Une « urgence de santé publique d’ampleur nationale ». Fin octobre, Donald Trump a sonné le tocsin contre un fléau sanitaire qui ravage les États-Unis : la dépendance aux médicaments antidouleur. Chaque jour, 142 Américains meurent d’une surdose d’opiacés. Soit davantage que le nombre de victimes d’accidents de la route et d’homicides par balles réunis.

Vicodin à la télé

Cette addiction d’un nouveau genre n’a en tout cas pas échappé aux scénaristes de séries télévisées. Autrefois, c’était le tabac ou l’alcool qui tenaient le haut du pavé dans le palmarès des « drogues » activement consommées sur le grand ou le petit écran. Ainsi, dans le Dallas des années 1980, la pauvre Sue Ellen se consolait de ses soucis conjugaux avec l’affreux JR, en sirotant du whisky comme du lait-grenadine. Aujourd’hui, les séries suivent l’air du temps et mettent en scène des personnages shootés aux analgésiques.

Avec, en particulier, un médicament, le Vicodin, qui n’existe pas en France mais figure parmi les antidouleur les plus consommés aux États-Unis. L’héroïne de la série Nurse Jacky est ainsi « accro » à ce médicament, tout comme un des personnages de The Affair qui ne peut plus s’en passer après avoir été poignardé. Mais la série « phare » en matière de dépendance au Vicodin est sans nul doute Dr House, qui met en scène un médecin non conventionnel, misanthrope. Et en proie à une douleur lancinante à la jambe.

Une addiction des temps modernes

Certains fans de la série ont pris le temps de comptabiliser toutes les scènes où le docteur House avale un comprimé de Vicodin dans les sept saisons de la série (1). C’est impressionnant : 34 scènes dans la saison 1, 28 dans la saison 2, 40 dans la saison 3, etc. Mais le docteur House n’avale pas ses gélules uniquement pour sa gambette douloureuse.

Les scénaristes ont fait de cette addiction un ressort à part entière de l’intrigue. « Lorsque le docteur House culpabilise du décès d’Amber (saison 4), il augmente la dose. Lorsque Kutner, un jeune médecin de sa nouvelle équipe, se suicide (saison 5) et qu’il se demande s’il est passé à côté du diagnostic d’une dépression nerveuse, il en reprend une rasade », constate le livre Dr House au scalpel (2).

Une addiction des temps modernes, sans doute guère éloignée de celles de ces millions d’Américains qui, dans la vraie vie, n’arrivent plus à se passer de leur antidouleur quotidien. « C’est difficile de savoir si la série a pu inciter des téléspectateurs à essayer eux aussi le médicament », explique le docteur Philippe Arvers, addictologue à l’université de Grenoble. « Certes, dans Dr House, on voit aussi les effets négatifs puisque le héros se retrouve en cure de désintoxication, ajoute-t-il. Mais cela n’est pas anodin de voir un médicament aussi présent dans une fiction regardée par des millions de gens. »

Les médecins inquiets de l’influence de Dr House

Le docteur Arvers n’est pas le seul médecin à s’interroger sur l’impact de la série. Sur le site d’ABC News, on retrouve ainsi une lettre de 2008 du docteur John… House, médecin ORL à Los Angeles. Un « vrai » docteur House un peu inquiet des agissements du « faux » docteur House. « Dans ma clinique, nous voyons avec mes collègues un nombre significatif de patients dépendants au Vicodin », écrivait alors ce médecin, ajoutant que, depuis le premier épisode, il a tenté, en vain, de sensibiliser les auteurs et producteurs au fait qu’un abus de Vicondin peut… rendre sourd.

En tout cas, pour les « accros » à la série, il est possible d’acheter sur un site spécialisé français une « réplique du tube de Vicodin dont le Dr House ne se sépare jamais ». En petits flacons en plastique vendus 8 euros pièce. « Avec des bonbons à l’intérieur », précise la responsable du site.

(1) Sur le site house-fr.com. (2) Corinne Calmet et Hervé Tropéa, éditions du Rocher, 2011.