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Animaux

TRIBUNE. Appel à la mairie de Paris pour interdire les animaux dans les cirques

Dans une tribune, 15 philosophes, scientifiques et historiens dénoncent les méthodes de dressage et de captivité dans les cirques et demandent au Conseil de Paris d'interdire ceux qui présentent des spectacles utilisant des animaux.

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Cirque éléphant

Des éléphants au Ringling Bros. and Barnum & Bailey Circus en 2016.

© Bill Sikes/AP/SIPA

ECHAPPÉ. Vendredi 24 novembre, dans le sud de Paris, le trafic du tramway a été interrompu pendant 30 minutes à cause de la présence d'un tigre, échappé d'un cirque tout proche.

Jeudi 8 novembre, le Ministre de l’Agriculture Irlandais a signé une réglementation interdisant la présence des animaux sauvages dans les cirques à partir du 1er janvier 2018 en Irlande. La veille, l’Italie légiférait en interdisant progressivement la présence des animaux dans les cirques (10). En France, le 1er août dernier, le ministre de la Transition écologique et solidaire a déclaré : « Je ne suis pas favorable à la captivité des animaux, pas favorable à l’idée qu’on fasse du spectacle avec cette activité-là. »Une dizaine de jours plus tard, l’Illinois est devenu le premier état américain à interdire la présence d’éléphants dans les cirques et leur utilisation pour d’autres divertissements itinérants (0). Le 21 juin, c’était le Conseil de la ville de New-York qui votait à la majorité absolue l’interdiction de la présence d’animaux sauvages dans les cirques.

Depuis quelques mois, nous assistons à un tournant dans l’histoire de la captivité des animaux de divertissement (cirques, delphinariums, zoos). Prise de conscience, par le public, de la violence induite par le dressage et la captivité, fermeture ou réorientation des entreprises, nouvelles législations, le recul de la captivité des animaux de divertissement dans le monde, particulièrement au sein des cirques, est sans précédent.

Après 146 ans d’existence, le plus grand cirque avec animaux des Etats-Unis, Ringling Bros. Barnum & Bailey, sous la pression, notamment, des associations de défense animale, vient de fermer définitivement ses portes (8).

En France, c’est le cirque Joseph Bouglione qui annonce publiquement sa décision de ne plus présenter des animaux lors de ses spectacles. « Le cirque traditionnel, ce n’est pas uniquement les tigres, les lions et les éléphants. Les clowns, les acrobates, les jongleurs et tous les autres artistes représentent tout de même une partie importante de nos spectacles. Il ne faut pas avoir peur de se réinventer », a déclaré André-Joseph Bouglione (1). Les études, rapports et autres observations scientifiques, de plus en plus nombreuses, démontrent en effet l’immense souffrance des animaux détenus dans les cirques. 

En font preuve, notamment, les stéréotypies, couramment observables chez les animaux sauvages captifs des cirques. La stéréotypie désigne un comportement « répétitif, invariant et qui n’a aucun but ou fonction apparents » et « induit par la frustration, par des tentatives d’adaptation et/ou par une dysfonction cérébrale » (2). « Tout stress induit par la captivité sera à l’origine de modifications neurologiques ». « Il existe un grand nombre de stéréotypies, exprimées par les animaux captifs » (3). Les facteurs du stress permanent induit par l’environnement captif, constitutifs des causes des stéréotypies, sont multiples et omniprésents : sons, lumières, odeurs, température, absence de lieu d’isolement, espace restreint, proximité humaine imposée, restriction sociale (privation maternelle, séparation sociale), dressage, voyages fréquents…

L’interdiction, en 2005, de la présence d’animaux sauvages dans les cirques autrichiens a pour origine un rapport rédigé par des spécialistes (vétérinaires, juristes et zoologistes) (4). La conclusion de ces experts autrichiens est sans appel : « Il est tout à fait impossible de garder des animaux sauvages dans des cirques d'une manière qui soit en accord avec les besoins de chaque espèce. » Espèce par espèce, ce rapport démontre cette impossibilité. Prenons l’exemple des éléphants : « Ces positions (NDLR : assises) peuvent causer des blessures aux articulations et aux disques intervertébraux, ainsi que des fissures dans les ongles. Quant aux exercices d’équilibre, ils peuvent être à l’origine de dérangements moteurs dans les articulations du coude et du genou. » Une autre étude démontre que les positions assises constituent « un état grave qui peut entraîner la mort si les organes concernés par le prolapsus (intestin, vessie, utérus) subissent un étranglement et se nécrosent » (5).

