Paradise Papers

La reine d'Angleterre, éclaboussée par les Paradise Papers ©Maxppp - F. Arrizabalaga
La reine d'Angleterre, éclaboussée par les Paradise Papers ©Maxppp - F. Arrizabalaga
La reine d'Angleterre, éclaboussée par les Paradise Papers ©Maxppp - F. Arrizabalaga
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Nouvelles révélations sur l’évasion fiscale, par le Consortium International des journalistes d'investigation

C’est un collectif de plus de 180 journalistes dans 65 pays qui s’emploie à – je cite « dévoiler les abus de pouvoir, la corruption et les manquements au devoir des institutions publiques ou privées, dans le but de les pousser à agir avec honnêteté, intégrité, responsabilité, afin de faire prévaloir l’intérêt public. » Mais ce sont surtout les révélations sur les paradis fiscaux et la fraude fiscale qui ont fait sa réputation. La dernière enquête en date, celle des « Panama papers », avait démontré tout un système d’évasion fiscale par le biais de sociétés offshore mettant en cause de nombreuses personnalités et jusqu’à certains chefs d’Etat. Lorsque la masse des données à traiter est trop importante, ces journalistes peuvent travailler avec l’appui des rédactions de grands journaux et ça fonctionne aussi dans l’autre sens – si une rédaction se trouve dépassée par l’ampleur d’une enquête, comme en 2015 pour SwissLeaks, quand Le Monde a demandé de l’aide pour traiter les données contenues dans une clé USB adressée au journal. Pour les Panama Papers, c’était le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung qui avait sollicité le Consortium. Avec les « Paradise Papers », outre ce journal et 96 médias de 67 pays, Le Monde et la cellule d’investigation de Radio France ont dépouillé et analysé pendant des mois 13 millions 400 000 documents qui ont fuité du cabinet Appleby, lequel « compte parmi les Rolls-Royce de la finance offshore ». Parmi les premières personnalités visées, le secrétaire d’état au commerce américain qui fait affaire avec des oligarques russes sous le coup de sanctions internationales, le trésorier du parti libéral canadien et proche de Justin Trudeau, ou la Reine d’Angleterre… On peut rappeler que l’évasion fiscale est responsable de la perte de 60 milliards d’euros de recettes fiscales en Europe et 11 milliards pour la France. « Nos journalistes renouent avec l’essence même du métier : la recherche de ce qu’on nous cache », résume un dirigeant du Consortium. Ce qui pose la question cruciale de l’indépendance de la presse. Dans Siné Mensuel, Daniel Schneidermann rappelle que « toute la presse mainstream, les radios, les télés appartiennent à neuf hommes d’affaires ». Le directeur du site de critique des médias @rrêt sur images estime indispensable de créer « un écosystème » favorable pour la presse indépendante qui se développe notamment sur internet : « ces medias devront se reconnaître entre eux et établir des passerelles pour constituer une espèce de galaxie informelle » et il cite en exemple le portail La Presse libre, qui propose des abonnements groupés à tarifs préférentiels. Tout aussi cruciale est donc l’exigence de critique des medias. Le site de l’Observatoire des médias Acrimed en fait son quotidien – et nous ne sommes pas épargnés… Outre l’infographie constamment remise à jour qui dresse la carte du paysage médiatique français et qui « permet de démêler l’écheveau des concentrations dans la propriété des grands médias », le site publie la vidéo de la première table ronde de la Journée de la critique des médias que l’Acrimed a organisée à Paris en mars 2017. Dominique Albertini, de Libération, Aurore Krol de l’Acrimed et David Perrotin, de BuzzFeed analysent « comment la critique des médias tend à être instrumentalisée par les responsables politiques, dévoyée par l’extrême-droite, ou pervertie par les médias les plus ouvertement réactionnaires ».

Le développement de l’information sur les réseaux sociaux souligne également la nécessité d’une vigilance critique

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Claire Wardle et Hossein Derakhshan ont contribué au rapport sur le « Trouble de l’information » commandité par le Conseil de l’Europe. Ils en rendent compte dans les pages idées de Libération. On connaît le problème : en se cantonnant aux sites et pages proches de ses opinions, chacun se trouve renforcé dans ses options et évite la confrontation avec d’autres sources d’information. « Lorsqu’on tente de comprendre pourquoi les gens partagent et relaient des informations fabriquées, manipulées ou mensongères – observent les deux chercheurs – il faut comprendre que ces partages et ces retweets ont une fonction qui n’a rien à voir avec le fait de vérifier si une info est vraie ou fausse. L’acte de partager est en son essence un signal donné aux autres que nous sommes en accord avec le sentiment exprimé par le message en question. » C’est pourquoi ils suggèrent l’usage de mots plus neutre pour ces notifications : plutôt qu’ami ou j’aime, se connecter à quelqu’un, s’abonner à un titre, mettre un marque-page sur un article… Car « même si l’architecture des plateformes n’est pas la cause première des proportions prises aujourd’hui par la fabrication des désinformations, ces dispositifs sont une des principales raisons de leur propagation ». La revue Réseaux publie un dossier sur le web politique au prisme de la science des données. Les chercheurs en sciences sociales se demandent notamment comment traiter la masse énorme des données exploitables et sous quelles conditions extrapoler les résultats obtenus. Là aussi les « big data », au grand jour ou dans l’ombre, posent des problèmes cruciaux. Même si leur traitement prend du temps, on attend désormais la suite du feuilleton « Paradise Papers »…

Par Jacques Munier

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