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ALLEMAGNE

Le gouvernement allemand empoisonné par son vote sur le glyphosate

Le vote allemand en faveur de l’autorisation pour cinq ans du glyphosate dans l’UE lundi est venu envenimer le débat politique en Allemagne, attisant les tensions entre CSU et SPD alors qu'Angela Merkel tente de constituer une fragile coalition.

Le ministre de l'Agriculture allemand et membre du parti chrétien-social CSU, Christian Schmidt.
Le ministre de l'Agriculture allemand et membre du parti chrétien-social CSU, Christian Schmidt. Jörg Carstensen, DPA, AFP (archives)
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Mais quelle mouche a donc piqué Christian Schmidt, ministre allemand de l’Agriculture ? Le conservateur affirme avoir "pris la décision tout seul" de voter, lundi 27 novembre, en faveur du renouvellement pour cinq ans de l'autorisation du glyphosate par l'Union européenne, alors qu’il était supposé s’abstenir. Le ministre, originaire de Bavière, l'une des régions les plus agricoles d'Allemagne, s’est justifié par le fait que la Commission européenne aurait, selon lui, probablement renouvelé l'autorisation de cet herbicide controversé pour une période plus longue s'il s'était abstenu.

Un geste lourd de conséquence à l’échelle européenne, puisque c’est en grande partie son revirement à Bruxelles qui a permis d’accorder cette fois le feu vert au glyphosate. Jusqu’ici, Berlin s’était toujours abstenu sur le sujet.

Pour Caroline de Camaret, spécialiste des questions européennes chez France 24, la décision du ministre allemand obéit à "des intérêt économiques très importants avec le groupe pharmaceutique allemand Bayer qui s’apprête à prendre le contrôle de Monsanto – producteur de glyphosate –, ainsi qu’un second groupe allemand, BASF, spécialisé dans les herbicides, l’idée étant de protéger l’écoulement des stocks qui va durer sur plusieurs années".

Sur le plan intérieur, la décision unilatérale de Christian Schmidt, membre du parti chrétien-social (CSU) [parti frère de la CDU actif exclusivement en Bavière] a provoqué un tollé dans les rangs du Parti social-démocrate (SPD), et ce, au plus mauvais moment pour Angela Merkel. La chancelière et son parti chrétien démocrate (CDU) tentent de convaincre les socio-démocrates d'entamer des discussions, en vue de former une nouvelle coalition gouvernementale, mais ils sont pris en étau, entre leur allié traditionnel, la CSU, à droite, et le SPD, à gauche.

Or, les réactions ne se sont pas fait attendre du côté socio-démocrate. La ministre SPD de l'Environnement, Barbara Hendricks a immédiatement accusé son collègue de l'Agriculture d'avoir "rompu" un accord entre eux prévoyant que l'Allemagne s'abstienne lors du vote. Elle affirme avoir expliqué à Christian Schmidt dans la matinée son opposition à cette prolongation de cinq ans, au nom de la protection de l'environnement et la santé.

"La balle est dans le camp de la chancelière"

"La balle est dans le camp de la chancelière", a tempêté Barbara Hendricks. "[Angela Merkel] doit faire quelque chose pour rétablir la confiance. On ne peut pas gouverner comme cela. Ça ne marche pas" a poursuivi la ministre SPD.

"C'est un événement sans précédent", a réagi pour sa part la cheffe du groupe parlementaire SPD, Andrea Nahles. "Je considère cela comme un abus de confiance", s’est-elle indignée. Cette "décision étrange", prise par le ministre de l'Agriculture soulève la question de savoir si Angela Merkel a encore ses troupes "sous contrôle", a-t-elle déploré.

Sommée de réagir, Angela Merkel a pris son temps avant de finir par tancer son ministre de l’Agriculture mardi en fin de journée. La chancelière a précisé s'être entretenue avec Christian Schmidt et insisté sur le fait qu'"un tel incident" ne devait "pas se répéter", sans toutefois évoquer de sanction à son encontre. Le vote à Bruxelles "n'a pas correspondu à la position sur laquelle le gouvernement s'était mis d'accord", a-t-elle confirmé.

>> À lire sur France 24 : "Prêt à négocier, le SPD refuse d'être instrumentalisé par Merkel"

Le SPD gagne des points dans les négociations

Interrogée par France 24, la spécialiste de l’Allemagne, Isabelle Bourgeois, ne s’explique pas la décision du ministre de l’Agriculture. "Normalement, ça ne se pratique pas du tout : c’est contraire à la responsabilité collective qu’on engage dans une coalition". Toutefois, la chercheuse au Centre d'information et de recherche sur l'Allemagne contemporaine à l'université de Cergy émet plusieurs hypothèses à ce revirement : "Il se peut qu’il ait voulu défendre des intérêts agricoles bavarois ou bien lancer une pique envers la possible grande coalition. Il se peut aussi que ce geste vise à montrer que la CSU a son mot à dire et à se positionner pour des négociations à venir en vue de la constitution de la coalition".

Pourtant, l’initiative du conservateur Christian Schmidt pourrait avoir l’effet inverse. "Cette affaire peut finalement tourner à l’avantage du SPD, car elle peut être une manière de faire monter les enchères", indique la spécialiste. Le SPD, qui avait d’abord refusé de participer une nouvelle fois à un gouvernement aux côtés des conservateurs, a finalement accepté vendredi d’entamer de nouveaux pourparlers. "Les sociaux-démocrates peuvent maintenant faire valoir qu’ils font de 'grandes concessions' en acceptant de s’allier à une CSU qui leur joue des tours dans le gouvernement", résume Isabelle Bourgeois.

Quoi qu’il en soit, pour la chercheuse, l’affaire du glyphosate ne risque pas de faire capoter les négociations en cours, "elle va juste les complexifier davantage et sans doute faire monter les enchères".

Avec AFP et Reuters

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