Trump élu depuis un an: "Donald Trump n'est toujours pas devenu présidentiel"
Un an après son élection, le 45e président des Etats-Unis, Donald Trump, n'est toujours pas devenu présidentiel, analyse Tanguy Struye, professeur en relations internationales à l'Université catholique Louvain (UCL) et spécialiste des Etats-Unis. "Il continue de raisonner pour les 30% de gens qui l'ont élu."
- Publié le 07-11-2017 à 06h40
Un an après son élection, le 45e président des Etats-Unis, Donald Trump, n'est toujours pas devenu présidentiel, analyse Tanguy Struye, professeur en relations internationales à l'Université catholique Louvain (UCL) et spécialiste des Etats-Unis. "Il continue de raisonner pour les 30% de gens qui l'ont élu."
Le 8 novembre 2016, le monde se réveille inquiet: Donald Trump est élu à la tête d'une des plus grandes puissances mondiales. Les dirigeants internationaux ne savent que penser de ce septuagénaire peroxydé, taxé de sexisme et de xénophobie par ses adversaires et dont les déclarations provocatrices ont rythmé une campagne présidentielle qui aura profondément divisé les Américains.
Un an plus tard, Donald Trump n'a pas rassuré, estime Tanguy Struye. "L'inquiétude reste grande vu l'imprévisibilité, le manque de constance, les tweets et les déclarations de M. Trump", explique-t-il. Le style du candidat anti-élites n'a pas changé, il n'est pas devenu présidentiel, analyse le professeur.
Pour Amine Ait-Chaalal, également professeur en relations internationales à l'UCL, l'inquiétude a plutôt laissé la place à la perplexité. "On observe deux attitudes face à ce style assez neuf, disruptif, transgressif, iconoclaste de Donald Trump", explique-t-il. "On a d'un côté la méthode du président français, Emmanuel Macron, qui tente d'établir un contact et de l'autre celle de la chancelière allemande Angela Merkel qui réagit en invitant l'Europe à devenir plus autonome." Cette différence de prise de position montre, selon ce professeur qui étudie les Etats-Unis, la perplexité qui règne quant à l'attitude du président américain qui sort de l'ordinaire. "Nous nous situons dans une zone un peu floue, intermédiaire."
"Il aurait pu laisser tomber le discours de campagne mais il continue de raisonner pour les 30% de la population qui l'ont élu", souligne pour sa part Tanguy Struye. Ce qui se traduit notamment dans la cote de popularité du milliardaire, atteignant à peine 33% selon le dernier sondage Gallup. "L'opinion publique américaine est contrastée", poursuit M. Ait-Chaalal. "D'un côté le taux de popularité de M. Trump est assez faible mais de l'autre le soutien de sa base électorale se maintient. C'est-à-dire que ceux qui n'ont pas voté pour lui sont encore plus déçus et sont qui ont voté pour lui restent fidèles."
Pour Tanguy Struye, la population américaine reste clairement divisée. Il attribue cette désunion à la prolifération des 'fake news' mais aussi à "la haine grandissante entre les républicains et les démocrates, non seulement au sein du Congrès mais aussi dans la population".
L'incertitude règne tout autant qu'au moment de l'élection de Donald Trump, poursuit le spécialiste des Etats-Unis. S'il n'était pas évident à l'époque de dessiner le programme du président élu, vu ses nombreuses déclarations et revirements, la direction dans laquelle il s'est engagé n'est toujours pas claire. "Si on écoute Donald Trump, son programme reste flou. Pour connaître la politique américaine, il faut éviter la Maison Blanche et passer directement par les départements. Quand on regarde les tweets qu'il a publiés, il a dit tout et son contraire. Il n'a pas de politique", assène Tanguy Struye. Pour Amine Ait-Chaalal, Donald Trump se positionne plutôt comme "le non continuateur de Barack Obama".
En politique étrangère, une certaine forme de cohérence se dégage pour M. Struye: "sa politique est basée sur les rapports de force, il applique une puissance forte selon une logique de sanctions, de punitions, de récompenses... Une politique que l'on appliquait au 19e siècle, qui n'est pas adaptée au 21e siècle où l'on promeut davantage le respect des alliances, le réconfort (...). Trump ne fonctionne que par menace. Et s'il est normal de menacer ses ennemis, c'est plus grave de menacer ses alliés."
