« Je suis un peu l'insoumise étalon ! » s'amusait Raquel Garrido, il y a encore quelques jours, devant un pisco sour. De l'alcool à 15 h 30 ? Quand on est née au Chili, ce cocktail tient lieu de madeleine de Proust. Maître étalon ? L'avocate de Jean-Luc Mélenchon, ex-« oratrice nationale » de la France insoumise, chroniqueuse chez Thierry Ardisson (« Les Terriens du dimanche », C8), nouvel objet - et sujet ! - médiatique, faisait figure d'incontournable dans ce mouvement populaire. Passée de l'ombre à la lumière, elle donne l'impression que rien ne la fera vaciller. Bien campée sur ses convictions, ses idéaux... ses contradictions ? Qui l'ont poussée à annoncer son retrait de la vie politique dans le « JDD » du 12 novembre. D'aucuns y voient la main d'un Mélenchon agacé par la starification de sa pouliche ? La parole à Maître Garrido : « C'est un choix que j'ai fait seule, mais les termes du dilemme ont été posés par le CSA. Quand on a créé la France insoumise, nous étions six au fond d'une pizzeria. Aujourd'hui, avec sept millions de voix, je ne suis plus indispensable. » Cash, efficace, voire sans vergogne ? Bienvenue chez Raquel Garrido.

« Elle est intelligente, marrante et pas sectaire », raconte son confrère sur C8, Franz-Olivier Giesbert

« Elle est intelligente, marrante et pas sectaire, raconte son confrère sur C8, Franz-Olivier Giesbert. Je ne partage aucune de ses idées mais, quand je la croisais sur les chaînes infos, je l'embrassais déjà comme du bon pain ! Elle a une double culture, ça fait des tempéraments bizarres. Des gens qui se sentent partout chez eux. » Parlons-en... Partout ? Y compris dans un HLM, alors qu'avec son mari, le député la France insoumise Alexis Corbière, ils n'ont pas vraiment des revenus modérés ? Sur le plateau d'une chaîne de télé appartenant à Bolloré, alors qu'elle a le poing levé ? Dans la roue de Mélenchon, alors qu'elle porte la robe au prétoire ? Dans l'exemplarité requise d'une personnalité publique, alors qu'en tant qu'avocate elle accuse des retards de paiements de cotisations sociales ? Circulez, y a rien à voir ! Raquel Garrido ne semble pas traversée par la question de la légitimité. Sur le papier, c'est chouette. Voire féministe : à situation égale, on reprocherait la moitié à un homme. Dans les faits, cela interroge... au minimum.

« Je suis en guerre !, s'insurge-t-elle. Non pas contre mes adversaires politiques, mais contre la clique journalistique. Happée par la campagne présidentielle, je n'étais pas à jour dans mes déclarations, mais tout est réglé. En 2016, mobilisée par les élections, j'ai gagné 1 800 euros par mois. Alors il reste la question du pourquoi cet acharnement. Le 31 août, j'ai posé une question au Premier ministre lors de sa conférence de presse [elle était accréditée au titre de l'émission de Thierry Ardisson, ndlr], grand-messe de propagande. Une avocate-chroniqueuse sur les plates-bandes des journalistes, empêchés par le système Macron ? Ils ne me le pardonneront jamais. » Ainsi se dessine sa ligne de défense qui consiste à tout passer à la moulinette politique. Voire sociale. Les révélations du « Canard enchaîné » sur ses revenus non déclarés ? C'est l'élite parisienne contre le peuple. L'administration tranchera... En attendant, elle a choisi de s'expliquer sur le snapchat de Jeremstar, blogueur télé-réalité et camarade sur C8. Une provocation ? « Une manière de dire à une certaine presse que je peux parler autre part que dans leur petit monde... en crise, d'ailleurs ! Les rédactions restructurent en imposant la précarité la plus totale. Des journalistes écrivent sur la base de tweets parce que leur patron ne les paie plus pour mener des enquêtes et c'est moi le problème ? En m'exprimant via le snapchat de Jeremstar, je m'adresse à des millions de gens méprisés par la bourgeoisie. » La petite musique Garrido est bien rodée...

« Nous sommes mariés sous le régime de la communauté de biens, comme des ploucs ! »

Mais quid de l'affaire du HLM ? Cet appartement du 12e arrondissement que Raquel Garrido, Alexis Corbière et leurs trois filles s'apprêtent à quitter ? « On est expulsés par la vindicte médiatique ! Il n'y a que les fous parisiens pour penser que 1 200 euros, c'est modéré ! Ce n'est pas un privilège de vivre à cinq dans 80 m2 avec vue sur le périphérique. Le problème, ce n'est pas qu'un député habite un HLM, c'est plutôt qu'il n'y en ait pas assez qui y vivent. Nous allons emménager à Bagnolet, dans la circonscription d'Alexis. On a refusé notre dossier pour de la location, alors on a fait une offre d'achat. Je vais peut-être avoir des réflexes de petit propriétaire ! » Peur de s'embourgeoiser en grimpant dans l'establishment ? « Mon problème, c'est que je ne me soucie pas des questions d'argent. Je suis une avocate quadrilingue qui a tout quitté pour s'engager à 100 %. J'ai tout lâché pour Mélenchon. J'ai passé quinze ans au Parti socialiste, j'aurais pu m'y enrichir. D'aucuns auraient tourné casaque à la première opportunité financière ! Résultat, j'ai zéro patrimoine, même pas une voiture. Il suffit de consulter la déclaration d'Alexis, obligatoire pour les députés [rémunérés 7 209 euros bruts par mois, ndlr], qui est aussi la mienne. Nous sommes mariés sous le régime de la communauté de biens, comme des ploucs ! » Bel effet de manches sur son terrain favori...

Autre décor, son siège chez Ardisson. Et le mélange des genres qui l'a poussée à choisir C8. « Peut-on dénoncer le système et être payé par celui-ci ? Oui, d'autant que je peux l'ouvrir, sans me censurer, ce qui n'est pas le cas d'un ouvrier », argumente Raquel Garrido. On imagine que, avant d'accepter cette chronique, elle s'en était ouverte à « Corbière », comme elle l'appelle quand il s'agit de boulot. « Il m'a dit : 'Fonce !' » À Jean-Luc Mélenchon ? « Non, je ne lui ai jamais demandé l'autorisation de m'exprimer. Je n'agis pas sur commande, je ne déclare pas une 'pravda' sur C8... ce serait chiant comme la pluie ! En revanche, nous nous sommes parlé tous les trois quand il a fallu que je choisisse après le rappel du CSA. » Réaction du principal intéressé, Thierry Ardisson : « Quand son nom est sorti lors de la préparation de l'émission, j'ai pensé à la théorie de Gramsci, on ne peut pas détourner un avion sans être dedans. » Et, au sujet d'une attirance de sa nouvelle recrue pour la lumière : « Si vous voulez me faire dire que je ne me suis pas trompé, vous avez raison. C'est de famille, sa soeur a participé à la version québécoise de 'The Voice' ! »

La cuirasse est solide. Rien ne semble atteindre Raquel Garrido. Ni les polémiques successives ni sa célébrité éclair. 

Retrouvez le portrait de Raquel Garrido en intégralité dans le magazine ELLE N°3752 du 17 novembre 2017.