Le budget carbone de l’UE sera épuisé d’ici 2026

Des manifestants brandissent une bannière peinte lors de l’ouverture de la Conférence des parties sur le changement climatique, la COP23, à Bonn, en Allemagne, le 6 novembre 2017. [Philipp Guelland/ EPA]

L’UE devrait est en bonne voie pour épuiser son budget carbone en neuf ans en raison de sa consommation d’énergies fossiles. Une situation qui met en péril l’accord de Paris et son objectif de limiter à 2°C le réchauffement climatique.

Pour respecter l’accord de Paris, qui a pour ambition de maintenir le réchauffement climatique « bien en deçà de deux degrés Celsius » par rapport au niveau préindustriel, seul un volume défini de gaz à effet de serre, appelé « budget carbone », peut être émis. Pour l’UE, la partie de ce budget associée à la production d’énergie a été évaluée entre 23 à 32 gigatonnes de CO2.

L’ONG des Amis de la Terre Europe a demandé au Centre Tyndall pour le changement climatique et à l’université de Teeside de faire le point sur le budget carbone européen. Selon l’étude qui ressort de cette recherche, le budget carbone européen représente entre six et neuf années d’utilisation actuelle de l’énergie. Il est donc urgent de changer de cap.

En outre, la capacité réduite des pays hors OCDE à limiter le réchauffement climatique signifie que l’UE devra réduite ses émissions liées à l’énergie de 95 % d’ici 2035, afin de ne pas vider le budget carbone, assurent les auteurs de l’étude, le professeur Kevin Anderson et le docteur John Broderick.

Pour eux, il est donc clair « qu’il n’y a absolument aucune place pour la production de nouvelles réserves de combustibles fossiles, gaz compris».

La géo-ingénierie, un vrai levier contre le réchauffement climatique

La communauté internationale a déjà raté sa chance de limiter à 2 °C le réchauffement climatique, selon des chercheurs suisses. Les technologies de géo-ingénierie pourraient cependant permettre de rattraper ce temps perdu.

Les dangers du méthane

Le méthane est un autre gaz à effet de serre important, dont le potentiel de réchauffement climatique est 34 fois plus élevé que celui du CO2. Un tiers de toutes les émissions de méthanes anthropogéniques sont issues de l’industrie des énergies fossiles.

Pour Nareg Terzian, porte-parole de l’Association internationale des producteurs pétroliers et gaziers, « en ce qui concerne les émissions de méthane, on en demande trop au secteur gazier ».

« La dernière étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) montre que le secteur n’est responsable que de 10 % des émissions de méthane causées par l’activité humaine », souligne-t-il. « Notre industrie prend la question très au sérieux et fait beaucoup d’efforts pour améliorer la situation, mais si l’objectif est réellement de réduire les émissions de méthane, nous devons prendre en compte d’autres secteurs aussi. »

Les chercheurs sont en effet en train de se rendre compte que les sources d’émissions de méthane sont nombreuses et que les activités humaines devraient aggraver la situation.

L’an dernier, une étude a ainsi démontré que les projets hydroélectriques émettent des milliards de tonnes de méthane par an. Ces émissions sont causées par la pourriture de la végétation recouverte par l’eau dans le réservoir des barrages. En outre, l’intensification de l’aquaculture pourrait mener à une multiplication des coquillages, qui produisent aussi ce gaz à effet de serre.

Fuites de gaz

Kevin Anderson et John Broderick soulignent les difficultés soulevées par la surveillance des émissions le long de la chaine d’approvisionnement en gaz naturel, qui incluent les fuites le long des gazoducs, le transport du GNL, les puits de gaz abandonnés et la fracture hydraulique.

De récentes études empiriques indiquent néanmoins que les niveaux d’émissions de méthane déclarés par les gouvernements sont en général très sous-estimés, à cause de cette difficulté de surveiller la chaine d’approvisionnement, ce qui signifie qu’il est difficile de déterminer l’impact réel du gaz sur le changement climatique.

Ces facteurs ont poussé les chercheurs à conclure que les combustibles fossiles, gaz compris, devraient être virtuellement éradiqués du bouquet énergétique européen à partir de 2035, si l’Europe compte respecter sa promesse sur le réchauffement climatique.

L’Association internationale des producteurs pétroliers et gaziers estime cependant qu’il faut « faire la distinction entre différents combustibles fossiles ». « Se concentrer sur le gaz, alors que le charbon représente 80 % des émissions associées à la production d’énergie, c’est une distraction », poursuite le représentant.

« Une fois que cela sera résolu, nous pourrons utiliser le gaz pour préserver le budget carbone. Ce n’est pas un hasard si l’AIE prévoit une chute de l’utilisation du charbon et une augmentation de la demande en gaz pour le scénario à 2°C », assure-t-il.

Les émissions de méthane progressent mystérieusement

Les émissions du gaz dont l’impact sur le réchauffement climatique est très élevé ont fortement progressé depuis 2012, selon un groupe de chercheurs.

Projets d’intérêt commun

Les appels à l’abandon des énergies fossiles semblent cependant être vains. L’UE s’apprête en effet à actualiser la liste des Projets d’intérêt commun, qui incluent des projets d’infrastructures qui contribueront à ses objectifs énergétiques et remplissent les conditions pour bénéficier de financements préférentiels.

À ce sujet, les avis des ONG et de l’industrie divergent évidemment. « L’amour de l’Europe pour le gaz est totalement incompatible avec une action climatique sérieuse », rappelle Jagoda Munic, directrice des Amis de la Terre Europe.

Eurogas, l’association des distributeurs gaziers européens, estime que la consommation de gaz devrait augmenter de 5,9 % entre 2016 et 2017. Une augmentation qui porte un « potentiel fort » de réduction de CO2, selon l’association.

Une influence disproportionnée ?

Ces trois dernières années, l’UE a dépensé plus d’un milliard d’euros à des projets gaziers et Bruxelles a été accusée d’avoir cédé face aux pressions de l’industrie.

L’Observatoire de l’Europe industrielle, un groupe de vigilance, a récemment évalué qu’en 2016 l’industrie gazière avait dédié pas moins de 100 millions d’euros pour l’organisation d’événements au Parlement européen et de rencontres avec les commissaires au climat et à l’énergie, Miguel Arias Cañete et Maroš Šefčovič, entre autres activités de lobbying.

Un constat qui a encouragé les groupes de défense de l’environnement à appeler à un moratoire européen sur les projets gaziers financés grâce aux caisses publiques européennes. Ces organisations estiment également qu’il faut mettre un terme à tous les projets gaziers en cours dans le contexte des Projets d’intérêt commun.

La question devrait être abordée lors de la 23e COP, qui vient de commencer à Bonn, en Allemagne. L’an prochain, la conférence aura lieu en Pologne, et devrait revêtir une importance toute particulière.

Le poids écrasant des lobbys gaziers sur Bruxelles

L’industrie du gaz est bien introduite dans les lieux de pouvoir, dénoncent plusieurs organisations qui ont enquêté sur un lobbying qui veut faire du gaz une énergie de transition. Un article de notre partenaire, le Journal de l’Environnement.

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