Leonard Sebarinda, 70 ans, a été hanté pendant plus de vingt ans par le souvenir de sa fille, disparue à la suite du génocide de 1994 contre les Tutsis, alors qu’elle était encore toute petite.

La dernière fois qu’il a vu l’enfant, Beata Nyirambabazi, c’était en 1994, à l’orphelinat Mengeti, une institution religieuse italienne établie à Nyamata (district de Bugesera, au sud de Kigali). Elle avait 2 ans.

En avril 1994, le génocide commence et des milliers de Tutsis de la plus grande partie de la région de Bugesera se réfugient dans l’église catholique de Nyamata et dans les zones avoisinantes, pensant qu’ils y seront en sécurité [d’avril à juillet 1994, le génocide organisé par des extrémistes hutus au pouvoir a fait 800 000 morts selon les Nations unies, essentiellement parmi la minorité tutsie].

À leur grande stupeur, les Interahamwe [milices hutues] déferlent sur cette zone, entourent l’église où des milliers de civils ont trouvé refuge et y lancent des grenades, empêchant toute personne de s’enfuir. Cette église a été transformée en mémorial.

La petite Nyirambabazi, seule rescapée

Après les massacres, quand les milices se replient, des villageois découvrent la petite Nyirambabazi, encore en vie parmi les cadavres. Les tueurs l’ont laissée pour morte. Sa mère, sa sœur jumelle et son frère gisent à proximité, sans vie.

Inconnu des villageois, son père est vivant : il s’est caché ailleurs avec ses trois autres enfants. De braves gens emmènent ensuite la petite Nyirambabazi non loin de là, dans un orphelinat baptisé du nom d’un prêtre italien, Mengeti, qui vit dans la région.

Selon les autorités locales, des centaines d’autres enfants ont trouvé refuge dans cet orphelinat, sauvés de toutes sortes d’endroits, tandis que les tueurs intensifiaient leurs massacres de Tutsis autour de la région de Bugesera.

Et c’est à l’orphelinat que son père la découvre après avoir recherché pendant des jours sa famille, dont tous les membres sont morts sauf un bébé. “Je suis allé à l’orphelinat et je l’y ai trouvée, raconte Sebarinda. J’ai confirmé qu’elle était effectivement ma Beata, elle m’a même souri quand je l’ai vue. Je l’ai laissée pour décider comment j’allais la faire sortir de l’orphelinat, afin de m’occuper d’elle et de ses frères et sœurs qui avaient survécu. J’ai quitté les lieux dans l’intention d’y retourner.”

Quand son père revient à l’orphelinat, la petite n’y est plus

Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que quelques jours plus tard un certain nombre d’enfants, dont Nyirambabazi, vont s’envoler vers l’Italie, sans doute envoyés par des organisations religieuses, des associations caritatives et des individus qui les ont

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Johnson Kanamugire
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