Politique

Opportuniste, brillant... Quel genre de chef est Christophe Castaner ?

Alors qu'il a été élu sans surprise à la tête de la République en marche ce samedi, l'ancien élu socialiste divise. Apprécié dans son camp, ses méthodes et son opportunisme sont dénoncés par ses adversaires.

Brutal, opportuniste, brillant... Qui est Christophe Castaner?

AFP

Ses soutiens vantent une " formidable machine intellectuelle ", un professionnel de la communication capable de se mettre au service des autres pour réussir. Ses adversaires, et un bon nombre de ses anciens camarades, décrivent un opportuniste, sans conviction profondes, avant tout motivé par son ambition personnelle. A 51 ans, Christophe Castaner vient d'être choisi par Emmanuel Macron pour prendre la tête de la République en Marche. Son élection alors qu'il était seul en course est officielle. Le scrutin à main levée se tenait à huis clos lors du Conseil du parti à Chassieu près de Lyon. M. Castaner occupera officiellement le poste de "délégué général" pour un mandat de trois ans. Il a été élu à l'unanimité des présents moins deux abstentions, a précisé le parti dans un communiqué.

Son élection couronne une carrière fulgurante. Repéré par Jean-Louis Bianco à 25 ans, le jeune rocardien a dirigé les cabinets de deux ministres socialistes – Catherine Trautmann et Michel Sapin –  à la fin des années 1990 avant de s’implanter à Forcalquier, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dont il devient maire en 2001. Elu député socialiste avec la vague rose de 2012, sa rencontre avec Emmanuel Macron, dont il fut le rapporteur de la loi croissance et activité, fait basculer sa carrière. Il accompagne sa marche vers le pouvoir et devient le premier porte-parole du gouvernement d’Edouard Philippe.

Un bourreau de travail

A la tête de la République en marche, c'est un nouveau défi qui attend le secrétaire d'Etat. Avec son équipe, il devra remettre sur les rails un mouvement en panne d'incarnation. Le parti d'Emmanuel Macron peine à retrouver l’élan de la présidentielle et des législatives qui l’avaient propulsé première force politique de France. Dans la rue Saint-Anne, où la formation présidentielle vient de déménager, « Casta » sera en charge de tout ou presque : structurer le mouvement, lui redonner un fil conducteur, relancer la machine intellectuelle… Rien d’impossible pour ce bourreau de travail. « Sous ses dehors un peu dilettante, c’est un gros bosseur, assure son ami le sénateur socialiste Marc Daunis. Il est rapide, direct et dispose d’une importante capacité de synthèse, c’est un techno. Et il est très exigeant avec lui-même. » « Il est méthodique, rigoureux avec un certain goût pour l’action », appuie l’ancien secrétaire général de l’Elysée Jean-Louis Bianco, qui a découvert le jeune socialiste en 1992, à l’occasion des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Autre vertu de l’ancien député socialiste : son sens de la communication. « Il parvient à simplifier la complexité du monde en s’exprimant dans un langage compris de tous », encense la membre de la direction collégiale d’En Marche Bariza Khiari. Une qualité nécessaire pour relancer un mouvement devenu quasiment inaudible au fil des mois. « Il a une simplicité, une manière de parler vrai qu’il n’a pas du tout théorisé. Il fait ça à l’instinct », croit savoir Jean-Louis Bianco. Parmi ses faits d'armes, avoir traversé sa circonscription à pied en août 2016 à la rencontre de ses électeurs. 310 kilomètres de randonnées qui préfigurent la "grande marche" d'Emmanuel Macron. "Il a réussi à ramener à lui des jeunes qu'on ne voyait plus en politique", loue Jean-Louis Bianco. Sur le terrain, ses adversaires se montrent moins enthousiastes.

"Homme de paille"

Au Parti socialiste, où il a fait toute sa carrière avant de rejoindre La République En Marche en 2017, Christophe Castaner n’a pas laissé que des bons souvenirs. « Christophe doit tout au PS, critique l’ancien directeur de cabinet adjoint de François Hollande Christophe Pierrel. C’est grâce au parti qu’il a été élu à Forcalquier, grâce au parti qu’il a été élu au conseil régional de PACA sur la liste de Michel Vauzelle… Ca ne l’a pas empêché de nous abandonner sans vergogne pour entrer au gouvernement. Christophe ce n’est pas quelqu’un qui veut faire, mais quelqu’un qui veut être : il voulait être député, il voulait être ministre. Il y est parvenu. Mais à la fin ça coûte cher de se regarder dans le miroir. » Un ancien ministre qui l’a côtoyé dans le gouvernement de Lionel Jospin entre 1997 et 2002 s’agace de ses nouvelles manières. « Certes c’était un excellent collaborateur… Mais c’est aussi vous dire combien il vient de l’ancien monde avec toutes ses qualités et ses défauts. »

Les adversaires politiques de Christophe Castaner pointent également son inconstance idéologique. « C’est un homme de paille, tance le socialiste Christophe Pierrel. Il fait ce qu’on lui demande. Il ira toujours dans le sens du président de la République, quelles que soient ses exigences. » Des critiques injustes selon Jean-Louis Bianco. « Ce n’est pas dans ses goûts de pinailler sur les détails programmatiques, mais il a de vraies convictions notamment sur les questions de démocratie participative, sur les enjeux environnementaux. » Des positions qui remontent notamment à son engagement auprès de Ségolène Royal en 2007.

Dans son camp, l'ancien député socialiste pourra compter sur le "triangle d'or". "Il bénéficie du soutien du président de la République, des députés LREM dont il est un peu « le grand frère » et des militants qui apprécient sa personnalité", vante Bariza Khiari. Mais parviendra-t-il à s'imposer dans un parti construit autour de la personnalité d'Emmanuel Macron? « Tout dépendra de sa capacité à se détacher de l’autorité du président de la République, observe un socialiste. S’il parvient à s’en libérer, à s’entourer de conseillers compétents, et qu’il accepte les avis des autres, il a les qualités pour s’imposer. » Le nouveau dirigeant d'En Marche devra également faire preuve d'autorité. Ce dont il est capable. « S’il doit recadrer, il n’hésite pas à le faire, assure Jean-Louis Bianco. Ca ne dure pas longtemps, et il ne remâche pas les choses, mais il sait le faire. » « C’est quelqu’un qui dit les choses de manière assez cash », ajoute Marc Daunis. Une liberté de ton dont il devrait faire preuve au cours des prochains mois.