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Françoise Héritier : « Il faut anéantir l’idée d’un désir masculin irrépressible »

L’ethnologue et anthropologue n’a cessé de déconstruire les idées reçues sur le masculin et le féminin. Quelques jours avant sa mort, elle s’était confiée à « La Matinale du Monde » sur son long parcours.

Propos recueillis par 

Publié le 05 novembre 2017 à 06h43, modifié le 30 novembre 2017 à 14h45

Temps de Lecture 18 min.

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Françoise Héritier, à Paris, en mars 2013.

Je ne serais pas arrivée là si…

Si je n’avais pas éprouvé une curiosité intense en entendant des camarades étudiants en philosophie me parler d’un séminaire absolument « exceptionnel » fait par un professeur dont je n’avais jamais entendu le nom et qui s’appelait Claude Lévi-Strauss. J’avais 20 ans, j’étudiais l’histoire-géographie, et leur enthousiasme était tel qu’il fallait que j’entende, de mes propres oreilles, ce qui se passait dans ce cours de l’Ecole pratique donné à la Sorbonne. Ce fut une révélation.

De quoi traitait donc ce séminaire ?

De la « parenté à plaisanterie » à Fidji. Et je vous assure que, pour une jeune fille qui sortait de sa province et qui faisait alors des études très classiques, c’était stupéfiant. Découvrir qu’il existait des sociétés où des beaux-frères pouvaient se saluer différemment et utiliser tel ou tel type de plaisanteries selon qu’ils avaient épousé la sœur aînée ou la sœur cadette de l’autre ouvrait des perspectives sur des mondes, des idées, des usages que je n’avais jamais soupçonnés. C’était d’une ouverture et d’une fraîcheur fabuleuses !

J’ai suivi la première année de cours avec passion. Totalement conquise. L’année suivante, c’était encore plus fort ! Le séminaire portait sur la chasse rituelle aux aigles chez les Hidatsas, des Indiens d’Amérique du Nord. Vous n’imaginez pas combien, dans une époque sans télévision, ce sujet pouvait se révéler fascinant. C’était tellement mieux que mes cours d’histoire !

De nature à vous faire changer d’orientation ?

Oh oui ! D’un coup, j’avais la tête ailleurs, alors qu’il fallait que je termine mon diplôme en histoire du Moyen Age. Lorsque Claude Lévi-Strauss a annoncé un jour qu’un nouvel institut de sciences humaines appliquées recherchait pour partir en mission en Afrique un ethnologue et un géographe, j’ai tout de suite postulé au poste de géographe.

Mais on n’a pas voulu de moi parce que j’étais une fille. Entendez : trop fragile, incapable de survivre à la chaleur, à l’eau sale, aux moustiques, aux serpents, aux scorpions, aux animaux féroces… Bref, le poste est resté vacant quelques mois. Et ce n’est que faute de candidature masculine qu’on a fini par agréer la mienne. Il fallait bien faire contre mauvaise fortune bon cœur ! En 1957, je suis donc partie en mission en Haute-Volta. Et ma vie s’en est trouvée bouleversée.

C’était la première fois que vous vous heurtiez à une discrimination des femmes ?

De manière aussi caractérisée, oui ! Mais il faut dire que, avant l’université, j’étais dans des écoles de filles. Aucune rivalité avec les garçons. Seulement des accrochages, des lancers de boules de neige cachant des pierres et des jeux de mots sexistes criés, d’un trottoir à l’autre, par les gars d’un lycée proche du mien, le long de la rue de Rome, à Paris.

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