Chronique. C’est une histoire digne de l’univers absurde des Shadoks – la série culte de Jacques Rouxel – que raconte Lorenzo Furlan. « Il y a une trentaine d’années, dans la région d’Italie où je travaille, j’ai réalisé que la plupart des traitements insecticides appliqués sur le maïs étaient inutiles puisque les ravageurs ciblés étaient absents de 90 % à 95 % des champs traités, raconte l’agronome italien (Institut d’agronomie de Vénétie). Et la situation était d’autant plus absurde que l’utilisation de ces intrants dégradait la qualité de la récolte… »
L’usage de ces pesticides n’était donc pas défensif : les producteurs de maïs du Nord-Ouest italien les utilisaient plutôt comme une assurance-récolte. Une assurance ? Voilà qui n’est pas complètement irrationnel. Mais pas complètement satisfaisant non plus, car « l’écrasante majorité de ces agriculteurs dépensaient en définitive des sommes importantes pour des produits qui nuisaient à leur santé, à l’environnement, à leurs cultures et n’apportaient rien à la rentabilité de leur exploitation ». Ce qui fait beaucoup.
En 2008, l’interdiction de certains néonicotinoïdes par le gouvernement italien donne à Lorenzo Furlan l’opportunité de remettre en selle l’idée qui lui était venue voilà trente ans
C’était il y a trente ans, mais les nouvelles générations d’insecticides – les célèbres néonicotinoïdes – remplissent aujourd’hui la même fonction d’assurance, et de manière plus assumée encore. Car, dans la plupart de leurs usages, ils ne sont pas pulvérisés sur les cultures, mais directement intégrés aux semences. Ce qui est semé n’est plus une graine comme la plupart d’entre nous se le figurent encore, mais une sorte de petite granule de couleur vive : la semence est enrobée du pesticide, qui imprégnera la plante tout au long de sa croissance.
Ce genre de traitement est donc, par nature, prophylactique. Que le moindre ravageur soit présent ou non sur la parcelle, la plante y tuera les insectes et ne fera pas dans le détail. Et tant pis pour toutes les autres bestioles qui s’y aventurent – abeilles, bourdons, papillons, etc.
Sans baisse des rendements
Le constat d’une utilisation abusive et inutile des produits phytosanitaires est partagé par bien d’autres chercheurs que l’agronome italien. Une recherche récente, conduite par des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), a par exemple montré qu’une réduction substantielle des tonnages d’intrants chimiques était possible, dans la majorité des exploitations, sans aucune baisse des rendements…
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