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Existait-il un agent double dans le camp de François Fillon pour la présidentielle ?

François Fillon et son épouse Pénélope lors du meeting du Trocadéro le 5 mars 2017.
François Fillon et son épouse Pénélope lors du meeting du Trocadéro le 5 mars 2017. © Philippe Wojazer/Reuters
Bruno Jeudy , Mis à jour le

Dans son livre «Déflagration» (Robert Laffont), l’ex-directeur de la campagne de François Fillon Patrick Stefanini révèle le rôle trouble de François Sureau, avocat et ami du candidat, qui a écrit les statuts d'En Marche !

Patrick Stefanini a fini sa thérapie. L’ex-directeur de la campagne de François Fillon a éprouvé le besoin d’écrire, de se confier à la journaliste Carole Barjon pour comprendre pourquoi le ciel lui était tombé sur la tête. Pourquoi lui, le « soldat », le préfet et conseiller d’Etat taiseux voire timide, avait plaqué le candidat Fillon en pleine campagne ? Pourquoi l’homme des campagnes gagnantes de Jacques Chirac en 1995 et 2002 avait coupé, selon son expression, la cordée filloniste le 3 mars jour de la manifestation du Trocadéro ?

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Dans son livre «Déflagration»* dédié aux députés sortants battus en juin 2017, Patrick Stefanini livre un récit de ses (presque) quatre années passées au côté de l’ancien Premier ministre. Il refait le match. Mieux, il enquête. Et ses trouvailles surprendront les électeurs de droite, fillonistes ou pas. Son récit prend la forme d’un puzzle qui met en place petites et grandes choses. Et qui forme à l’arrivée un terrible tableau de cette campagne dont on comprend qu’elle devient impossible à partir du 24 janvier, jour des révélations du «Canard Enchaîné» sur les emplois de Pénélope Fillon.

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Ce jour-là, le candidat et son équipe tirent les rois au QG de campagne. La fève est… un chat noir. La scoumoune ne quittera plus le camp filloniste. Patrick Stefanini découvre l’affaire ce 24 janvier. Il découvrira plus en tard en interrogeant les proches du candidat que certains avaient les informations avant. Il cite la conseillère en communication Myriam Levy (« ça devait finir par sortir » aurait-elle dit selon Gilles Boyer, cité par Stefanini). Une version qui ne correspond pas à ce que Myriam Lévy a toujours expliqué, à savoir qu’elle avait été contactée par «Le Canard Enchainé» au dernier moment. Mais la vraie révélation vient de Gérard Larcher qui confiera à Stefanini, le 10 juillet, bien après la campagne donc, que François Fillon lui avait dit « avant Noël, je suis interrogé sur l’emploi de mon épouse à la Revue des Deux Mondes ». Avec le recul, l’ex-directeur de campagne continue de croire que l’affaire était surmontable. Encore aurait-il fallu du temps pour adopter une « stratégie de communication plus efficace ».

François Sureau est l’auteur du discours du Trocadéro, révèle Patrick Stefanini

Mais l’enquête de Stefanini ne s’arrête pas là. Il révèle le rôle trouble de François Sureau, avocat et ami du candidat. Dès le début du livre, l’auteur raconte donc les journées qui ont précédé la manifestation du Trocadéro et ce moment où Fillon a failli abandonner la campagne. Le 28 février, lorsque le candidat apprend qu’il est convoqué par les juges en vue d’une mise en examen, il lâche « ça, ça change beaucoup les choses ». En quittant le QG vers 22h45, il prévient Stefanini et sa garde rapprochée : « Je vous dirai demain matin, après en avoir discuté avec mon épouse, si je maintiens ou pas ma candidature. » Le lendemain, dès potron-minet, Stefanini, lui confie sa conviction : « François, ça va être difficile. » Fillon : « Patrick, qu’est-ce-que ça veut dire ? Tu penses qu’il faut que je m'arrête ? » Et le directeur de campagne de lâcher : « Oui. » En fin de matinée, Fillon fait revenir son équipe de campagne.

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Dans le bureau, il y a François Sureau qui a préparé un texte dans la nuit, écrit le directeur de campagne, qui aurait à peine le temps de le lire mais imposera le retrait de « quelques formules qu’il juge excessives. » Le texte est, selon lui, « trop agressif à l’égard de la justice ». Stefanini comprend que la campagne bascule et estime que le candidat n’a plus besoin de lui. Il laisse la place aux hommes de l’ombre. A commencer par François Sureau dont il révèle qu’il est l’auteur du discours du Trocadéro. C’est François Fillon, raconte-t-il, qui le lui a dit, cinq jours après le rassemblement de ses partisans sur la place parisienne. « Dans la nuit du samedi au dimanche, François Sureau lui avait envoyé son propre discours plus offensif, destiné à galvaniser des milliers de militants », écrit-il. 

« Le plus étrange, poursuit-il, c’est que l’homme qui avait rédigé le discours qu’ils allaient applaudir avec force, penche et pense plutôt à gauche. » Plus étonnant encore, François Sureau apprend-on, est le rédacteur des statuts d’En Marche ! lancé en avril 2016. Il y aurait donc un agent double dans la campagne de Fillon. Ce que Stefanini ne veut pas croire tout en s’interrogeant : « La seule question intéressante, au fond, est de savoir si François Fillon connaissait les liens de François Sureau avec l’équipe d’Emmanuel Macron, et si c’est en toute connaissance de cause qu’il a choisi de suivre les conseils de maintien de sa candidature ».

Un candidat solitaire

Dans ce livre-réquisitoire, l’auteur dépeint un candidat solitaire qui cultive à l’extrême le gout du secret, capable de disparaître vingt-quatre heures sans que personne ne puisse le joindre. Stefanini pointe son gout pour le luxe. Il rapporte ce conseil que lui avait livré en 2013 le chiraquien Bertrand Landrieu, ancien chef de cabinet de Joël Le Theule, premier mentor du jeune Fillon : « Sache cependant une chose : François Fillon est un hédoniste… » Patrick Stefanini conclut sa longue thérapie, dans laquelle il n’épargne pas non plus son ami Alain Juppé et égratigne Nicolas Sarkozy, par un chapitre consacré à l’avenir de la droite. Une droite, selon lui, brisée « politiquement, humainement et idéologiquement ». Dans le camp Fillon, l’ancien candidat réfléchissait à riposter pour démentir notamment un certain nombre de faits développés par son ancien directeur de campagne. Deux hommes qui ne sont plus jamais reparlés depuis le 8 mars dernier.

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©

«Déflagration» de Patrick Stefanini
Editions Robert Laffont

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