Pendant des semaines, la France a attendu le verdict du procès d’Abdelkader Merah, dont le frère, Mohamed, a tué sept personnes en mars 2012. Le 2 novembre, il a été condamné à 20 ans de prison pour “association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste”. Le lendemain, le parquet général de Paris a fait appel du verdict qui ne reconnaît pas la complicité d’Abdelkader Merah dans les tueries commises par son frère. “En tant que premier grand procès pour terrorisme à avoir lieu depuis la nouvelle vague d’attaques terroristes [en 2015 et 2016], le procès Merah a été perçu comme hautement symbolique ici, comme une opportunité de mettre un visage sur un phénomène bien plus répandu, voire comme la possibilité d’une catharsis nationale”, relate la journaliste américaine Rachel Donadio, qui a suivi l’affaire pour The Atlantic.

Elle raconte :

Chaque jour il me paraissait de plus en plus évident qu’Abdelkader Merah et le second accusé, Fettah Malki, condamné à 14 ans de prison pour avoir fourni les armes utilisées par Mohammed Merah pour ses meurtres, n’étaient pas les seuls sur le banc des accusés. La France elle-même, tout ce qui a contribué à créer cette salle d’audience, était aussi en procès : son système judiciaire, ses règles de droit, ses services de renseignement, sa police, son système éducatif, ses quartiers en difficulté, les failles de son ‘intégration’, ses institutions centralisées et souvent autoritaires, sa traditionnelle logique cartésienne, son idéal républicain d’une citoyenneté qui ne se plie pas aux identités ethniques ou religieuses.”

Un procès référence pour les djihadistes

Pour The Atlantic, le contexte rendait ce procès particulièrement important pour la France, confrontée au retour au pays des djihadistes engendré par la chute progressive de l’État islamique. “Le verdict pour Merah sera vu comme une référence, si ce n’est un précédent, pour les futurs procès des combattants revenus du front, procès qui reposeront également sur l’accusation d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste.”

En cela, le magazine américain évoque “un verdict en demi-teinte […] qui dessine une réponse compliquée et instable”. Et pourtant, admet la journaliste, “cette décision semble cohérente avec ce que j’ai entendu à la cour” : les juges ont estimé qu’il n’y avait pas de preuves suffisantes de l’implication directe d’Abdelkader dans les attaques de son frère mais qu’il avait eu une influence idéologique sur lui.

Parmi les cinq semaines de procès, Rachel Donadio retient une journée en particulier, celle du 25 octobre, “quand les familles des sept victimes de Mohamed Merah ont témoigné” : Gabriel, Arieh et Jonathan Sandler, Myriam Monsonego, Abel Chennouf, Mohamed Legouad et Imad Ibn Ziaten (dont la mère, Latifa, est devenue une militante associative pour venir en aide aux jeunes en difficulté et promouvoir le dialogue interreligieux). “Ce jour-là, se remémore la revue, la salle d’audience avait des airs de funérailles. Des gendarmes discrets regardaient leurs pieds, des reporters chevronnés live tweetaient en essuyant leurs larmes et une dessinatrice d’audience a mis ses mains devant la bouche avant de quitter la pièce en pleurant.”

Et The Atlantic de résumer cette terrible affaire :

Sept morts, un blessé grave, cinq ans d’enquête, cinq semaines de procès. Aujourd’hui, un grand nombre de cas concernant les attaques terroristes de 2015 et 2016 font leur chemin vers les tribunaux français. Ce triste chapitre est loin d’être refermé pour la France, et [Latifa] Ibn Ziaten ne sera pas la dernière mère à verser des larmes amères.”