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Christophe Castaner : "Je ne chanterai pas les louanges du gouvernement"

Christophe Castaner a été élu samedi à la tête de La République en marche. Après sa victoire attendue, il s'exprime dans une interview au JDD.

David Revault d’Allonnes , Mis à jour le
Christophe Castaner et Edouard Philippe samedi à Lyon.
Christophe Castaner et Edouard Philippe samedi à Lyon. © Reuters

Elu samedi à la tête de La République en marche , Christophe Castaner veut se placer en "vigie du gouvernement". "Si les choses dérapent ou ne vont pas assez loin, on devra le dire. Pas de propagande chez nous!", affirme-il dans une interview au JDD. "Si j’ai été élu, c’est parce j’ai ma libre parole. Je fais partie de ceux qui disent ce qu’ils pensent à Emmanuel Macron . Et le jour où j’aurai le sentiment de ne plus pouvoir le faire, je ne serai plus utile. S’il fallait un barde pour chanter les louanges du gouvernement, je ne serais pas celui-là.", note-t-il.

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Lire aussi : La démocratie à main levée selon La République en marche

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Quels seront vos chantiers prioritaires à la tête du mouvement?
D'abord, retrouver l'âme d'En marche. Un ensemble de principes, de règles de fonctionnement qui doivent être aujourd'hui complétées, mais en aucun cas abandonnées. Ces derniers mois, nous avons commis des erreurs.

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Ma première priorité, c'est de retrouver l'ADN du mouvement

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Lesquelles?
On a désincarné le mouvement, on a donné l'impression d'abandonner les militants. Nous sommes tous passés à autre chose : Emmanuel Macron est devenu président, les personnalités emblématiques sont devenues ministre ou député… Trop de choses ont été laissées de côté. Le mouvement aurait dû être un meilleur relais de l'action gouvernementale. Nous n'avons pas été assez en soutien de nos adhérents. Ma première priorité, c'est donc de retrouver l'ADN du mouvement : ouvert, libre, bienveillant, proche des territoires et utile aux citoyens.

Ce que fera Christophe Castaner à la tête d'En marche

Quel chef serez-vous?
Mais je ne veux pas être chef! Je veux être animateur, facilitateur. Le titre de délégué général me va bien. Je veux que chaque adhérent puisse trouver une réponse à ses questions, se sentir utile, qu'il puisse aussi s'engager sur le terrain du commun. On doit s'emparer de quelques grandes causes et les accompagner.

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Je veux qu'on sorte du champ réservé des partis traditionnels

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Quelles grandes causes?
Nous les définirons ensemble. Par exemple, l'égalité entre femmes et hommes. Mais pourquoi pas, aussi, une cause médicale? Pourquoi pas un engagement en faveur de la préservation de l'environnement sur un territoire donné? Ces causes devraient nous occuper au moins autant que la préparation d'une échéance électorale. Je veux qu'on sorte du champ réservé des partis traditionnels. Je veux que mille initiatives, mille fleurs fleurissent partout en France.

Qu'allez-vous faire dans les prochains jours?
Je ferai un tour de France des départements, à la rencontre des militants. Je serai aussi très vite une voix pour incarner le mouvement et défendre la majorité. Et il nous faudra choisir les thèmes de la politique gouvernementale sur lesquels le mouvement peut être en interaction. Je veux des mobilisations sur les grands sujets.

Christophe Castaner prêt à rencontrer les 100 démissionnaires

Emmanuel Macron vous a désigné. C'est peu démocratique, pour un mouvement qui prétend renouveler la politique…
Ne confondez pas tout! Je me suis présenté. Mais compte tenu de mon parcours et de la genèse d'En marche, imaginez-vous une seule seconde que j'aurais officialisé cette candidature sans m'assurer du soutien du Président ? Vous pensez vraiment que nous voulons refaire les erreurs des partis traditionnels qui ont mis à leur tête des dirigeants qui pensaient d'abord à leur avenir personnel? Par ailleurs, je réfute tous les procès qui nous sont faits sur le manque de démocratie interne. Je sais que vous auriez aimé un combat de coqs, mais ne confondez pas le débat sur les listes et le fait que je sois candidat! Dans ce conseil national, le parlement du parti, 25 % des membres ont été tirés au sort parmi les militants!

Vous assumez donc d'être nommé par le fait du prince?
Oui. Chacun sait que le Président s'intéresse toujours au parti majoritaire. Mais s'il m'avait dit : "Non, je ne souhaite pas que ce soit toi", je n'aurai jamais été candidat.

Une centaine de militants viennent de démissionner pour protester contre ce manque de démocratie, n'est-ce pas un signe très négatif?
D'un côté, nous avons enregistré, la semaine dernière seulement, l'adhésion de 600 nouveaux ­citoyens engagés! Mais de cela, on ne parle pas… De l'autre, une centaine d'anonymes qui prétendent avoir été adhérents ont fait savoir qu'ils voulaient quitter le mouvement, ce que chacun est libre de faire à tout instant. Je suis d'ailleurs prêt à les rencontrer. Ils sont représentés par deux personnes connues : la première a été exclue du mouvement parce qu'elle avait défilé avec le FN, c'est vous dire… Et la seconde a adhéré en mai, après avoir soutenu le Parti socialiste jusqu'au bout, et n'a jamais participé à aucune réunion ni à aucune action du mouvement. Voilà la réalité.

