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Paranoïa

Mobilisation au siège de Castorama : la direction se barricade

A l'occasion de la mobilisation des salariés de l'enseigne de bricolage contre un plan de délocalisation, vendredi à Templemars, les dirigeants du siège ont prévu un dispositif de sécurité largement disproportionné, rédigé dans un document auquel «Libération» a eu accès.
par Stéphanie Maurice, correspondante à Lille
publié le 1er décembre 2017 à 18h38

Au siège de Castorama, ce vendredi a été placé sous le signe de la paranoïa et de la peur des syndicats. Alors que ceux-ci avaient annoncé une journée d’action pour protester contre la délocalisation des services comptabilité en Pologne, avec à la clé un plan social qui pourrait concerner 750 personnes, la direction a décidé de placer son bâtiment de Templemars, dans la banlieue de Lille, en état de siège.

Un plan interne à l'entreprise, que Libération a pu consulter, détaille ainsi le rôle de chacun, les moyens déployés, les contrôles aux entrées. Extrait : «Si infractions sur des biens et des personnes (dégradations, violences) : le responsable fait intervenir les huissiers pour les constats. Il prévient la police en faisant prioritairement le 17 ; puis le commissariat de Wattignies et le commandant de police de la préfecture et demander (sic) le commandant S.D. déjà prévenu ainsi que les services de police et de la mairie.» Au programme également : maîtres-chiens, vigiles, cellules de crise avec bouteilles d'eau, biscuits et fruits, et avocat prêt à intervenir si une infraction est commise.

«La violence n’est pas notre philosophie»

Tout cela pour une centaine de manifestants, tous syndicats confondus, qui se sont contentés de distribuer des tracts et faire signer des pétitions au rond-point, à l'entrée du parc d'activités. Certes, ils se sont ensuite postés sur le parking, à moitié désert. La faute à la neige et au verglas, mais aussi aux consignes données aux salariés. «Ils leur ont dit de ne pas venir, car leurs voitures risquaient d'être brûlées, s'agace Jean-Paul Gathier, le délégué central FO. Mais la défense de l'emploi, ce n'est pas comme cela qu'on l'envisage, la violence n'est pas notre philosophie.» Et de préciser que l'entreprise a déjà connu plusieurs mouvements sociaux, sans aucun antécédent de casse. «Ils se sont mis dans des états hallucinants», soupire le syndicaliste.

Nicolas Euzenot, le délégué central CGT, trouve, lui, le message inquiétant : «On assimile les syndicats aux casseurs.» Lui retient, dans la liste des recommandations, le conseil donné aux dirigeants de ne pas venir avec leur voiture de fonction, ou de la garer plus loin. «Ils ont peur qu'on vienne rayer leur voiture ?» Jean-Paul Gathier ironise : «On le sait qu'ils ont un budget de 60 000 euros pour en acheter une, c'est pour cela qu'ils ont tous des Audi.»

«Les entrées et les sorties étaient contrôlées heure par heure»

L'intersyndicale a tout de même demandé des explications face à ce déploiement de sécurité : «Soi-disant qu'ils avaient peur qu'on soit infiltrés par des groupuscules d'extrême droite», s'étonne Jean-Paul Gathier. «Ils seraient venus d'Hénin-Beaumont», la ville du Pas-de-Calais dirigée par un maire Front national, pouffe Nicolas Euzenot. Tous deux trouvent l'hypothèse invraisemblable : «Ils nous voient régulièrement dans des réunions, ils nous connaissent.»

Euzenot souligne la pression mise, mine de rien, sur les salariés : «Les entrées et les sorties étaient contrôlées heure par heure, pour que les gens ne sortent pas, ne débrayent pas.» Pour Jean-Paul Gathier, ce déploiement de force surdimensionné trahit une vraie appréhension : «Ils refusent de donner la moindre information, ils ne confirment même pas le nombre de postes concernés. C'est cela qui est violent, et ils en ont conscience.» Et de conclure, un brin amer : «Ils ont peur de la prendre en retour, cette frustration des salariés.» Contactée par Libération, la direction de Castorama a déclaré que «le nombre et la provenance des manifestants n'étant jamais connus à l'avance, il est de notre responsabilité de mettre en place les mesures qui s'imposent».

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