Trois semaines avant les attentats de Paris et Seine-Saint-Denis, le drapeau de l'Etat Islamique flottait sur le compte facebook de Salah Abdeslam.

Salah Abdeslam, logisticien présumé des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, a écrit une lettre à son cousin, depuis sa cellule de Fleury-Mérogis, dans laquelle il s'exprime comme un prédicateur salafiste.

MaxPPP/PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/Alexandre MARCHI

Il se mure obstinément dans le silence. Mercredi encore, Salah Abdeslam est ressorti du palais de justice de Paris sans répondre à aucune des nombreuses questions qui lui ont été posées par le juge d'instruction. Un cinquième interrogatoire en pure perte depuis sa mise en examen il y a un an et demi. Pourtant, le logisticien présumé des attentats du 13 novembre 2015 dévoile un pan de sa psychologie au travers des courriers qu'il adresse à ses proches.

Publicité

Incarcéré à l'isolement à Fleury-Mérogis (Essonne), le détenu numéro 498001 écrit le 19 juin dernier à l'un de ses cousins de Molenbeek (Belgique). Fait peu courant, cette lettre, consultée par L'Express, est versée au dossier judiciaire deux semaines plus tard. Car les magistrats estiment qu'elle est "utile à la manifestation de vérité." En clair: bien que d'une portée superficielle pour l'enquête, elle met en lumière un homme totalement obsédé par sa vision ultrarigoriste de l'islam. Ces deux pages, à l'écriture fine et régulière, et à l'orthographe correcte, laissent entrevoir un prisonnier se référant sans cesse au jugement divin, bien loin de la justice des hommes. Il mentionne ainsi "Allah" à 17 reprises en 31 lignes.

"Combien des nôtres ont trépassé?"

Salah Abdeslam commence par féliciter son cousin pour son récent mariage et le remercie pour les "aumônes" transmises par ses soeurs. "J'espère que ce nouveau départ [...] te permettra de délaisser les désobéissances envers Allah et de t'accrocher à ce qu'il nous a ordonné." Il évoque ensuite son rapport serein vis-à-vis de la mort, rappelant que la vie terrestre n'est qu'un "passage dans ce monde." Plus énigmatique, le Français de 28 ans s'interroge: "Combien des nôtres ont trépassé?" Sans que l'on sache à qui il fait référence. A son frère Brahim et à ses amis morts en kamikazes lors des tueries à Paris? Ou s'agit-il d'une formule pour désigner les musulmans en général? Mystère.

Abdeslam conclut sa lettre par une injonction répétée à trois reprises à son cousin: "La prière. La prière. La prière!!!" Ce rappel est accompagné de petites signalétiques représentant des panneaux danger, comme pour souligner l'obligation impérative de s'y soumettre. L'ancien petit délinquant, fumeur de joints, client régulier de discothèques et de cercles de jeux, s'exprime comme un prédicateur salafiste. En guise de post-scriptum, il cite un supposé "hadith [faits et gestes] du prophète" promettant "l'enfer" à toute personne qui dessine. "Oublie les dessins, ordonne-t-il à son cousin. J'ai moi-même dans ma précédente lettre fait des dessins. Qu'Allah nous pardonne. Amine [amen]".

Il refuse tout contact verbal ou physique

Jusqu'à présent, une seule autre lettre du terroriste présumé a été versée au dossier judiciaire en octobre 2016. Il s'agit d'une réponse de Salah Abdeslam à une prétendue admiratrice domiciliée à Talant (Côte-d'Or) dans laquelle il affirmait ne pas avoir "honte de ce [qu'il est]". Bien qu'empreinte de références religieuses, cette missive était moins dogmatique. Ainsi se réjouissait-il que cette correspondance lui permette de "passer quelque temps avec le monde extérieur".

Depuis plus d'un an, Salah Abdeslam semble s'enfoncer dans un enfermement mental. Dans un procès-verbal daté de fin 2016, un enquêteur de la Sous-direction antiterroriste (Sdat), venu établir son profil génétique, raconte que Salah Abdeslam a refusé aussi bien de se soumettre à "un prélèvement de matière biologique dans sa cavité buccale" qu'à "la prise de ses empreintes digitales". Seule concession du détenu: la saisie par le policier de l'une de ses brosses à dent et d'un couvert en plastique.

L'administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis s'est inquiétée récemment de la dégradation de son état psychologique, constatant qu'il se montre de plus en plus fermé avec les surveillants et craignant qu'il puisse se suicider. L'homme refuse désormais tout contact verbal ou physique. Depuis, ses conditions de détention ont été légèrement assouplies. Le plexiglas qui obstruait la fenêtre de sa cellule a ainsi été enlevé et le détenu peut désormais voir ses proches au parloir sans être séparé par une vitre.

Publicité