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Pourquoi Bordeaux a discrètement enterré l’encadrement des loyers

C’est officiel : Bordeaux Métropole n’imitera pas Lille et Paris dans leur tentative d’encadrer les loyers. Le dernier rapport de l’Observatoire des loyers montre une stagnation des prix depuis deux ans qui ne justifie pas, selon Alain Juppé, de réglementer davantage. Reste que les prix ont fortement augmenté en 10 ans et que les locataires d’un T1 payent désormais plus cher à Bordeaux qu’à Lyon, Toulouse et Nantes.

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Pourquoi Bordeaux a discrètement enterré l’encadrement des loyers

Sans tambour ni trompette, Alain Juppé a annoncé lors du dernier conseil de Bordeaux Métropole, le 27 octobre dernier, que les loyers du parc de logements privés étant stables dans l’agglo depuis quelques années, le débat sur leur encadrement était clos. Nul ne s’imaginait vraiment le maire de Bordeaux emboiter le pas à Lille et Paris, a fortiori après les déconvenues judiciaires essuyées sur ce point par la mairie nordiste, et donner ainsi la possibilité aux locataires de contester le montant exigé par les propriétaires.

Il n’avait toutefois pas totalement fermé la porte à cette option, si l’Observatoire des loyers piloté par l’a’urba, l’agence d’urbanisme de l’agglomération bordelaise, démontrait un emballement des prix. Vice-président de la métropole en charge du logement, Jean Touzeau rappelait lui aussi récemment que s’il n’y avait guère de suspense sur la décision finale,  celle-ci restait suspendue au dernier rapport de l’observatoire.

Or selon ce document que Rue89 Bordeaux a pu consulter, le niveau moyen (hors charge) des loyers dans le parc privé de l’agglo bordelaise s’établit à 10,5 €/m² (soit un montant moyen de 642 € pour une superficie moyenne de 61 m²). Il est quasi identique à celui indiqué dans le rapport 2016 (640 € pour 61 m2), ce qui a justifié la décision prise par Bordeaux Métropole, un peu en loucedé : l’annonce officielle prévue début octobre par la métropole et la préfecture a finalement été écartée, étant donné le contexte politique un brin tendu sur le dossier du logement.

Attractive world

Le hic, c’est que sur le long terme, l’augmentation des loyers est significative. Dans son avant dernier rapport, en 2014, l’Observatoire évoquait ainsi un loyer moyen de 10,1 €/m², soit un coût de 618 € pour un 61m2, et donc une différence non négligeable de près de 300 euros par an. L’a’urba fait toutefois valoir qu’il ne faut pas comparer strictement les chiffres d’un rapport à l’autre, la méthodologie ayant changé deux fois depuis 2013.

Mais si on s’en tient au rapport 2017, et qu’on se fonde sur le loyer payé en fonction de la date d’entrée dans le logement, la hausse saute aux yeux : un locataire ayant emménagé avant 2006 payait en moyenne 8,8 euros le m2, contre 11,3 euros s’il s’est installé en 2015-2016, soit une augmentation très significative en 10 ans.

« On a observé des hausses importantes des loyers sur les dernières années, qui peuvent s’expliquer par un phénomène de rattrapage de Bordeaux par rapport aux autres agglos, relativise Nathanaël Fournier, économiste à l’a’urba. Cela reflétait l’accroissement de l’attractivité bordelaise, et on a aujourd’hui le sentiment que le niveau des loyers est assez logique quand on le compare aux autres métropoles. »

Selon l’Observatoire des loyers, l’agglo de Bordeaux affiche désormais « des niveaux de loyer légèrement plus élevés que ceux de Toulouse et de Nantes (d’environ 3 à 4,5 % sur les T2 et T3), mais légèrement moins élevés que ceux de Lyon (d’environ 2 % sur ces mêmes segments du parc). » De ces quatre métropoles parmi les plus attractives de France, Bordeaux est même celle dont les loyers des T1 (qui, ville universitaire oblige, représentent tout de même le quart du parc) sont les plus onéreux : 418 € pour un appart’ d’une surface moyenne de 28 m2, soit près de 15 € le m2.

Des loyers du simple au double

C’est d’ailleurs l’un des autres enseignements de cette étude : en fonction de la superficie des logements, leur prix « peuvent varier du simple au double », note l’a’urba. Mais les différences ne sont pas frappantes d’un quartier à l’autre de la métropole, explique Nathanaël Fournier, de l’a’urba :

« La surprise des résultats de ce travail sur le zonage, c’est que celui-ci a peu d’influence. On observe au contraire une quasi-homogénéité des niveaux de loyers dans une grande partie centrale de l’agglomération, l’intra rocade rive gauche. Le fait d’être en plein centre ville avec un bel appartement n’est pas aussi valorisé que dans d’autres grandes agglomérations car les Bordelais sont très sensibles au fait d’avoir un jardin, pas de vis à vis… Cela compense l’éloignement. De même, les étudiants et les jeunes ménages sans enfants acceptent de n’être pas forcément logés dans l’hypercentre parce que le tram et les transports en commun leur offre un service efficace. Tout ceci explique que le gradient des loyers entre le centre et la périphérie est atténué ».

Ainsi, le loyer moyen oscille entre 633 et 658 euros pour un logement de 59m2 dans les zone 1 à 4 (en gros : la plus grande partie Bordeaux et sa couronne rive gauche), soit autour de 11 euros le m2. On passe à 9,2 euros dans la zone 6 (qui comprend notamment Bacalan ou le Grand Parc à Bordeaux, certains quartiers de Mérignac, Pessac et Talence, la plupart des communes périphériques de la rive droite, et d’autres plus éloignées de la rive gauche – Cestas, Martignas, le Pian-Médoc).

Rationnement

La fièvre observée sur le marché immobilier bordelais ces dernières années (même si elle se fonde sur les chiffres des professionnels, et pas encore sur des données officielles) n’aurait donc pas encore gagné le secteur de la location ?

« Les chiffres de l’Observatoire ne sont pas un bon indicateur des tensions sur le marché locatif, répond l’économiste Natthanaël Fournier. Une décret signé tous les ans par le gouvernement (il a été reconduit le 27 juillet dernier, NDLR) interdit aux propriétaires d’augmenter les loyers au cours d’un bail, et même en cas de changement de bail, dans une proportion supérieure à l’indice de référence des loyers (IRL). Cette disposition est appliquée depuis 2012 plutôt correctement par les professionnels de l’immobilier, peut-être moins à la lettre par certains propriétaires qui gèrent en direct. En tous cas, en raison de cette réglementation, l’ajustement ne se fait pas par les prix mais par la quantité de logements disponibles. Or aujourd’hui nous sommes en situation de rationnement car la demande a augmenté plus rapidement que l’offre. Résultat : les propriétaires peuvent choisir entre 15 ou 20 dossiers, et vont privilégier ceux qui ont les meilleurs niveaux de revenus ou de bonnes cautions. Et il y a des cas d’étudiants qui ont été contraints de louer des logements 15 jours sur Airbnb pour 500 euros. »

Ainsi, les loyers seraient de fait déjà encadrés, sans pour autant répondre à la crise du logement dans les zones tendues. Pour cela, étant donné le coût de l’immobilier à Bordeaux, il faudrait proposer une offre susceptible d’échapper aux aléas du marché : logements (très) sociaux, résidences universitaire… On rejoint bien là une problématique de régulation politique.


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