Les millions manquants de l’aide au développement française

Le budget français dédié à la solidarité internationale devrait augmenter de 500 millions d’euros au cours des trois prochaines années. Le gouvernement évalue à pourtant à 6,4 milliards les besoins d’ici 2022.

L’aide française va augmenter cette année de 100 millions d’euros. Le budget français consacré à la solidarité internationale proposé par le gouvernement et discuté par les députés a entériné une légère hausse des crédits budgétaires consacrés à l’aide au développement de l’Hexagone, qui s’élèvent à 2,7 milliards d’euros pour l’année 2018.

Cette hausse timide a été votée par l’Assemblée nationale le 10 novembre, et doit maintenant être discutée au Sénat. Pour 2019 et 2020, le gouvernement table également sur des augmentations modestes, de 100 millions d’euros et 300 millions d’euros.

Objectifs internationaux 

Au cours du quinquennat de François Hollande, l’aide française aux pays en développement a reculé de manière conséquente, passant de 0,42% du revenu national brut (RNB) à 0,38% en 2016. Dans la foulée de son élection, Emmanuel Macron avait promis à plusieurs reprises de remettre la France sur la route de ses engagements internationaux en la matière.

« Le président Macron s’est engagé à consacrer 0,55% du RNB au développement à l’horizon 2022,  puis à atteindre le seuil de 0,7% d’ici 2025. Il a renouvelé cet engagement à plusieurs reprises depuis son élection, notamment devant l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre » explique Michael Siegel d’Oxfam France.

Problème, entre la promesse présidentielle et l’augmentation proposée par le gouvernement, l’écart de trajectoire est considérable. « Cette augmentation n’est pas suffisante pour atteindre l’objectif de 0,55% d’ici 2022 » a reconnu le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian lors des discussions en commission parlementaire.

Le ministre a affirmé que le président avait demandé de travailler à « une trajectoire réaliste » pour atteindre l’objectif de 0,55%. « L’heure de vérité sera lors du prochain budget et du suivant », explique le ministre. La trajectoire du gouvernement en matière d’aide publique au développement devrait être publiée avant la fin de l’année ou en février 2018.

Une augmentation de la TTF ?

De fait, pour atteindre l’objectif fixé pour 2022, la France devrait consacrer 15 milliards d’euros à sa politique de développement, contre 8,6 milliards d’euros en 2016, reconnait le gouvernement dans son document de politique transversale. Sur cet ensemble, les crédits budgétaires discutés dans le cadre du projet de loi de finances ne représentent qu’environ 30% (2,7 milliards d’euros).

« Au regard de ces besoins, la hausse de 100 millions d’euros proposée par le gouvernement pour 2018 apparaît très insuffisante. Tout comme la hausse cumulée de 500 millions d’ici 2020 » dénonce Michael Siegel.

Pour trouver les milliards manquants, la taxe sur les transactions financières (TTF) pourrait être mise à contribution. En place depuis 2013, cette taxe prélève 0,3% sur les transactions financières réalisées en France.

En 2017, la moitié des recettes générées par la TTF ont été affectées à l’aide au développement, soit une contribution de 822 millions d’euros. Durant les débats à l’Assemblée nationale, certains députés ont proposé un renforcement de cette taxe, mais aucun amendement en ce sens n’a finalement été adopté, faute de soutien de la part des élus de la majorité.

« Il faudrait relever le seuil de la taxe à 0,5%, contre 0,3% aujourd’hui, élargir l’assiette aux opérations intra-day et affecter 100% des recettes au développement. Avec ces trois mesures, la TTF pourrait rapporter 10 milliards par ans selon nos estimations » explique Michael Siegel.

Mais avec la sortie programmée du Royaume-Uni de l’Union européenne, Paris espère récupérer une partie du business financier de la City, et soigne particulièrement l’attractivité de sa place financière. Le mystère des 6,4 milliards d’euros reste donc entier.

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