SEXISMEL’impossible combat des féministes dans la Russie de Vladimir Poutine

L’impossible combat des féministes dans la Russie de Vladimir Poutine

SEXISMEDénonçant le harcèlement sexuel dans une vidéo, une jeune artiste n’a reçu que des sarcasmes et des réactions de malaise en retour…
Vladimir Poutine pêche torse nu le 26 juin 2013.
Vladimir Poutine pêche torse nu le 26 juin 2013. - ALEXEY DRUZHININ / RIA-NOVOSTI / AFP
Vincent Vanthighem

V.V.

L'essentiel

  • Anna Dovgaliouk a publié un clip dénonçant le harcèlement sexuel.
  • Elle a été vivement critiquée dans les commentaires.
  • En proie à une chute de la démographie, Poutine déploie une politique très virile

Elle a soulevé sa robe dans le métro de Saint-Pétersbourg pour lutter contre le harcèlement sexuel. En retour, ce sont surtout des sarcasmes et des réactions de malaise qu’Anna Dovgaliouk a reçus. Âgée de 20 ans, cette artiste a publié sur YouTube, le 25 octobre, une petite vidéo de trois minutes qui illustre la difficulté d’être une femme aujourd’hui dans la Russie de Vladimir Poutine.

Dénonçant la pratique qui consiste à prendre des photos sous les jupes des filles à l’aide de son téléphone portable (le upskirting), cette étudiante a décidé de filmer une jeune femme dans différentes stations de métro péterbourgeoises en train de remonter sa robe, laissant entrevoir son slip noir. Derrière elle, la plupart des passants feignent l’indifférence.

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Mais, bien planqués derrière leur ordinateur et sous le sceau de l’anonymat, de nombreux Russes n’ont pas hésité à critiquer la démarche dans les commentaires de YouTube. « Elle veut devenir députée ? », s’interroge l’un d’entre eux. « Si tu ne veux pas qu’on regarde, ne porte pas de jupe ! », poursuit un autre.

Il y a un siècle, l’Union soviétique était à l’avant-garde du féminisme

Non, comme elle l’explique dans ce clip visionné 2,5 millions de fois, Anna Dogaliouk souhaite simplement qu’une loi punissant les voyeurs soit adoptée. Ce n’est pas gagné. Depuis son arrivée au pouvoir,c’est surtout l’image d’une Russie virile que véhicule Vladimir Poutine.

« Cela n’a pas toujours été le cas, précise Françoise Daucé, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il y a un siècle, l’Union soviétique était à l’avant-garde de la reconnaissance du droit des femmes. Mais depuis le début des années 2000, on assiste à un retour en arrière. »

Les femmes sont encouragées à faire et élever des enfants

L’explication réside en partie dans la démographie russe. En raison d’un trou dans la pyramide des âges, le pays devrait perdre 20 de ses 146 millions d’habitants d’ici à 2050, selon l’ONU. « On observe donc la mise en place d’une politique d’état très familialiste, décrit Françoise Daucé. Le discours consiste à encourager les femmes à faire des enfants et à les élever. »

Et à surtout ne jamais se plaindre. En février, le parlement a adopté à une écrasante majorité une loi commuant en simple amende la peine de deux ans de prison jusque-là encourue par les auteurs de violences conjugales. Alors que 14.000 femmes sont tuées chaque année par leur partenaire, selon l’ONG russe Anna Centre.

Pas d’affaire Weinstein, « grâce à Poutine »

Mais les associations qui luttent pour les femmes ont bien du mal à se faire entendre. « Avec la crise en Ukraine et les mesures prises par l’Union européenne, les associations russes ne peuvent plus bénéficier de financements internationaux comme avant, poursuit Françoise Daucé. Elles s’en remettent donc à des actions spectaculaires pour tenter de convaincre l’opinion publique. »

Pas simple quand on a, face à soi, une machine de guerre de communication telle que le Kremlin. En témoigne la récente réaction de la candidate russe au concours de Miss Univers au sujet de l’affaire Weinstein : cela ne serait jamais possible en Russie, « grâce au président Vladimir Poutine ».

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