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Logements, costumes, coiffeur… les généreuses notes de frais envisagées pour les députés

Logements, costumes, coiffeur… les généreuses notes de frais envisagées pour les députés

Info Marianne

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La loi de moralisation va bientôt priver les députés de leur indemnité représentative de frais de mandat (IRFM). Mais qu’ils se consolent : comme le montre un document que s'est procuré Marianne, les questeurs de l’Assemblée nationale proposent de rembourser grassement leurs menues dépenses !

Qu’on se le dise : la gabegie à l’Assemblée nationale, c’est fini ! C’est du moins ce dont veut nous persuader Florian Bachelier, premier questeur du Palais Bourbon, chargé de tenir les cordons de la bourse. Dans une interview au JDD le 5 novembre, le zélé néo-député LREM d’Ille-et-Vilaine n’a pas eu de mots assez durs pour fustiger « des dépenses injustifiables aux yeux des Français » et plaider pour une Assemblée « exemplaire ». Au programme : des députés priés de se loger en Airbnb et de se déplacer en Vélib', du numérique partout pour ne pas gaspiller de papier, l’annulation de l’achat d’un bâtiment voisin de l’Assemblée ou encore, la suppression des avantages des ex-présidents de l’institution. Mais le plan com’ de Florian Bachelier n’a pas l’heur de plaire à ses petits camarades. « Démagogie » et « antiparlementarisme » hurle-t-on jusque dans les rangs de son propre groupe, La République en marche...

Logés aux frais de la princesse

En coulisses, la cure d’austérité ne s’annonce pourtant pas si drastique que ça. Les élus de la Nation ont pu se rassurer à la lecture du « document de travail » établi le 12 octobre par Florian Bachelier et ses collègues questeurs, Laurianne Rossi (LREM) et Thierry Solère (Les Constructifs). Cette liste sur laquelle Marianne a mis la main (voir en fin d'article) détaille les dépenses des députés que l’Assemblée pourrait prendre en charge à partir de l’année prochaine. En effet, dans le cadre de la loi de moralisation, le Parlement a supprimé en juillet la fameuse indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), une enveloppe à la disposition de chaque député pour ses menues dépenses. Désormais, fini de rire : les élus devront se faire rembourser sur justificatifs, comme c’est le cas dans la plupart des entreprises. Les questeurs ont donc cogité sur une liste de « frais de mandat éligibles à une prise en charge par l’Assemblée nationale ». Et les grands discours sur la moralisation ne les ont visiblement pas empêchés de se montrer généreux...

Les députés pourront d'abord se faire rembourser la location d’une permanence en circonscription, l’achat de fournitures de bureau ou encore les déplacements dans le cadre de leur mandat. Jusque-là, rien que de très normal. Mais une autre mesure envisagée fait particulièrement jaser au Palais Bourbon : le remboursement de « la location d’un pied-à-terre à Paris ou en circonscription », qui comprendrait le loyer mais aussi les factures d’électricité, de chauffage, le coût du parking, les frais d’agence ou encore la taxe d’habitation. Fromage et dessert !

« Tout le monde est d’accord pour la prise en charge d’un logement à Paris, mais que les députés se fassent rembourser leur résidence en circonscription, c’est choquant ! », s’insurge auprès de Marianne le député socialiste Luc Carvounas, qui a demandé le retrait de cette disposition lors d’une réunion du bureau de l’Assemblée, mercredi. Au passage, Carvounas glisse son explication : « De nombreux députés LREM n’habitent pas dans leur circo. Ils cherchent donc à se faire rembourser leur future résidence sur place. » Une source à la questure confirme : « L’idée vient de la déontologue de l’Assemblée, qui a mis en avant le fait que beaucoup de députés LREM habitent à Paris. » « C’est une mesure pour députés parachutés, s’étrangle à son tour une députée LR. Que l’Assemblée prenne en charge un logement dans lequel ils pourront héberger leur famille, ça pose problème. »

"Frais de coiffure ou de soins"

Dans leur lettre, les charitables questeurs détaillent sur six pages les autres dépenses dont ils envisagent le financement par l’Assemblée. En plus de leur pied-à-terre aux frais de la princesse, les députés pourraient ainsi se faire rembourser - entre autres - le « recours à des conseillers en communication », les « dépenses effectuées en vue de réceptions organisées dans le cadre du mandat », des « frais vestimentaires, frais de coiffure ou de soins nécessités par le mandat », ou encore un chauffeur ou un garde du corps. La liste mentionne enfin, de manière laconique, « la participation financière aux dépenses de fonctionnement d’un groupe politique ». Autrement dit, un député pourrait faire un don à son groupe d’appartenance... tout en se faisant rembourser sur fonds publics. Byzance !

Notons toutefois que dans le système actuel - amené à disparaître -, toutes ces dépenses sont possibles dans le cadre de l’IRFM, puisque les députés peuvent utiliser cette enveloppe comme bon leur semble, sans aucun contrôle. Ce qui ne sera pas le cas du futur système de remboursement, même si les modalités du contrôle restent à définir. Le flou demeure également sur une question cruciale : quel sera le plafond des dépenses prises en charge ? Alors que l’IRFM s’élevait à 5.373 euros nets par mois, les questeurs ne pipent mot de ce sujet dans leur lettre. L’un d’entre eux nous assure toutefois que « l’idée, c’est que le plafond n’excède pas le montant de l’IRFM ». L'idée…

Rendez-vous désormais le 29 novembre, date à laquelle le bureau de l’Assemblée prévoit de statuer sur les dépenses qui seront bel et bien prises en charge. « Le bureau arrêtera une liste définitive qui entrera en application le 1er janvier », précise-t-on à la présidence de l’Assemblée. Et au vu de la grogne suscitée par certaines mesures, le Père Noël pourrait se montrer moins généreux que prévu...

>> DOCUMENT - Ce que l’Assemblée envisage de rembourser aux députés :

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne