La contamination au mercure, jusqu’aux bancs de l’ONU

Shinobu Sakamoto, 61 ans, est atteinte de la maladie de Minamata, liée au mercure, avec sa mère, Fujie. Elle sensibilise les dirigeants de l’ONU à la pollution au mercure depuis les années 1970. [Reuters]

Sur 180 participants à un sommet de l’ONU sur le mercure, 100% avaient des traces de mercure dans les cheveux. Centrales à charbon et orpaillages seraient responsables de cette contamination.

La Convention de Minamata, mise en place grâce à l’ONU, est entrée en vigueur en août, et le premier sommet à ce sujet s’est déroulé en septembre à Genève. La contamination au mercure de représentants du monde entier y a été testée. Les résultats sont frappants.

Des échantillons de cheveux avaient été prélevés chez plus de 180 représentants de 75 pays. Plus de la moitié d’entre eux présentaient un niveau de mercure plus élevé que ce qui est considéré comme sûr par l’Agence de protection de l’environnement américaine, et du mercure a été retrouvé dans les cheveux de tous les sujets, a indiqué IPEN, l’association suédoise luttant pour l’introduction de politiques sûres quant aux produits chimiques.

Le plafond considéré comme sûr par l’Agence de protection de l’environnement américaine est d’une part par million (ppm) – soit moins que les concentrations retrouvées chez plus de 50 % des participants au test. Des niveaux plus élevés que ce plafond peuvent causer des dommages cérébraux et cardiovasculaires. Les bébés en gestation qui sont les plus affectés par les dangers du mercure.

Le taux moyen de mercure dépassait le plafond de 1 ppm chez les représentants originaires d’Europe occidentale, atteignait 2 ppm chez les responsables originaires de la région Asie-Pacifique, et 3 ppm chez ceux des petits États insulaires en développement (PEID).

« Ce groupe de représentants est bien informé sur la toxicité du mercure et les dangers qui y sont associé, mais ces connaissances ne les protègent pas », souligne Lee Bell, spécialiste du mercure et auteur de l’étude d’IPEN.

« Pour les décideurs politiques, ces résultats devraient être un rappel clair du fait que l’intoxication au mercure constitue une menace immédiate pour tous », ajoute-t-il, appelant à l’élimination des centrales au charbon et à une interdiction du mercure dans les activités minières à petite échelle.

Karolina Skog, la ministre suédoise de l’Environnement, fait partie des personnes testées. « La détection du mercure dans nos cheveux a rendu cette problématique mondiale plus proche de nous », estime-t-elle. « En tant que femme, le mercure peut bouleverser notre propre santé, mais il peut aussi être transféré à notre enfant si nous tombons enceinte. »

« La convention de Minamata nous donne les outils nécessaires. À nous de coopérer pour la faire appliquer », ajoute-t-elle.

La convention internationale anti-mercure entre en vigueur

La Convention de Minamata sur le mercure, un traité international interdisant la fabrication et le commerce de produits au mercure après 2020, est entrée en vigueur, quatre ans après sa signature. Un article de notre partenaire, Der Tagesspiegel.

Pour Marcos Alegre, le résultat est rassurant : son taux de mercure ne dépasse pas 1 ppm. Il souligne toutefois que la Convention devrait permettre à son pays de « minimiser et éliminer » l’utilisation du minerai dans l’industrie artisanale de l’or.

« Les PEID du Pacifique ne contribuent absolument pas à la pollution au mercure, mais nous sommes affectés par le dépôt dans les océans de vapeurs de mercure issues des centrales au charbon », explique pour sa part Alexander Teabro, ministre de l’Environnement de Kiribati, qui souhaite également l’interdiction de ces infrastructures.

Les centrales au charbon seraient responsables de 24 % des émissions mondiales, alors que 18 % provient de l’industrie de transformation des métaux. C’est cependant l’exploitation minière non industrielle de l’or qui rejette le plus de mercure dans l’environnement, puisqu’elle représente 37 % du total. Le mercure est en effet utilisé pour séparer l’or des roches qui l’entourent.

C’est quand elle intègre la chaîne alimentaire que la substance devient réellement problématique, en s’accumulant dans l’organisme jusqu’à atteindre des niveaux extrêmement toxiques. C’est pourquoi les PEID, dont les habitants se nourrissent d’énormément de poisson, sont aussi touchés par le phénomène.

La Convention de Minamata tire son nom d’un petit village de pêcheurs au Japon, durement frappé par la pollution au mercure relâchée par une usine voisine. Des centaines d’enfants y sont nés avec des malformations sévères et la communauté est toujours très affectée par le problème.

Shinobu Sakamoto, née handicapée suite à une intoxication in utéro, s’est rendue à l’assemblée de l’ONU, au Kenya, cette semaine. Elle y a délivré un discours pressant pour l’application de la convention. « De nombreuses personnes souffrent encore de la pollution [au mercure]. Aujourd’hui, je dois répéter mon message : la catastrophe de Minamata n’est pas finie », a-t-elle martelé.

La villageoise est devenue un symbole de la lutte contre le mercure depuis son intervention devant l’ONU, en 1972, à la conférence de Stockholm sur l’environnement. Il a fallu plusieurs décennies pour que la convention de Minamata entre en vigueur, même si la maladie de Minamata est reconnue depuis la fin des années 1950. Aujourd’hui, son efficacité est déjà mise en cause, étant donné le manque de données disponibles pour certaines des régions du monde les plus touchées.

La convention internationale anti-mercure entre en vigueur

La Convention de Minamata sur le mercure, un traité international interdisant la fabrication et le commerce de produits au mercure après 2020, est entrée en vigueur, quatre ans après sa signature. Un article de notre partenaire, Der Tagesspiegel.

Une convention sans défense

En signant le texte, les pays adhérant se sont engagés à supprimer tous les produits contenant du mercure d’ici 2020. Certains pays ont cependant reçu une dérogation spéciale repoussant ce délai à 2025.

Dans les pays développés, le mercure est surtout utilisé dans les plombages et amalgames dentaires. L’UE, qui est responsable de 4,5 % des émissions mondiales de mercure, estime qu’une interdiction totale serait « disproportionnée », étant donné les coûts supplémentaires que supposent les alternatives.

Cette semaine, une coalition d’ONG de l’environnement et de la santé ont appelé Bruxelles à revoir cette position, insistant sur le fait que le mercure utilisé en dentisterie était « facilement remplaçable ». Les ONG appellent donc à une interdiction des amalgames au mercure d’ici 2022, suite à l’interdiction promulguée en juillet pour les enfants de moins de 15 ans.

Selon les règles adoptées cette année, les amalgames au mercure seront également interdits pour les femmes enceintes ou allaitantes dès juillet 2018 et les États membres devront commencer à préparer des alternatives dans le secteur de la dentisterie. En 2020, la Commission sera obligée de faire des recommandations sur l’interdiction ou non de tous les amalgames au mercure dans le secteur, sur la base des rapports de préparation des États.

Lors de la conférence de l’ONU sur l’environnement, au Kenya, qui s’est penchée sur les pires formes de pollution, les représentants des États ont pu tester leur niveau de plomb.

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