Climat

Le méthane, oublié du réchauffement

3 min
Site d'exploitation de gaz en Pennsylvanie (Etats-Unis). Les fuites des puits de gaz de schiste sont à l'origine d'émissions importantes de méthane. PHOTO : ©Sebastian Montalvo/REDUX-REA

Alors que la COP231 qui se tenait à Bonn depuis le 6 novembre s’achève aujourd’hui, on oublie souvent que le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre possédant un fort impact sur le climat. Si ses émissions sont responsables pour plus de la moitié du réchauffement observé depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, un tiers du phénomène est imputable au méthane (CH4). Au plan mondial, ses émissions proviennent à 40 % de l’agriculture et de l’élevage, et à 60 % du système énergétique (grisou des mines de charbon, fuites des puits de gaz et de pétrole…), des déchets ménagers et agricoles ainsi que des feux de forêt. Et celles-ci croissent à un rythme inquiétant.

Une dangerosité sous-estimée

Jusqu’ici, les politiques de lutte contre le réchauffement climatique se sont cependant focalisées sur la seule réduction des émissions de CO2. Parce que la durée de vie du méthane en tant que tel est moindre que celle du CO2 (il se dégrade au bout d’une douzaine d’années en d’autres gaz à effet de serre) et que sa dangerosité a été longtemps sous-estimée : selon une nouvelle méthode de calcul employée par des chercheurs de l’université de Reading, sa contribution au réchauffement climatique serait ainsi supérieure de 25 % à ce qu’estimait le Giec, le groupe international d’experts du climat, dans son rapport de 2013.

L’impact des efforts de réduction des émissions de CO2 pourrait être totalement annulé en l’absence d’un effort similaire entrepris sur le méthane

Conclusion : l’impact des efforts de réduction des émissions de CO2 pourrait être totalement annulé en l’absence d’un effort similaire entrepris sur celles de méthane, s’alarment Benjamin Dessus, Bernard Laponche et Hervé Le Treut, dans un récent article, résumé sur le site du magazine La Recherche. Mesurer cet impact était cependant compliqué jusqu’ici : cela demandait de faire tourner des modèles coûteux durant plusieurs mois. C’est pourquoi les trois chercheurs ont mis au point un algorithme simple permettant de prendre en compte l’effet des émissions de tous les gaz à effet de serre, et pas seulement du CO2, sur le climat.

Résultat, il apparaît que dans le cas du scénario le plus optimiste envisagé par le Giec, dans lequel la concentration de CO2 dans l’atmosphère serait maintenant sous la barre des 450 ppm à l’horizon 2100, le méthane serait responsable pour 49 % de l’augmentation de la température observée : l’enjeu d’une réduction des émissions de méthane apparaît ainsi clairement. L’objectif de Benjamin Dessus et de ses coauteurs est que les responsables politiques s’intéressent enfin à cet enjeu et se saisissent de leur algorithme pour modéliser l’impact de leurs décisions de politiques de lutte contre le réchauffement climatique.

 

  • 1. 23e Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur le climat.

À la une

Commentaires (2)
CECILE 20/11/2017
Lutter contre la pollution par le méthane passe aussi par la valorisation énergétique du biogaz : passés en méthaniseur, les déchets produisent du biogaz (60% de méthane), qui est ensuite épuré pour atteindre 98% de méthane et être réinjecté dans le réseau public de gaz. On évite la diffusion à l'atmosphère du CH4, et en plus on utilise une énergie renouvelable au lieu d'une énergie fossile (gaz dit "naturel" mais qui extrait du CO2 des sous-sols pour nous laisser le problème en surface...)
PHILIPPE 18/11/2017
Entièrement d'accord et, concernant l'avenir, vous auriez pu citer: - L'exploitation des gaz par fracturation ("gaz de schiste") qui, du fait d'un taux de fuites très élevé, aurait une nocivité-climat supérieure à celle du charbon - Certaines contre-réactions positives qui vont finir par se réveiller: notamment le permafrost qui en se réchauffant va largeur d'immenses quantité de méthane pour le moment emprisonné sous forme d'hydrates. - Le méthane augmente à une vitesse record depuis 2014...
Seuls nos abonnés peuvent laisser des commentaires, abonnez-vous pour rejoindre le débat !
Sur le même sujet