différent d'un musée, où rien ne peut disparaître, explique Bernard Fibicher, directeur du Musée cantonal vaudois des Beaux-Arts. Il faudrait avoir le personnel suffisant à un bon suivi, par exemple de prêts destinés à décorer un bureau de fonctionnaire.»

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