La Banque Postale face au tsunami de 27 milliards d'euros de liquidités du Livret A
Le gouvernement a supprimé la possibilité pour les banques de centraliser l'ensemble de leurs dépôts du Livret A à la Caisse des dépôts. La Banque Postale va récupérer une masse de liquidités dont elle ne sait que faire.
Par Sharon Wajsbrot
Il est loin le temps où les banques se battaient pour récupérer les avoirs du Livret A , centralisés pour partie à la Caisse des Dépôts (CDC). A cause du coût de ce placement réglementé, dont le taux, à 0,75 %, s'est largement écarté des taux d'intérêt sur les marchés, la situation est même désormais inverse. « Tout d'un coup ce placement qui était demandé par tous, plus personne n'en veut ! », résume un banquier. A tel point que l'Etat a dû légiférer pour couper court aux velléités des banques de reverser l'ensemble de leurs dépôts logés sur des Livret A à la Caisse des Dépôts.
Ajoutée discrètement au projet de loi de finances 2018 , sous forme d'amendement, la mesure prohibe toute centralisation des dépôts des Livret A et des Livret de développement durable et solidaire (LDDS) à la CDC, au-delà du seuil de 60 % des avoirs collectés par chaque établissement.
Entre 2 et 10 ans pour récupérer les dépôts du livret A
Cette mesure était demandée de toute urgence par la CDC, qui craignait de voir affluer d'un seul coup 120 milliards d'avoirs, de nature à dégrader ses résultats et ses fonds propres. Mais elle ne ravit pas les banques. Celles qui avaient pris la décision de centraliser 100 % de leurs Livret A et LDDS à la CDC vont en en effet pâtir : elles devront assumer le coût de la rémunération de 40 % des dépôts des Livret A qu'elles avaient sortis de leurs bilans. Selon nos informations, le Crédit du Nord, LCL, certaines Banque Populaires, BNP Paribas et La Banque Postale sont dans ce cas. Ces établissements auront entre 2 et 10 ans pour récupérer leurs avoirs.
La Banque Postale sera de loin le plus touchée : la filiale de La Poste est l'un des établissements collecteurs historiques du Livret A. A elle seule, elle va récupérer 27 milliards d'euros de dépôts ! « C'est gigantesque. Cette somme va être extrêmement difficile à replacer à des taux de marchés intéressants : les taux d'emprunts d'Etat à 5 ans n'atteignent pas les 0,75 % auxquels il faut rémunérer les Livret A », détaille un connaisseur du dossier.
Un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros pour La Banque Postale
Par ailleurs, ces liquidités seront soumises à des obligations d'emploi en faveur des PME, à l'instar de celles qui avaient déjà été reversées aux bilans des banques. Autrement dit, les banques qui les récupéreront devront en utiliser au moins les trois-quarts pour attribuer de nouveaux prêts aux PME. Or, à La Banque Postale, il ne fait aucun doute qu'une telle somme ne pourra pas être prêtée aux PME, même en dix ans. Fin 2016, la banque revendiquait un encours de prêts aux personnes morales de 14,4 milliards d'euros, en majorité constitué de prêts aux collectivités locales.
Dans ce contexte, les banques ont obtenu l'absence de sanctions des pouvoirs publics en cas de non-respect de cette obligation de prêts aux PME. Il reste que d'ici à 2019, avec un taux du Livret A gelé à 0,75 %, le coût de cette réforme s'élèverait, selon une source proche du dossier, à plusieurs dizaines de millions d'euros pour La Banque Postale. Au-delà ? Tout dépendra de la nouvelle formule de taux du Livret A et du contexte de taux d'intérêt.
Sharon Wajsbrot