Politique

Droits des femmes : « Grande cause nationale » mais budget minuscule

Politique

par Nolwenn Weiler

Le téléphone n’arrête plus de sonner. Suite aux révélations du New-York Times accusant le producteur Harvey Weinstein de harcèlement sexuel, les associations qui prennent en charge les appels des victimes travaillent à flux tendu. Au 39 19, numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, les appels spécifiques au harcèlement sexuel au travail ont doublé. « Mais cela fait remonter les traumatismes liés à toutes les violences sexuelles, anciennes et récentes », précise François Brié, présidente de la fédération Solidarités femmes qui gère le 39 19.

Au collectif féministe contre le viol (CFCV), qui reçoit des appels au 0800 05 95 95, « nous sommes submergées d’appels, dit Gabriella Bravo, coordinatrice administrative de l’association. À tel point que les salariées ont dû remette à plus tard la rédaction des fiches qui permettent de tracer les récits des victimes, pour pouvoir assurer un suivi d’écoute. » Leur rythme de travail est intense. Au CFCV, les appels ont doublé en 2016, « et en 2017 ce devrait être encore plus élevé », prédit Gabriella Bravo. « Nous avons actuellement plus de demandes qui arrivent par jour que d’ordinaire par semaine, soit 5 à 6 appels quotidiens », témoigne de son côté Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’Association européenne contre les violences faîtes aux femmes au travail (AVFT).

Une hausse en trompe l’œil

Les moyens alloués à ces structures vont-ils augmenter en conséquence ? Hélas non... du moins si l’on en croit le budget 2018 prévu pour le secrétariat d’État dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes. La ministre en charge du secteur, Marlène Schiappa, s’est félicitée de l’augmentation de son budget, qui passe de 29,7 millions à... 29,8 millions. Soit une hausse d’à peine 100 000 euros. En pourcentage du budget total, cette « grande cause nationale » plafonne à 0,007%.

« De plus, cette augmentation n’est due qu’à un tour de passe-passe, dénonce la députée socialiste Ericka Bareigts. La hausse apparente est due à l’abondement sur l’une des actions d’une enveloppe de 2,8 millions d’euros auparavant inscrite dans un autre budget. Le programme affiche donc, sans ce tour de passe-passe, une baisse importante. » Plusieurs actions voient diminuer leurs dotations, comme la « prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » qui perd 1,8 million d’euros. « Cela fait craindre aux associations une aggravation des conditions de vie des personnes se prostituant. », estime la députée.

Marlène Schiappa a par ailleurs été interpellée par le député LR des Vosges Stéphane Viry sur sa promesse d’exécuter entièrement le budget en 2018 : « Vous nous dîtes, cette année, faîtes moi confiance, on va tout consommer. C’est la raison pour laquelle Il y aura un effet majeur (sur l’effectivité des actions en faveur de l’égalité femme-homme, ndlr). Mais quelles garanties vous avez qu’il n’y aura pas la mauvaise surprise que beaucoup ont eu en juillet dernier lorsqu’il y a eu cette réserve de précaution qui a amputé un certain nombre de crédits ? » La secrétaire d’État a répondu qu’il fallait... lui faire confiance.

L’égalité femmes-hommes, « grande cause nationale », vraiment ?

Qu’en est-il du côté du budget transversal pour l’égalité entre femmes et hommes ? Selon une analyse du site d’information Les Nouvelles News, il augmenterait au mieux de 25 millions d’euros, et non de 115 millions d’euros comme annoncé par Marlène Schiappa. Le montage comptable décrypté pourrait même aboutir à une simple stagnation de ce budget... En 2016 déjà, le Haut conseil à l’égalité dénonçait le manque de lisibilité de ces budgets interministériels : « Il est souvent difficile de connaître avec précision la réalité des dépenses en faveur des droits des femmes et de l’égalité qui se cachent derrière de grandes enveloppes globales », regrettait le rapport.

À ces mauvaises nouvelles, il faut ajouter l’inquiétude des associations d’accueil de femmes victimes qui fonctionnent avec des emplois aidés, et le fait que les ordonnances réformant le code du travail menacent la possibilité de dénoncer les violences pour les victimes de harcèlement sexuel. L’égalité femmes-hommes, « grande cause nationale », vraiment ?