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Renault épinglé par Amnesty International pour les origines douteuses de son cobalt

Le constructeur se fournirait auprès de mines où travailleraient des enfants, explique un rapport de l’ONG qui analyse l’approvisionnement d’une trentaine de grandes firmes.

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Publié le 15 novembre 2017 à 16h07, modifié le 15 novembre 2017 à 16h38

Temps de Lecture 3 min.

Dans une mine de cobalt, à Lubumbashi (République démocratique du Congo), en 2016.

Cette publicité ne fait guère sourire Renault. Le constructeur automobile français se fait épingler par Amnesty International pour défaut de vigilance sur sa chaîne d’approvisionnement en cobalt – ce minerai est un composant essentiel des batteries au lithium de ses véhicules.

Dans un rapport publié mercredi 15 novembre, l’organisation internationale de défense des droits humains, basée à Londres, dénonce les multinationales qui ne feraient pas le nécessaire pour s’assurer que le cobalt en provenance de la République démocratique du Congo (RDC) – ce pays fournit 50 % de la ressource de la planète – n’a pas été extrait dans des mines où travaillent des enfants.

Cinq questions

« Nos premières enquêtes ont montré que le cobalt extrait des mines par des enfants et des adultes dans des conditions épouvantables en RDC est utilisé dans les chaînes d’approvisionnement de certaines des entreprises les plus connues au niveau mondial », explique Seema Joshi, spécialiste à Amnesty International de la responsabilité des entreprises en matières de droits humains.

Vingt-neuf sociétés ont ainsi été contactées et ont été sommées de fournir des explications sur le contrôle de leurs chaînes d’approvisionnement, ainsi que sur leur connaissance de ce risque en particulier de faire travailler des enfants. Dans un premier rapport de janvier 2016, Amnesty International avait ciblé essentiellement les entreprises de la téléphonie et de l’informatique. Pour cette édition, outre Apple, Dell, HP ou Microsoft, des géants de l’automobile ont aussi été sollicités, tels Renault, BMW, Fiat-Chrysler, Tesla…

Cinq questions ont été posées à ces multinationales, sur les mesures prises « pour atténuer les risques en matière de droits humains », sur la mise en place de politiques permettant de détecter ces risques. « L’entreprise a-t-elle enquêté sur ses filières d’approvisionnement la liant à la RDC et à Huayou Cobalt [société chinoise de transformation du minerai dont les produits se retrouvent dans les batteries destinées aux produits électroniques et véhicules électriques] ? », demande aussi l’ONG.

« Importantes zones d’ombre »

Il y a les bons élèves comme Apple qui, selon Amnesty International, a publié les noms de ses fournisseurs. « Depuis 2016, [la firme à la pomme] travaille activement avec Huayou Cobalt pour repérer le travail des enfants dans ses chaînes d’approvisionnement et lutter contre cette pratique », écrit l’organisation dans son rapport. Dell et HP montreraient aussi des « signes encourageants ».

Il n’en est pas de même pour les plus mauvais élèves, comme le français Renault ou encore Microsoft qui n’ont pas rendu publiques les informations sur les fournisseurs qui s’occupent de la fusion et du raffinage du cobalt. « Renault et Daimler présentent des résultats particulièrement mauvais. [Ces sociétés] ne respectent pas les normes internationales minimales en matière de publication et de diligence internationale, et leurs chaînes d’approvisionnement présentent donc d’importantes zones d’ombre », dit encore le rapport.

L’organisation a, bien sûr, écrit aux différentes sociétés pour avoir des réponses dans un premier temps et, éventuellement, des précisions. « La réponse que nous a fournie Renault n’est pas satisfaisante. L’entreprise nous explique qu’elle s’en tient au certificat d’origine de son fournisseur en cobalt. Mais celui-ci peut être basé en Asie et acheter son minerai en RDC, sans aucune traçabilité », explique Sabine Gagnier, chargée de plaidoyer « entreprises et droits humains » à Amnesty France.

Dans un courrier, que Le Monde a pu consulter, envoyé à Amnesty International, le 27 octobre, le constructeur automobile précise qu’il a demandé aux fournisseurs d’être en conformité avec les règles et le droit international. « S’ils suspectent que les minerais avec lesquels ils travaillent ne sont pas “responsables”, ils doivent changer d’approvisionnement et trouver des sources alternatives », précise Bruno Moustacchi, responsable « risques fournisseurs » chez RNPO (Renault-Nissan Purchasing Organization).

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Explosion de la demande de cobalt

Ce dernier explique aussi qu’ayant rejoint la « Responsible Raw Materials Initiative » (RMI) – « plate-forme » lancée en novembre 2016 par des industriels pour des matières premières responsables –, la société travaille avec les autres utilisateurs de cobalt, « comme Apple, Google » à partager les meilleures pratiques. « Les entreprises se réfugient parfois derrière ces “initiatives” pour se dédouaner de leurs responsabilités. Le courrier de Renault est basé sur la bonne foi de l’entreprise, mais il n’apporte aucune garantie sur le fait qu’elle identifie clairement les risques », insiste Sabine Gagnier.

Le problème est d’autant plus aigu que la demande en cobalt devrait progresser. Avec les impératifs du changement climatique, la production de véhicules électriques va croître et, en conséquence, la demande de cobalt pour construire les batteries électriques.

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« La suppression des moteurs thermiques, amorcée dans certains pays, et la progression généralisée des véhicules électriques va faire exploser la demande de batteries électriques : le cobalt devient l’enjeu du siècle », résume Sabine Gagnier.

Pour Amnesty International, les entreprises doivent non seulement s’assurer de la responsabilité sociale de leurs fournisseurs, mais elles doivent également dialoguer avec le gouvernement de la RDC afin qu’ensemble, ils travaillent à l’éradication du travail des enfants.

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