L’exploration pétrolière se poursuit en Europe

Malgré les engagements pris lors de la signature de l'accord de Paris, la Norvège ne renonce pas à l'exploration pétrolière. [Jamie Baikie / © Statoil]

L’accord de Paris n’empêche pas les sociétés pétrolières de continuer à prospecter, à grands frais, dans les eaux du nord de l’Europe.

L’extraction de pétrole en Europe, concentrée dans les eaux au large du Royaume-Uni et de la Norvège, a connu un déclin rapide depuis le début du 21e siècle. Après un maximum de 137 millions de tonnes d’équivalents pétrole extraites en 1999, la production britannique a ainsi chuté à moins de 48 tonnes en 2016. En Norvège, le pic a eu lieu en 2001, avec près de 163 millions de tonnes, et n’atteignait plus qu’environ 90 millions de tonnes l’an dernier.

Il existe cependant une différence notoire entre les deux pays. Si la production au Royaume-Uni a chuté de 16 % en cinq ans, la production norvégienne augmente à nouveau depuis un plus-bas de 87 millions de tonnes en 2012.

Face à une demande mondiale qui ne faiblit pas, Oslo semble n’avoir aucune intention d’inverser cette tendance, malgré un changement possible de l’opinion publique et une décision de justice historique qui devrait être délivrée dans le courant du mois.

Il peut sembler étonnant que les entreprises montrent encore un intérêt si poussé pour l’exploitation pétrolière, pourtant très chère, dans les mers les plus hostiles de la planète.

Le prix de l’or noir stagne aux environs de 50 dollars le baril (soit 43 euros) depuis sa chute à la fin de l’année 2014. De nombreux experts estiment en outre que le pic mondial de la demande pourrait être atteint dès les années 2020, étant donné les actions que devront mettre en place les gouvernements pour respecter leurs engagements dans le cadre de l’accord de Paris signé en 2015.

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Tout cela ne suffit visiblement pas à opérer un changement immédiat dans les mentalités, qui permettrait un abandon rapide du pétrole, au profit d’énergies et de technologies plus propres.

En juin, Oslo a ainsi annoncé que l’exploration pétrolière serait autorisée dans 102 nouveaux blocs de son plateau continental, un record. La plupart de ces blocs sont des territoires vierges de la mer de Barents, dans le cercle arctique, ce qui n’a pas manqué d’alarmer les associations de protection de l’environnement, qui dénoncent des autorisations illégales.

«  Il y a un grand intérêt [pour l’exploration], comme l’illustre le fait qu’un nombre record de puits d’exploration ont été creusés dans la mer de Barents en 2017 », a indiqué Sissel Eriksen, directrice d’exploration à la Direction des hydrocarbures norvégienne. Les entreprises intéressées ont jusqu’à fin novembre pour demander une concession.

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Les écologistes saisissent la justice

Et pourtant, le plus gros obstacle à l’exploration pétrolière en Europe pourrait ne pas provenir de principes économiques de base, mais de l’opposition publique. En effet, mi-novembre, le gouvernement norvégien devra se défendre face à la plainte de défenseurs de l’environnement, qui estiment que les autorisations d’exploration précédentes, accordées à 13 entreprises, sont contraires à la Constitution nationale.

La plainte s’appuie sur l’article 112 de la Constitution, qui stipule que les autorités doivent assurer un environnement sûr aux générations présentes et futures.

L’opinion publique est très divisée sur l’avenir d’une industrie qui a rendu le pays riche, souligne Truls Gulowsen, de Greenpeace, un des groupes ayant participé au dépôt de la plainte. Selon un sondage Ipsos réalisé pour le Dagbladet, 44 % des Norvégiens seraient favorables à une réduction des activités pétrolières pour des raisons climatiques, alors qu’ils sont 42 % à soutenir l’exploitation des réserves jusqu’au bout. Le sondage indique également que les femmes sont en général plus favorables que les hommes à ce que le pétrole ne soit pas extrait.

La procédure juridique qui s’ouvre le 14 novembre constitue « un territoire juridique absolument inédit pour les tribunaux norvégiens », admet Truls Gulowsen. Les défenseurs de l’environnement espèrent cependant une décision en leur faveur, qui créerait un précédent juridique pour le reste du monde et permettrait peut-être de convaincre encore davantage les citoyens. Les principaux partis politiques restent cependant fermement attachés à l’ouverture de nouvelles zones d’exploration.

Le représentant de Greenpeace estime que le gouvernement est dans le déni face aux réalités économiques du secteur pétrolier. « Si les pays du monde parviennent à réduire la demande de pétrole de manière nécessaire au respect des objectifs climatiques de l’accord de Paris, plus personne ne voudra acheter ce pétrole offshore si cher. La poursuite de l’exploration est directement contraire aux objectifs de l’accord », fait-il remarquer.

Scénario de 2 °C

Les producteurs de pétrole ne sont toutefois pas d’accord avec l’idée que la limitation du réchauffement climatique à 2°C signifie que l’exploration n’est plus nécessaire. « Selon les chiffres de l’AIE, même dans un scénario à 2 °C, le pétrole et le gaz fourniront toujours environ 45 % du bouquet énergétique en 2040 », assure Nareg Terzian, de l’Association internationale des producteurs gaziers et pétroliers.

«  Le CSC [captage et stockage du CO2] et l’efficacité énergétique joueront un rôle essentiel dans la réduction de l’impact des émissions. La demande restera élevée, c’est pourquoi l’exploration et la production sont importantes et permettront de compenser le taux de diminution de 3 à 6 % des champs », assure-t-il.

Le captage et stockage du CO2 est une toute nouvelle technologie permettant de capter le dioxyde de carbone dans l’atmosphère et de l’envoyer dans des champs gaziers souterrains. En Europe, Statoil est l’acteur le plus actif dans ce domaine.

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L’Association internationale des producteurs gaziers et pétroliers estime les ressources pétrolières européennes connues à plus de 25 milliards de barils, soit 3,5 milliards de tonnes. « Nous envisageons plus de 50 milliards d’euros d’investissements dans le pétrole et le gaz pour les dix années à venir », souligne Nareg Terzian. « L’idée selon laquelle le pétrole et le gaz sont incompatibles avec un avenir à faibles émissions est trompeuse, parce qu’en réalité nous en aurons besoin. »

Selon des recherches commanditées par l’association, 65 % des projets gaziers et pétroliers lancés à l’heure actuelle en Europe devraient être rentables à partir de 60 dollars le baril. La production mondiale a atteint un pic de 97,5 millions de barils par jour au mois de septembre, mais le marché est encore alimenté grâce aux stocks engrangés en 2015 et 2016, estime le groupe.

« Il n’y a aucune indication d’une baisse de la demande, au contraire », assure Nareg Terzian.

Quoi qu’il en soit, la production pétrolière européenne reste marginale face aux grands exportateurs, avec seulement 4 382 tonnes en 2016. Et l’intensification des forages d’exploration dans la mer de Barents cette année n’a pour l’instant pas eu de bons résultats.

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