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En marche ne doit pas être un parti. Si la politique change le mouvement, j'aurai échoué

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En marche, c'est un parti politique géré comme une entreprise?
Si ça doit être géré comme une entreprise qui marche, cela m'est égal! L'essentiel est que ça fonctionne. Ce que je souhaite, c'est surtout qu'En marche ne soit pas un parti politique. Ce que je veux, c'est que le mouvement change la politique. Si la politique devait changer le mouvement, j'aurai échoué.

Allez-vous mettre en place des mesures contre le harcèlement sexuel au sein du mouvement, alors que des faits viennent d'être révélés concernant un ancien responsable des Jeunes socialistes?
Je souhaite qu'on mette en place un dispositif particulier d'alerte, de gestion et de sanctions. Nous devons être exemplaires. Cela vaut aussi pour la transparence : je rendrai transparent l'utilisation du budget du mouvement, soit 21 millions d'euros.

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Je fais partie de ceux qui disent ce qu'ils pensent à Emmanuel Macron

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En marche va-t‑il travailler à un programme?
Le programme présidentiel de 2017 existe. Il nous lie. Mais Emmanuel Macron a dit qu'il nous faudrait autre chose. Contrairement aux autres partis, qui ont abandonné les idées pour défendre des courants, nous aurons une chambre de débats permanente et interne. Elle ne sera pas située au siège, mais se déplacera un jour à Bordeaux, un autre à Plougastel… Le mouvement aura vocation à faire des propositions, et les conjuguera au présent. Mais il aura aussi vocation à être la vigie du gouvernement. Si les choses dérapent ou ne vont pas assez loin, on devra le dire. Pas de propagande chez nous!

En aurez-vous réellement la possibilité?
Si j'ai été élu, c'est parce que j'ai ma libre parole. Je fais partie de ceux qui disent ce qu'ils pensent à Emmanuel Macron. Et le jour où j'aurai le sentiment de ne plus pouvoir le faire, je ne serai plus utile. S'il fallait un barde pour chanter les louanges du gouvernement, je ne serais pas celui-là.

Sur les élections européennes

Comment préparerez-vous les élections européennes?
Je souhaite construire une ­démarche différente, qui partira du discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne sur notre ambition européenne. Je créerai autour de moi une équipe d'une dizaine de personnes pour aller visiter tous les partis républicains dans tous les pays européens, afin de pouvoir discuter sur la base des propositions de la France. Mon objectif n'est pas de trouver des accords minimaux, mais des objectifs sur 5, 10 ou 15 grandes propositions d'Emmanuel Macron pour, au lendemain des européennes, changer cette Europe. Je ne veux pas des copains, mais des alliés pour changer l'Europe.

Que répondez-vous à Alain Juppé, qui propose "un grand mouvement central" aux européennes?
J'entends autant le discours ambitieux de Daniel Cohn-Bendit que celui d'Alain Juppé. Si pour l'Europe on peut conforter le dépassement politique, je dis banco. Mais je prévois qu'en bout de course il n'y aura qu'une seule liste ambitieuse pour l'Europe. Et, face à elle, de nombreuses listes rabougries, repliées sur elles-mêmes et sur leur nombril.

Et sur le choix des candidats?
Il y aura des exigences sur l'éthique des personnes, bien sûr, sur leur engagement, sur leur ambition ­européenne. Il faut rechercher ceux qui ont de la passion, de l'envie, des idées. Des pépites.

Sur les municipales de 2020, et Emmanuel Macron en 2022

Comment allez-vous procéder pour constituer des listes en vue des municipales de 2020?
On ne va présenter 36.000 listes dans 36.000 communes! Il y a des endroits où nous présenterons des listes LREM, avec des gens nouveaux ; et d'autres endroits o des équipes sortantes sont légitimes à vouloir travailler avec nous, et réciproquement. Je refuse de m'enfermer dans une posture, d'expliquer que tous ceux élus avec le PS ou LR sont nuls ou incompétents. Si les sortants ont un bilan, on l'évalue. S'ils n'ont pas de bilan, on proposera une nouvelle politique.

Au fond, En marche sert-il à autre chose qu'à préparer la réélection d'Emmanuel Macron en 2022?
Il lui appartiendra de décider s'il est candidat ou pas.

En doutez-vous vraiment?
Le moteur d'Emmanuel Macron n'est pas sa réélection. Je le connais assez pour savoir que, contrairement à tous les autres présidents, s'il a le sentiment qu'il a suffisamment transformé le pays, il peut parfaitement dire qu'il ne se représentera pas. Je ne sais pas si c'est le plus probable. Ce qui est certain, c'est que la réussite d'Emmanuel Macron est essentielle pour éviter que demain amène la victoire des populistes.

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