La SNCF transforme ses gares franciliennes en quartiers de ville
Offre de restauration, pressing, beauté, Relais Colis… Les gares d'Ile-de-France, qui voient transiter 5 millions de personnes par jour, testent de nouveaux commerces et services. 70 start-up s'y sont implantées. En cas de succès, elles se déploient sur tout l'Hexagone.
Il est 18 h 30 gare Magenta, à deux pas de la gare du Nord, à Paris. C'est l'heure de pointe, le va-et-vient des voyageurs vers le RER E est continu. Une quinzaine de personnes font la queue devant un étal regorgeant de légumes, fruits, pains, produits laitiers, qui viennent d'être livrés par des producteurs locaux. Ils ont passé commande sur le site Market & Station, déployé il y a un an et demi par la Ruche Qui Dit Oui, le spécialiste du circuit court, et SNCF Gares & Connexions. Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) et Versailles-Montreuil (Yvelines) ont servi de gares tests, et la sauce a pris. D'ici à la fin de l'année, La Ruche Qui Dit Oui aura implanté 70 points de vente dans les gares (sur 750 ruches au total dans l'Hexagone). 30 ou 40 suivront en 2018. « Un tiers des ruches installées y sont venues après avoir déménagé, car les gares permettent d'avoir une grande visibilité », explique Marc-David Choukroun, cofondateur de la Ruche Qui Dit Oui.
Les gares d'Ile-de-France sont pour nous des laboratoires
Gare Magenta, les voyageurs peuvent aussi, au saut du train, faire repriser leurs vêtements à la conciergerie Quatre Epingles, profiter des services de bricolage de Stootie ou, le matin, emporter un petit-déjeuner de chez Goji. Quelques mois auparavant, c'est la gare Pont-Cardinet qui avait mué, la première, en « quartier de ville », proposant les services de huit start-up.
Communauté de start-up
Depuis deux ans, la SNCF a choisi de transformer ses gares franciliennes en lieux de test pour des nouveaux concepts de commerces et de services. En cas de succès, ils sont ensuite déployés dans tout le réseau parisien et régional. La stratégie du groupe vise à faire des gares, selon ses termes, des « city boosters », dotés de commerces, d'une offre culturelle, de restaurants, et non plus uniquement des lieux de passage.
Les petites gares d'Ile-de-France sont un terrain idéal : flux intenses - 5 millions de clients y transitent chaque jour -, vaste foncier au sein des 384 gares. Certains concepts ont fait leurs preuves : Nos Grands-Mères ont du Talent, Monsieur Bonape, Les Commis, ou Foodchéri, dans l'alimentation, Needelp, Quatre Epingles, Stootie dans la conciergerie ou le dépannage, Einaï dans la beauté.
Aujourd'hui, quinze gares proposent des services. Elles seront une quinzaine de plus à tester des concepts l'an prochain. « La communauté 'gare partagée' compte environ 70 start-up », détaille Muriel Dugue-Vossart, responsable de la valorisation du patrimoine des gares d'Ile-de-France.
Nos Grands-mères ont du Talent : les plats de mamie au saut du train
Blanquette de veau, pintade sautée au porto, tarte aux pommes…Après les gares de Clamart (92), Saint-Quentin-en-Yvelines (78) et Colombes (92), la roulotte bleue illustré d'effigies de sympathiques papies et mamies, propose ses bons petits plats d'antan dans la gare Montparnasse depuis février 2017. Créé en 2015 par Arthur Juin et Jean de Guerre, deux entrepreneurs de 27 ans, Nos Grands-Mères ont du Talent est né dans les gares. « Au départ, notre idée était de vendre dans un food-truck, mais les contraintes d'emplacement étaient trop compliquées » explique Arthur Juin. Le concept : faire revivre les recettes de nos grands-mères. Avec une originalité, recruter principalement des seniors. Sur les dix salariés actuels, six ont plus de 45 ans. Les recettes sont élaborées avec l'aide de grands-parents, dénichées lors des ateliers cuisine au siège, à Issy-les-Moulineaux, et d'un chef cuisinier. Elles sont ensuite élaborées par des traiteurs et vendues moins de dix euros. La start-up a grandi. «Nous avons désormais la stabilité financière, et la capacité pour assurer des services sans coupure et en grande quantité » relève Arthur Juin.
Consignes automatiques
Pour trouver ces pépites, la SCNF a lancé cet été la troisième édition de son appel à projets « Challenge gares partagées ». En juin, 34 porteurs de projet ont été sélectionnés sur les 70 candidats, et leur concept affiné pendant trois jours sur 36 gares franciliennes. La SNCF fournit le mobilier, loue les espaces publics et prend une commission sur l'activité. Ce peut être une redevance forfaitaire pour leur permettre de mettre le pied à l'étrier ou un pourcentage du chiffre d'affaires dès que l'activité décolle. C'est avec les consignes automatiques Collect & Station que le groupe a introduit en 2015 un côté « coeur de ville » à ses gares. Ce partenariat noué avec La Poste permet d'y retirer ses colis. Il suffit de cliquer lors d'un achat sur un des 6.500 sites marchands partenaires sur l'option Pickup Station de la gare de son choix. 250 consignes seront installées d'ici à la fin de l'année. Et plus d'une centaine d'espaces connectés, équipés de prises électriques et de connexions wi-fi gratuites doivent être aménagés d'ici à la fin de l'année.
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Des crèches en gare
Certains concepts n'ont pas pris. Le coiffeur Beauty Bubble, qui vante la coupe express, s'est replié dans les centres commerciaux. La conciergerie démarre lentement. « Partir prendre son train avec ses chaussures et son costume à la main n'est pas entré dans les habitudes des voyageurs » reconnait Julien Van Hoeylandt, co-fondateur de Quatre Epingles. Créée en mars 2014, la conciergerie digitale, positionnée d'abord sur les entreprises, est présente à Pont-Cardinet, Magenta, et à la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne). La greffe prend lentement. « Pour l'instant, notre activité en gare, qui représente 2% de notre chiffre d'affaires, n'est pas rentable, mais le potentiel est immense » affirme le dirigeant. Le best of reste l'alimentation (plats, produits frais, restauration), qui représente 25 % de l'offre en gare. Bientôt, le voyageur pourra y laisser ses enfants. La SNCF travaille sur un concept de crèches modulaires avec des opérateurs (Babilou, Câlins Matins, Les Chérubins…). Une dizaine de sites sont à l'étude. Le pionnier ouvrira en septembre 2018 à Dammartin-Juilly-Saint-Mard (Seine-et-Marne).
Marion Kindermans (@MaKindermans)