Les pêcheurs de la Côte d'Opale en guerre contre la pêche électrique

De temps en temps, les pêcheurs retrouvent dans leurs filets des poissons abîmés, qui présentent des marques de brûlures qui pourraient provenir des électrodes des chalutiers néerlandais. ©Radio France - Rosalie Lafarge
De temps en temps, les pêcheurs retrouvent dans leurs filets des poissons abîmés, qui présentent des marques de brûlures qui pourraient provenir des électrodes des chalutiers néerlandais. ©Radio France - Rosalie Lafarge
De temps en temps, les pêcheurs retrouvent dans leurs filets des poissons abîmés, qui présentent des marques de brûlures qui pourraient provenir des électrodes des chalutiers néerlandais. ©Radio France - Rosalie Lafarge
Publicité

Le Parlement européen doit donner aujourd'hui son avis sur la pêche électrique. Technique très utilisée par les Pays-Bas, elle consiste à électriser les poissons cachés dans les fonds, pour les faire remonter dans les filets. Pour les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer, elle serait une catastrophe.

La Commission de la pêche du Parlement européen doit se prononcer cet après-midi sur la pêche électrique. Pour l'instant, l'Union européenne ne l'autorise que par dérogation et à titre expérimental.

Très utilisée par les Pays-Bas, cette technique consiste à électriser les poissons cachés dans les fonds, pour les faire remonter dans les filets.

Publicité

Et pour les pêcheurs de Boulogne-sur-Mer que Rosalie Lafarge a rencontrés généraliser la pêche électrique serait une catastrophe. Elle génère déjà beaucoup de tensions en mer du Nord.

D’année en année, les caisses des pêcheurs de Boulogne-sur-Mer sont de moins en moins remplies au retour de la pêche.
D’année en année, les caisses des pêcheurs de Boulogne-sur-Mer sont de moins en moins remplies au retour de la pêche.
© Radio France - Rosalie Lafarge

Pour Florent Lommel, par exemple :

Il n'y a plus de poisson. Les Néerlandais ont tout flingué. Ils ont des engins énormes. Énormes, énormes, qui envoient des électrodes dans le fond et qui font remonter tout le poisson dans le chalut : soles, cabillauds, turbots, tout ! Faut voir ! Franchement, il faut le voir pour le croire, c'est fou ! Moi, j'ai démarré avec mon père, on allait là, à la sortie du port et il y avait du poisson pour tout le monde. 

Les pêcheurs français sont contraints d'aller de plus en plus loin pour espérer revenir avec quelque chose à présenter sur les étals des Aubettes, le marché aux poissons du premier port de pêche de France.

Olivia Lommel l’assure, elle a de moins en moins de poissons à vendre. Les poissons plats, en particulier, se feraient de plus en plus rares.
Olivia Lommel l’assure, elle a de moins en moins de poissons à vendre. Les poissons plats, en particulier, se feraient de plus en plus rares.
© Radio France - Rosalie Lafarge

Ces étals qui seraient de moins en moins fournis d'après Olivia Lommel qui vend la pêche de son mari :

Il nous manque pas mal de poissons. Rien que la sole, on en voit beaucoup moins. Tout ce qui est poisson plat, cela devient catastrophique ! Et notre chiffre d'affaires cette d'année est divisé par deux par rapport à l'an dernier.

Sans compter que, parfois, on retrouve dans les filets français des poissons abîmés, aux colonnes vertébrales fracturées ou avec d'étranges marques de brûlures.

Cela fait une tâche rouge de sang sur la chair. Donc ce n'est pas vendable, ça vaut rien ! On suppose que cela vient de ces bateaux là en fait.

D'après les Pays-Bas, la pêche électrique préserverait l'environnement

Mais l'inventeur néerlandais de la méthode l'assure : la pêche électrique n'est dangereuse ni pour les poissons visés, ni pour tous les autres organismes vivants.

Le port de Den Helder, ici en septembre 2015, est le berceau de la pêche électrique
Le port de Den Helder, ici en septembre 2015, est le berceau de la pêche électrique
© Maxppp - Ton Koene

Et toujours selon les Pays-Bas, la pêche électrique permettrait même de préserver l'environnement. Car en pêchant plus et donc plus vite on consommerait 20 à 40% de carburant de moins qu'un chalutier classique. Représentant des fileyeurs des Hauts-de-France, Stéphane Pinto entend cet argument. Mais pour celui qui est également vice-président du comité régional des pêches :

La problématique est qu'ils n'ont aucune connaissance scientifique sur le bien et le mal de cette technique. Sur les alvins, sur les oeufs et d'autres espèces. À partir du moment où cela explose le dos de cabillaud, imaginez les bébés et le reste ! On a aucun retour concernant la pérennité de la ressource.

Aucun bilan indépendant

Après 10 ans d'expérimentation, principalement aux Pays Bas, aucun bilan indépendant n'a été fait. Impossible d'assurer, scientifiquement, que la technique est néfaste. Mais cela ne fait pas de doute pour Karima Delli. L'eurodéputée écologiste du Nord ouest voit dans la pêche électrique un non sens, encouragé par les lobbies :

On marche sur la tête parce que l'on est dans des visions, et notamment des lobbies, à court terme. Le court terme se résume à faire du profit ! Ce n'est pas de savoir si c'est bon pour la planète ou pour nos fonds marins. Donc maintenant il faut siffler la fin de la récré, les eurodéputés sont là pour représenter les citoyens, et pas les industriels !

Pour afficher ce contenu Twitter, vous devez accepter les cookies Réseaux Sociaux.

Ces cookies permettent de partager ou réagir directement sur les réseaux sociaux auxquels vous êtes connectés ou d'intégrer du contenu initialement posté sur ces réseaux sociaux. Ils permettent aussi aux réseaux sociaux d'utiliser vos visites sur nos sites et applications à des fins de personnalisation et de ciblage publicitaire.

"On est allé trop loin dans la surexploitation d'une ressource qui se porte vraiment mal aujourd'hui"

L'association Bloom est particulièrement active dans ce combat. Par le biais notamment d'une pétition, elle demande à chacun de ne pas laisser les océans se transformer en déserts. Sa fondatrice Claire Nouvian, interrogé par Véronique Rebeyrotte, estime que l'"on s'est acheté la paix avec les Néerlandais en leur permettant d'équiper d'électrodes leurs chaluts, de façon à ce qu'ils rentrent dans leurs dépenses."  :

"On a clairement une surcapacité de pêche évidente et il faudrait ramener l'outil de production à la possibilité de la ressource !"

1 min

En fait, il n'y a plus assez de poissons en Europe, et trop de bateaux. Donc, cela devient vraiment dur de remplir ses filets et ces types là sont obligés de trouver tous les artifices technologiques possibles pour déloger les poissons de façon rapide et efficace. Parce que sinon, ils sont en perte économique nette.

Les pêcheurs de la Côte d'Opale affirment eux qu'ils n'ont plus grand chose à perdre. Si l'Union européenne généralise la pêche électrique, ils menacent de bloquer le port de Calais.

L'équipe