La France veut entrainer l’Europe dans la course à l’intelligence artificielle

Bruno Le Maire

Si la France n’a pas pris la tête de la révolution numérique, elle a les atouts pour devenir un leader de l’intelligence artificielle en associant ses partenaires européens, selon le ministre de l’économie Bruno Le Maire.

« Nous avons manqué le train Google, nous ne manquerons pas le prochain train » a déclaré Bruno Le Maire en conclusion du forum parlementaire de l’intelligence artificielle organisé à la maison de la Chimie ce mardi 14 novembre.

Devant un parterre de députés et de scientifiques, parmi lesquels Cedric Villani, mathématicien lauréat de la médaille Fields et élu La République en Marche, le ministre de l’économie a fait part de son ambition : faire de la France le leader de l’intelligence artificielle, à défaut d’avoir été leader du numérique.

Une affaire de gros sous

« L’intelligence artificielle est avant tout une affaire de gros sous » constate le ministre qui rappelle l’engagement d’Emmanuel Macron : « Le président de la République ainsi que le Premier ministre souhaitent sanctuariser les crédits impôt recherche ». Ces crédits permettent des exonérations d’impôts aux entreprises qui investissent dans la recherche fondamentale et le développement. La mesure d’incitation à l’intention des entreprises est ainsi plébiscitée par Bercy.

Concurrence : quand les robots forment des ententes sur les prix

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Principale annonce, la création d’un fonds de 10 milliards d’euros pour « l’innovation de rupture ». « Il s’agit de faire financer par l’État de la recherche dans des domaines dont le secteur privé se désintéresse pour l’instant mais qui seront stratégiques demain » affirme le ministre qui en profite pour donner sa vision du rôle de l’État dans l’économie : « on fait trop souvent jouer à l’État un rôle inutile dans l’économie. Le rôle de l’État, c’est de préparer l’avenir », a-t-il déclaré.

Un projet européen

Bruno Le Maire ne compte pas lancer la France, seule, dans la bataille : « nous pouvons arriver à un statut de leader avec le concours de nos voisins européens […] avec l’Allemagne particulièrement » explique le ministre. « L’intelligence artificielle ne peut réussir qu’au niveau européen » poursuit Bruno Le Maire, qui rêve de créer le « champion mondial » du domaine.

Des « gros sous », donc, mais aussi des idées : « il faudra lancer la bataille de l’innovation ». Sur ce terrain, le ministre est convaincu des atouts de la France : « La France dispose d’un fort capital humain » rappelle-t-il, prenant l’exemple de Cédric Villani : « nous formons d’éminents mathématiciens, dont beaucoup ont reçu la médaille Fields ». Les institutions de l’Hexagone sont aussi citées en exemple : « nous avons d’excellents pôles de recherche au CNRS, un système d’éducation et de formation solide ».

La reconnaissance faciale s’impose peu à peu dans la course à la sécurité

Les dispositifs de reconnaissance faciale se répandent en Europe. Motivés par des objectifs de sécurité des collectivités locales sur fond de menace terroriste, cette technique de surveillance n’est pas sans risque pour les droits de l’Homme.

Sur ce point, le député La République en Marche Bruno Bonnell, pionnier du numérique français, fait état de certaines difficultés, notamment sur le plan de l’attractivité de la France : « nous avons un problème de fuite des cerveaux » a-t-il regretté, en pointant Facebook du doigt : « quand j’entends que Facebook ouvre un centre de recherche à Paris, et qu’ils travaillent avec nos centres de recherche publics, pardon, mais ça ne me satisfait pas ». Le député regrette que les groupes américains se servent de talents français pour exploiter leurs connaissances directement dans la Silicon Valley.

La France a tout intérêt à s’investir dans la bataille. Le secteur de l’intelligence artificielle est en pleine expansion. Alors que 60 % des transactions financières sont aujourd’hui réalisées par des algorithmes, les technologies d’intelligence artificielle pourraient doubler la croissance économique mondiale à l’horizon 2020.

Des interrogations éthiques

La conquête du continent digital doit cependant s’accompagner d’une réflexion éthique sur l’impact des algorithmes sur les sociétés : « le propre de l’intelligence humaine, c’est de poser des limites. C’est parce que l’intelligence artificielle est sans limite que l’homme doit intervenir » prévient Bruno Le Maire, prenant cet exemple : « les voitures autonomes seront bientôt prêtes. Imaginez que, soudainement, un enfant traverse la route devant la voiture. L’ordinateur de bord devra alors faire ce choix : écraser l’enfant ou faire une sortie de route et tuer le passager. Comment faire ce choix ? ».

Les défis sont vertigineux mais Cédric Villani, chargé par le gouvernement d’une mission sur l’intelligence artificielle, préconise une méthode pour garantir la bonne utilisation de ces nouvelles technologies : « il faut utiliser une méthodologie scientifique, garantir l’intégrité des bases de données et se fixer des buts ethiques ». Le brillant mathématicien rappelle, enfin, les interrogations qui ont poussé la recherche : « si nous en sommes là, c’est parce que des hommes voulaient répondre à cette question : qu’est-ce que l’intelligence humaine ? ». La réponse sera, peut-être, apportée par un robot.

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