Plus récemment, en 2015, la Fédération des Vétérinaires Européens a recommandé « à toutes les autorités nationales et européennes compétentes en la matière d’interdire l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques itinérants » (6). Cette même année, à l’issue d’une Initiative Législative Populaire, la Catalogne espagnole a interdit, à une large majorité, la présence d’animaux sauvages dans les cirques (7). Lors du vote au Parlement, le 27 juillet 2015, la députée catalane Hortènsia Grau Juan avait alors plaidé : « Cette loi est une opportunité pour les cirques. Une opportunité pour innover et pour avancer. »

Citons également la ville de Los Angeles qui, en avril dernier, a voté à l’unanimité l’interdiction de l’utilisation d’animaux sauvages dans les cirques et les divertissements privés (location d’animaux pour des fêtes) (8). David Ryu, conseiller de la ville, à l’origine de cette motion a expliqué : « Traiter les animaux de cette manière a appris à des générations entières qu'il est normal de considérer les animaux sauvages et exotiques comme des jouets. Il est temps que la ville de Los Angeles prenne des mesures qui définiront clairement qu'exhiber des animaux de cette façon n'est plus du tout en adéquation avec les valeurs de notre ville. »

Pendant ce temps-là, la ville de Paris réfléchit. Tout en continuant à autoriser les spectacles de cirques utilisant des animaux, le Conseil de Paris a décidé de créer une mission animaux, qui vient de finir une série de consultations sur la place des animaux en ville et notamment sur la question des animaux dans les cirques (9).

C’est dans ce contexte que nous appelons la ville de Paris à prendre la mesure de la situation. 

Nous demandons au Conseil de Paris de ne plus autoriser les cirques présentant des spectacles utilisant des animaux. Il s’agirait d’un acte politique fort qui démontrerait la capacité de la ville à entendre les préoccupations grandissantes de la population en matière d’éthique animale et à se placer comme un exemple pour la France et le monde entier. 

Il serait en effet navrant que Paris soit la dernière capitale à accueillir des spectacles utilisant des animaux captifs et dressés…

 

SIGNATAIRES :

Marie-Claude Bomsel, docteure vétérinaire, professeure honoraire Museum national histoire naturelle

Monique Bourdin, docteure vétérinaire comportementaliste à l'École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort

Franck Chaduc, docteur vétérinaire praticien spécialisé en faune sauvage et réglementation, ancien directeur de Touroparc Zoo, assesseur auprès la commission de conciliation et d'expertise douanière 

Georges Chapouthier, neurobiologiste et philosophe 

Sophie Dol, docteure vétérinaire praticienne

Charlotte Duranton, éthologie

Catherine Escriou, docteure vétérinaire, maître de conférences, Vetagro Sup Campus Vétérinaire de Lyon

Thierry Foglizzo, astrophysicien 

Servane Hochet, docteure vétérinaire praticienne

Thomas Lepeltier, historien des sciences et philosophe 

Franck Péron, éthologue, docteur vétérinaire

Jérôme Segal, historien des sciences et épistémologie, maître de conférences, Université Paris-Sorbonne

Cédric Sueur, éthologue, maître de conférences, Université de Strasbourg

Isabelle Vieira, docteure vétérinaire comportementalisme

Sophie Wyseur, docteure vétérinaire praticienne

 

 

Sources :

(0) http://chicagotonight.wttw.com/2017/08/14/circus-elephants-take-final-bow-illinois

(1) https://www.facebook.com/CirqueJosephBouglione/posts/10154341802537234 

(2) Mason, 1991

(3) Wenisch, Emilie. Les stéréotypies des animaux élevés en captivité : étude bibliographique. Thèse d'exercice, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse - ENVT, 2012, 136 p.

(4) SCHWAMMER H., PECHLANER H., GSANDTER H., B. KRAMMERSTATTE. 1996. Guidelines for keeping of wild animals in circuses, Vienna. (Traduit en français par l’association Code Animal)

(5) KUNTZE A, Work-related illnesses : Hermia perinealis, Bursitis praepatellaris and Tyloma olecrani in female circus elephants. Verh.Ber.Erkrg.Zootiere, 1989 

(6) FVE position on the use of animals in travelling circuses, 6/06/2015

(7) http://www.liberation.fr/planete/2013/11/03/la-catalogne-interdit-les-betes-de-scene_944339

(8) http://www.latimes.com/opinion/op-ed/la-oe-ringling-brothers-circus-20170517-story.html 

(9) https://idee.paris.fr/des-animaux-paris 

(10) http://www.rainews.it/dl/rainews/media/La-protesta-dei-circensi-alla-legge-che-chiede-superamento-progressivo-degli-animali-nei-circhi-a1cb06b3-0a7b-4050-8599-21c9bfbc2b93.html#foto-1

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