Attention, séisme au Palais Bourbon ! Le temple des lois a pourtant connu bien des changements depuis la transformation de cette ancienne demeure aristocratique en siège de la Chambre des députés, puis de l'Assemblée nationale à la fin du XVIIIème siècle. Mais l'arrivée d'un tsunami de “néodéputés” est en train de bouleverser les habitudes de la vieille maison. Dans le célèbre hémicycle aux fauteuils rouges, les cravates disparaissent petit à petit et les tenues se font plus décontractées. Les deux restaurants du “101” sont, quant à eux, bien moins fréquentés par les nouveaux élus, qui préfèrent se rendre au self, habituellement peuplé de fonctionnaires de l'Assemblée et de collaborateurs parlementaires, pour y déjeuner rapidement avec leurs équipes. Les employés n'en sont pas revenus quand ils ont vu pour la première fois Aurore Bergé, de La République en marche (LRM), et Danièle Obono, de la France insoumise (FI), se saisir d'un plateau. Rassurons les plus inquiets, les ors de ce palais historique de la République n'ont pas disparu.

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

>> À lire aussi - Dépenses publiques : l'Assemblée nationale va être mise au régime sec

Et cela n'est pas des plus pratiques, il faut bien le reconnaître. Les petits fauteuils de l'Hémicycle, par exemple, restent aussi inconfortables qu'un strapontin de RER, surtout pour les grands gaillards, et certains cherchent encore où y caser leur mallette. Pas très moderne non plus, à l'heure de Snapchat et de Twitter, des huissiers à queue-de-pie noir et nœud papillon blanc sont toujours payés pour faire passer des billets aux élus au sein de l'Hémicycle.

Plan du Palais Bourbon. - Ilustration : Michel Saemann pour Capital.

Mais, dans l'ensemble, les nouveaux parlementaires apprécient le faste des lieux. Lorsqu'ils ne sont pas en séance, ils passent beaucoup de temps dans le “périmètre sacré”, un ensemble de somptueux salons jouxtant l'Hémicycle, où ils aiment à prolonger les débats. Cet été, ils s'y sont écharpés sur l'interdiction des emplois familiaux pour les élus, tandis que Stéphane Séjourné, le conseiller politique d'Emmanuel Macron, venait s'y assurer qu'aucune fronde ne menaçait l'unité de la majorité.

La suite sous cette publicité
Publicité

>> À lire aussi - Les députés vont perdre 37% de leur retraite

>> En vidéo - Deux minutes pour tout comprendre du fonctionnement de l'Assemblée nationale

Au calme dans la Salle des Conférences

S'ils cherchent une ambiance un peu plus calme, les élus peuvent se rendre dans la Salle des conférences (schéma ci-dessous). Entre la statue d'Henri IV (1) et la magnifique cheminée en marbre entourée de confortables fauteuils rouges (2), l'atmosphère est plus studieuse. Ils peuvent s'installer dans les larges sièges qui permettent de déplier entièrement un journal (3), regarder la télévision (4), adresser des messages à leurs collègues via le “piano”, un meuble ressemblant à un clavier (5). Avant de se voir attribuer un bureau, certains ont même utilisé cette salle comme lieu de travail (6).

Le plan de la Salle des Conférences de l'Assemblée nationale. - Ilustration : Michael Saemann pour Capital.
La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité

Boissons à petits prix à la buvette

A deux pas de là, la buvette des députés (schéma ci-dessous), interdite aux collaborateurs et aux journalistes, demeure un lieu de convivialité. François Ruffin (FI) vient s'y réconcilier avec les Marcheurs qu'il a chahutés en séance, et les communistes y trinquer avec le député et chef d'entreprise Bruno Bonnell (LRM) en discutant de la Fête de l'Huma (7). Même si les nouveaux préfèrent boire des sodas plutôt que de s'envoyer des alcools forts au comptoir (8), au grand étonnement des serveurs, certains continuent d'apprécier les breuvages costauds à petits prix. “On en voit retourner tout débraillés dans l'Hémicycle après quelques canons», s'étonne un jeune collaborateur. La buvette n'est pas qu'un lieu de détente : c'est là que d'importantes décisions politiques se prennent, en particulier dans le jardins, (9) plus confidentiel. “Quasiment toute la primaire de la droite a été organisée ici”, raconte Thierry Solère, questeur Les Constructifs.

Le plan de "la buvette" de l'Assemblée nationale. - Ilustration : Michel Saemann pour Capital.
La suite sous cette publicité
Publicité

>> À lire aussi - Pas très portés sur le vin, les députés LREM obligent l’Assemblée à vendre ses bouteilles

Mais l'Assemblée ne saurait se résumer au Palais Bourbon. Depuis les années 1970, la représentation nationale a dû acquérir et rénover de nombreuses annexes dans les environs afin de pouvoir caser des bureaux et des salles de réunion ou de commission. Pour un coût parfois astronomique : la rénovation de l'immeuble Chaban-Delmas, le “101, rue de l'Université”, à la fin des années 2000, a été épinglée par la Cour des comptes pour avoir coûté 125 millions d'euros, le double du devis initial. “En moyenne, l'Assemblée dépense chaque année entre 15 et 20 millions pour faire de gros travaux d'entretien”, a calculé René Dosière, député sortant apparenté PS. Il faut reconnaître que ce n'est pas du luxe : certaines parties sont vraiment vétustes, et les députés se trouveraient bien à l'étroit s'ils devaient se contenter du Palais Bourbon !

Des bureaux étroits et vétustes

Ceux qui ont leur bureau là-bas peuvent en témoigner. “Le prestige doit se payer au mètre carré”, s'amuse Damien Adam, député LRM de Seine-Maritime. A la grande loterie de la distribution des bureaux, il n'a pas été le plus chanceux avec son petit 12 mètres carrés : certains de ses collègues installés dans les annexes disposent de surfaces deux fois plus grandes. Il peut, certes, se consoler avec sa magnifique vue sur la Cour d'honneur (10). Mais les lieux sont si exigus qu'il n'a pu caser que deux tables, une par collaborateur (11). Du coup, il est obligé de s'asseoir à la place visiteur (12) ! Rien de très pratique... “L'avantage, c'est que je peux rejoindre plus facilement l'Hémicycle pour un vote”, relativise-t-il en jetant un œil sur l'écran qui retransmet les séances en direct (13).

La suite sous cette publicité
Publicité
La suite sous cette publicité
Publicité
Le plan du bureau de Damien Adam, député LRM, à l'Assemblée nationale. - Ilustration : Michel Saemann pour Capital.

Au 3, rue Aristide-Briand et au 110, rue de l'Université, les bureaux sont bien plus modernes et fonctionnels. Certains collaborateurs expérimentés ont d'ailleurs vivement conseillé à leur jeune député de se battre pour être là-bas. Mais le gros lot se situe au “101”, où quelques chanceux (ceux qui vivent le plus loin) bénéficient d'un bel espace de travail avec un lit et une petite salle d'eau. Les députés se sentent aussi à l'étroit dans les salles de commission qui, parfois, ne peuvent pas tous les accueillir, car ils sont apparemment bien plus assidus que leurs prédécesseurs. “Nous sommes toujours à la recherche de salles de réunion”, soupire Philippe Folliot (LRM, Tarn). Les conditions de travail ne sont donc pas forcément adéquates. Heureusement, une solution devrait s'offrir lors de la prochaine mandature : Emmanuel Macron a promis de réduire le nombre de parlementaires, afin qu'ils disposent tous de plus de moyens et d'espace. Chiche ?

>> À lire aussi - Retraite, billets SNCF… Ces avantages que les députés vont enfin perdre