« Nous allons vers une guerre fiscale » avec les Etats-Unis
Pour Nancy McLernon, présidente de l'Organisation pour l'investissement international, le lobby des grandes entreprises étrangères aux Etats-Unis, la surtaxe incluse dans le projet de réforme fiscale risque de dissuader ces dernières d'investir.
Par Elsa Conesa
Le projet de réforme fiscale américain introduit une taxe de 20 % sur les biens et services produits à l'étranger. Le texte inquiète les entreprises étrangères.
Quels sont les problèmes posés par cette surtaxe ?
Toute réforme fiscale d'envergure soulève des difficultés. Celle-ci fait plus de 400 pages, il n'est donc pas étonnant que les élus n'aient pas pu anticiper toutes ses conséquences, en particulier pour les groupes étrangers. Or cette taxe les touche tout particulièrement, puisqu'elle affecte tous ceux qui ont une chaîne logistique mondiale et intégrée. Et elle risque de les dissuader d'investir aux Etats-Unis.
Concrètement, la taxe prévoit un prélèvement de 20 % sur tous les paiements entre une entreprise aux Etats-Unis et les entités qui lui sont liées, hors du pays. Or ces paiements sont déjà taxés par les autorités locales. Les entreprises seront donc imposées deux fois. Nous sommes en train de regarder s'il y a violation des conventions fiscales en vigueur, ainsi que des règles de l'OMC. Ceci étant, les membres du Congrès sont ouverts à la discussion, nous encourageons nos membres à se rapprocher des élus.
Quels sont les secteurs les plus affectés ?
Notre organisation représente plus de 200 groupes étrangers, français mais aussi britanniques, mexicains, japonais, dans la pharmacie, l'automobile, le luxe, l'assurance, la banque, l'industrie, les spiritueux… Tous seront impactés par la taxe, à des degrés divers, même si la réforme fera sans doute aussi des gagnants parmi ces derniers, puisqu'elle prévoit une baisse historique de l'impôt sur les sociétés.
Les entreprises américaines sont-elles concernées ?
Les entreprises américaines seront elles aussi touchées par la mesure, mais elles tendent à travailler davantage avec des sous-traitants, et sont donc proportionnellement moins exposées que les entreprises étrangères. De ce fait, je crains la réaction des autres pays. Nous sommes déjà au milieu d'une guerre fiscale. De nombreuses entreprises américaines ont le sentiment d'être prises pour cibles en Europe. Et le Trésor américain, sous Obama, a pris des mesures qui ont pénalisé les groupes étrangers.
En cherchant à empêcher les opérations d'« inversion fiscale », c'est-à-dire de délocalisation, il a en réalité surtout attrapé des entreprises étrangères. La surtaxe de 20 % a la même ambition, et elle risque d'avoir le même résultat. Beaucoup de pays réfléchissent actuellement à des mesures ciblant les groupes étrangers pour protéger leurs champions. Le débat sur la remise en question des traités de libre-échange est en train de déteindre sur la fiscalité.
Elsa Conesa (Bureau de New York)