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Alain Rey : « Faire changer une langue, c’est un sacré travail ! »

Le linguiste et lexicographe revient sur les récentes controverses autour de la place ­du féminin dans le français. En fin de compte, rappelle ­cet amoureux des mots, « c’est l’usage qui a raison ». ­

Propos recueillis par 

Publié le 23 novembre 2017 à 05h53, modifié le 29 novembre 2017 à 16h27

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Alain Rey, à son domicile à Paris, le 17 novembre.

Linguiste et lexicographe, Alain Rey a longtemps présidé aux destinées du dictionnaire Le Robert. Cet amoureux des mots, qui a publié plus d’une vingtaine d’ouvrages, revient sur les controverses consacrées à la féminisation de la langue française : faut-il, pour rendre les femmes plus visibles, adopter la féminisation des noms de métiers, l’accord de proximité et le point médian (comme dans « député·e·s ») ? Mercredi 22 novembre, le premier ministre, Edouard Philippe, a banni l’écriture dite inclusive des textes destinés à être publiés au Journal officiel. « Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l’Etat doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme », argue le chef du gouvernement.

Le débat sur l’écriture inclusive provoque de véritables guerres idéologiques : l’Académie française estime qu’elle représente un « péril mortel » pour la langue française. Comment expliquer la violence de ces controverses ?

Le caractère belliqueux du débat sur la langue est normal, mais il est particulièrement aigu en France, car, dans ce pays, l’unité linguistique ne s’est pas faite toute seule : elle est le fruit d’une volonté politique qui, au fil des siècles, a toujours engendré de violentes bagarres. Aujourd’hui, le français est à peu près unifié, mais la crainte de la diversité linguistique est encore très vivante dans les esprits : un simple changement de panneau de signalisation – un nom de lieu inscrit en flamand à Lille, en breton dans le Finistère ou en basque près d’Hendaye – suscite de vraies batailles rangées, comme si l’unité du français était menacée.

Si l’on veut comprendre ces querelles autour de la langue, il faut se souvenir que la France est un domaine linguistique qui réunit trois familles différentes : la langue d’oïl, qui est devenue le français général, l’occitan, comme le gascon, le béarnais ou le provençal, et des langues qui ne viennent pas du latin comme le breton, le flamand ou le basque. En France, le passage à ce que, depuis Dante, on appelle la langue « vulgaire », c’est-à-dire, et sans aucune péjoration, la langue naturelle et spontanée, a été très tardif. C’est en partie pour cette raison que Richelieu, au XVIIe siècle, a créé l’Académie française.

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Au Haut Moyen Age, il y avait sur le territoire un mélange extraordinaire de langues. Le latin a fini par prendre le dessus, mais le mouvement qui a ensuite consisté à se débarrasser du latin a été une très longue affaire : quand Descartes a publié le Discours de la méthode en français, au XVIIe siècle, c’était une petite révolution !

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