Robert Badinter ovationné à la prison de Villepinte

Robert Badinter a répondu à l’invitation de détenus du module Respect à la maison d’arrêt de Villepinte. Il est reparti ovationné.

 Villepinte, lundi 4 décembre. Robert Badinter a accepté l’invitation de détenus du module Respect, à la prison de Villepinte. Il a parlé pendant plus d’une heure du combat abolitionniste avant de répondre aux questions des détenus.
Villepinte, lundi 4 décembre. Robert Badinter a accepté l’invitation de détenus du module Respect, à la prison de Villepinte. Il a parlé pendant plus d’une heure du combat abolitionniste avant de répondre aux questions des détenus. LP/Carole Sterlé

    Rarement le silence a été aussi long à la prison de Villepinte. Assis en rangs, une centaine de détenus écoutent l'invité du jour leur parler d'un sujet inattendu : Victor Hugo! L'homme qui tient l'auditoire, pendant plus d'une heure, debout, avec quelques fiches, est Robert Badinter. Il a le physique frêle de ses 89 ans, annonce qu'il est « un peu sourdingue », mais n'a rien perdu de sa fougue de défenseur des droits de l'homme, comme ce matin de 1981 où il a monté les marches de l'Assemblée nationale pour faire abolir la peine de mort en France.

    « Il est un droit qu'aucune loi ne peut entamer, le droit de devenir meilleur », explique l'ancien garde des Sceaux de François Mitterrand.

    Ce sont les détenus du module Respect qui l'ont invité. Ce programme offre à 185 détenus (sur un millier) davantage de libertés entre les murs, à condition qu'ils s'engagent dans un programme d'activité. L'atelier qui invitait ce lundi organise des conférences sur la justice. Parmi eux, quelques doyens, dont Eddie, 65 ans. « On a expliqué aux plus jeunes que c'est lui qui a introduit la télé dans les prisons et que s'ils peuvent embrasser leur femme et leur mère, c'est aussi grâce à lui », recadre le sexagénaire, qui connaissait aussi la détention du temps de la peine de mort.

    « Je ne suis pas le défenseur des causes perdues, mais de celles que je crois justes », rectifie Robert Badinter avant de se lancer dans un long hommage au combat de Victor Hugo. Badinter ne s'arrête pas. Même pas pour prendre un verre d'eau qu'on lui apporte, _ « comme les vieux chameaux, je ne bois pas ».

    Au moment des questions, les détenus veulent parler de lui, pas de Victor Hugo. Des chances de voir abolie la peine de mort dans le monde, notamment. « Je suis convaincu que ce sera le cas. En 1981, nous étions le 35e pays à l'abolir, aujourd'hui, plus de 100 pays des Nations Unies l'ont abolie », répond l'homme de Loi qui a aussi fait dépénaliser l'homosexualité. « Le courage dont ont fait preuve les malades du sida, a permis de changer le regard du corps social. Mais la bataille n'est pas finie ajoute-t-il, on continue ailleurs à punir les homosexuels par des châtiments. »

    Dans la salle, une partie des détenus se lèvent pour l'applaudir, l'un d'eux s'avance avec une balance en bois, effigie de la justice, sculptée aux initiales RB. Beaucoup réclament leur poignée de main qu'un surveillant immortalise en photo, avant qu'il rejoigne le buffet concocté par d'autres détenus.

    « C'est un grand homme », chuchote un détenu à l'oreille d'un plus jeune, né bien après 1981. Une mesure urgente à appliquer ? « Il y en a tant ! Ce n'est pas simple, mais c'est un impératif, notre société se juge par l'état de ses prisons, considère Robert Badinter. C'est ici que se préparent les vrais lendemains de la justice ou de la violence. » Qui après lui ? « Je ne suis pas encore mort ! précise-t-il, mais il y aura toujours des hommes et des femmes pour soutenir de justes causes. » Jackson, 33 ans, l'espère : « dans nos prisons en 2017, on n'a droit qu'à 3 douches par semaine. »

    Il avait sauvé Patrick Henry de la guillotine