Ce style impulsif et imprévisible nuit au président lui-même, notamment dans le cadre de l'enquête sur l'ingérence russe présumée dans l'élection présidentielle américaine. Cette enquête s'est récemment accélérée, avec les premières inculpations fin octobre, dont celle de Paul Manafort, ancien directeur de campagne de Donald Trump.
"Donald Trump n'a fait qu'aggraver les choses avec ses tweets et ses attaques, notamment contre le FBI" qui ont abouti le 9 mai au limogeage de James Comey, patron de la police fédérale, estime M. Struye. "Il est plus que probable qu'il n'y ait pas eu de collusion directe (...), même si des membres de l'équipe sont très proches de la Russie. Mais Trump ne fait qu'aggraver les choses, ce qui aboutit à une situation problématique".
Les démissions ont également rythmé les dix premiers mois de présidence. Trois directeurs de la communication se sont succédés, le porte-parole a changé tout comme le secrétaire général. "Toute administration met du temps à s'installer", nuance M. Ait-Chaalal. "Cela démontre qu'il (Donald Trump, ndlr) est ingérable. Il est incontrôlable, c'est démontré par A+B", s'exclame Tanguy Struye. "Cela doit être un enfer d'être conseiller à la Maison Blanche. Traditionnellement, on considère cela comme un honneur mais je ne suis pas convaincu que beaucoup estiment comme un honneur d'être conseiller de Donald Trump. Ils ne font que rattraper continuellement ses bavures."
Le chaos qui régnait dans la communication, où "tout le monde faisait et disait n'importe quoi, se tirait dans les pattes" s'est cependant quelque peu atténué depuis la nomination du militaire John Kelly comme secrétaire général.
Tantôt naïf, tantôt roublard, Donald Trump a avoué, au fil des mois, découvrir la difficulté de la tâche. "Le style inédit de M. Trump est lié au fait qu'il n'a jamais occupé de fonction politique. Se retrouver à la tête des Etats-Unis est un enjeu difficile", explique Amine Ait-Chaalal. Il peine à rassembler et à faire aboutir ses réformes annoncées, même s'il peut mettre en avant de bons indicateurs économiques (croissance et emploi). "Il est toutefois difficile d'estimer le réel impact de Trump", nuance Tanguy Struye. "L'économie avait déjà bien repris sous (Barack) Obama."
Le bilan du 45e président américain reste largement à écrire. Ses promesses phares de campagne, comme la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique ou le démantèlement de la réforme de l'assurance-santé, dite "Obamacare", restent loin d'être accomplies.
Autre mesure emblématique de ce début de mandat, le décret imposant une interdiction d'entrée sur le territoire à des ressortissants de sept pays à majorité musulmane, pour 90 jours, pris le 27 janvier. Les réfugiés sont également interdits d'entrée pour 120 jours. Un décret rapidement bloqué par les tribunaux. Deux autres versions ont suivi, elles aussi bloquées par la justice, au moins partiellement.
Tanguy Struye peint un tableau très négatif de la présidence de Donald Trump. Pour l'avenir, soit le milliardaire devient présidentiel, soit "il continue comme ça pendant encore trois ans avec peut-être une procédure d'impeachment (destitution, ndlr) à la clé", pronostique-t-il, bien que l'aboutissement d'une telle procédure reste fortement hypothétique. "Mais ce n'est pas exclu vu que Mueller (le procureur spécial chargé de l'enquête sur une éventuelle collusion entre les Russes et l'équipe de campagne de Trump, ndlr) se rapproche de la Maison Blanche."
Les élections à mi-mandat, prévues en novembre 2018, permettront de mieux appréhender l'approbation ou non de la population américaine pour la politique et le style du président américain, souligne M. Ait-Chaalal. Les électeurs seront invités à élire la totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat. Il faudra être attentif à la mobilisation de l'électorat américain et du parti démocrate. "Les résultats, les candidats républicains choisis, les rapports de forces mis en place à cette occasion donneront une indication du niveau de popularité et de conviction à l'égard de M. Trump", conclut le professeur.