Aides sociales : un Français sur deux ignore ses droits

Le manque d'information et des démarches complexes poussent les plus modestes à ne pas solliciter les aides existantes.

De nombreuses aides sont versées par les Caisses d’allocations familiales mais aussi les départements.
De nombreuses aides sont versées par les Caisses d’allocations familiales mais aussi les départements. LP/ OLIVIER ARANDEL

    A 74 ans, Nicole, habitante des Hauts-de-Seine, a été opérée pour une hyperthyroïdie et souffre d'arthrose aiguë. « L'allocation personnalisée d'autonomie ? Non, je n'en ai jamais entendu parler », répond-elle à Nicolas Menet, sociologue venu enquêter sur le recours aux prestations sociales. Nicole n'est pas un cas isolé. Loin de là.

    Tous dispositifs confondus, 49 % des personnes éligibles à une des aides sociales versées par les conseils départementaux ou les Caisses d'allocations familiales (CAF) en ignorent l'existence, révèle un sondage que nous publions en exclusivité. Réalisé auprès de 1 577 personnes, il a été piloté par le cabinet Adjuvance, expert en sociologie, pour le compte d'Adessadomicile, qui fédère 350 structures d'aide à la personne. Parmi les autres constats, 16 % de personnes éligibles connaissant les aides y renoncent, dissuadées par la complexité administrative, et 16 % ne les réclament pas car ce qui reste à leur charge pour une aide à domicile est encore trop élevé. Un constat accablant quant à l'efficacité de notre système de solidarité que dénonce Adessadomicile alors qu'ouvre aujourd'hui à Paris le Salon des services à la personne. « Selon notre enquête, les caisses départementales d'allocations familiales ne connaissent même pas les aides existantes. Cette opacité est voulue, elle permet de faire d'énormes économies, accuse Hugues Vidor, directeur général de la fédération. Nos dispositifs peu visibles, complexes et dissuasifs organisent l'inégalité d'accès aux droits. » Parmi les explications, il faut savoir aussi que chacune des 102 CAF de France définit librement ses actions d'aide sociale...

    Rendre une bonne information obligatoire

    Dans un courrier à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, Adessadomicile va demander que la détection des personnes éligibles et leur bonne information deviennent obligatoires. « Cette situation empêche la mise en place de nombreux accompagnements préventifs », s'inquiète le président de la fédération, Patrick Malphettes. Le manque à gagner pour ces exclus de l'aide, très souvent modestes, n'est pas anodin. Une enquête interne de la CAF de Gironde vient de montrer que 12 % de ses allocataires auraient dû percevoir une de ses aides.

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    La caisse a retrouvé ces exclus, qui perçoivent désormais 210 euros par mois en moyenne. C'est plus que les 80 euros de reste à charge qui ont poussé Jeanine, 83 ans, habitante du Pas-de-Calais tout juste sortie d'un cancer invalidant, à renoncer à une aide ménagère. Des seniors qui, à 44 %, selon le sondage d'Adjuvance, méconnaissent aussi l'allocation personnalisée d'autonomie. Une APA critiquée par Adessadomicile car son montant varie de 17 euros à 24 euros de l'heure selon la générosité des départements. Une aide insuffisante au regard du coût horaire moyen d'une aide à domicile (24,24 euros), ce qui fragilise les associations du secteur. Dix ont mis la clé sous la porte en 2017, autant qu'en 2016. Nicolas Menet alerte : « Le manque d'efficience des organismes payeurs favorise une spirale de fragilisation qui se traduit par des entrées précoces en Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) et in fine un surcoût. »

    Dans son rapport sur la pauvreté publié jeudi dernier le Secours catholique estime, de son côté, que le non-recours au RSA, par méconnaissance du dispositif, fait économiser 5 milliards d'euros par an aux CAF mais aussi à l'Etat.

    Perte d'autonomie.