En ce moment

    03/11/2017

    Couper un oignon : rien de tel pour briser la glace

    Des cours de cuisine pour que réfugiés et Parisiens se rencontrent

    Par Alice Herait

    L’asso Eat and Meet organise des cours de cuisine réunissant 5 étrangers et 5 Parisiens autour d’un chef. « L’intégration, c’est aussi se recréer un groupe d’amis et un réseau professionnel », explique une bénévole.

    « Damaa, Damaaaa, répète encore ? », taquine Maaz, un bénévole venu inspecter la préparation de ce met soudanais :

    « Regarde ma bouche ! Non mais vous les Français, vous n’arrivez pas à faire le “aa”, c’est trop marrant. »

    Il est 18h00 et les participants de l’atelier cuisine organisé par Eat and Meet attendent avec impatience de goûter au plat qu’ils ont préparé ensemble. Pour l’asso, la cuisine est avant tout un prétexte pour que réfugiés et Parisiens se rencontrent.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/photo_groupe_0.jpg

    L'auberge soudanaise / Crédits : Alice Herait

    Couper un oignon pour briser la glace

    Deux heures plus tôt, dans les locaux de Simplon.co à Montreuil, les dix participants – 5 français et 5 étrangers – attendent les premières instructions. Abdoul, le chef du jour, explique dans un français hésitant comment préparer le Damaa, un incontournable de la cuisine soudanaise :

    « Il y a du riz, des aubergines, des oignons, du piment… »

    « C’est quand même meilleur avec de la viande », lance le cuistot d’origine soudanaise et érythréenne, sourire en coin. Le plat est végétarien, pour « convenir à tout le monde », justifie timidement Camille.

    Faire équipe pour couper un oignon, rien de tel pour briser la glace. Il y a peu de matériel, un peu trop de participants et chacun doit partager sa planche à découper. « Moi je sais déjà la recette de ce plat, je suis venu pour aider le chef, c’est mon meilleur pote. On vient de la même ville, on traverse les mêmes galères », raconte Omar qui en profite pour taper la discut’ avec sa voisine :

    « J’ai appris le français tout seul, c’est pas toujours facile. Si tu veux moi je t’aiderai en arabe ».

    Made in Rio

    Créée en décembre 2016, l’asso Eat and Meet, est née d’une rencontre : lors d’un long séjour au Brésil, Camille, Marie et Jennifer tombent sur Hassan, un réfugié syrien. Il a créé un mini-business et vend des mezzés sur une place de Rio. La vente lui permet de gagner sa vie, mais aussi de pratiquer le portugais, tout en donnant l’opportunité aux Brésiliens de découvrir la culture syrienne. « On s’est dit pourquoi ne pas monter une structure qui permettrait aux réfugiés de faire la même chose en France », rembobine Camille.

    Avec une dizaine de bénévoles et quatre chefs, l’asso n’a que quelques événements à son actif. Pourtant, le projet en a déjà convaincu plus d’un. Co-lauréates du budget participatif de la mairie de Paris et du « refugee challenge » initié par la plateforme « What design can do » avant même leur retour en France, les trois fondatrices ont pu recevoir un petit coup de pouce financier pour lancer leur asso.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/abdoul_0.jpg

    Les mains dans le Damaa / Crédits : Alice Herait

    Ils attendent le bus

    « L’intégration, c’est aussi se recréer un groupe d’amis et un réseau professionnel », affirme Camille. « Il y a 34.000 postes vacants dans la restauration. Pour les réfugiés, la première barrière est la langue ». Eat and Meet entend organiser des ateliers cuisine réguliers. « L’idée est d’attirer des jeunes travailleurs Parisiens pour que les chefs puissent se créer un réseau », précise Najla, une bénévole. « Ce qui nous manque maintenant c’est un lieu », ajoute Camille. L’équipe d’Eat and Meet est en pleine négociation avec la RATP pour recevoir un bus dans lequel elle pourrait créer un espace destiné aux rencontres et à la vente.

    À terme, l’association espère devenir un véritable chantier d’insertion, aussi bien sociale que professionnelle. La cuisine, elle, n’est qu’un simple prétexte. D’ailleurs, à la question de savoir si des membres de l’équipe ont un don particulier pour la cuisine, Camille, en études d’architecture, répond :

    « On aime manger, comme tout le monde. »

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER