Violences sexuelles dans le sport : témoignages en région

  • La violence sexuelle dans le sport touche toutes les orientations.
    La violence sexuelle dans le sport touche toutes les orientations. SYLVIE CAMBON
Publié le , mis à jour
Dossier réalisé par YOANN PALEJ

Le monde du sport est loin d’être épargné par ce type de déviances. La honte et la peur imposent souvent le silence. Enquête dans un club où les langues se sont déliées. 

"Ca n’arrive pas qu’aux autres !” Le cri d’alarme est signé Chantal (*), la maman de Claire, 14 ans au moment des faits, une jeune athlète licenciée dans un club de l’Hérault. En tout, ce sont deux familles qui ont accepté de briser le silence dans un milieu où l’omerta règne. “L’éducateur était déjà au club quand je suis arrivée en 2016, confie Claire. Il était très professionnel, attentif, calme, certains le voyaient comme le “messie”. Tout le monde lui faisait une confiance aveugle.”

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Le portrait type du “séducteur”, qui “tire une certaine autorité de sa compétence technique”, précise Véronique Lebar, présidente du Comité Éthique et Sport. “Il a commencé à m’envoyer des SMS pendant les vacances de février, poursuit Claire. Sur le sport au début, puis cela a bifurqué. Du coup, c’était devenu très gênant d’être en sa présence.” Car ces messages sont intrusifs, et le plus souvent à connotation sexuelle. “Allez, parle-moi de toi, confie-moi quelque chose”, écrit l’entraîneur, “Quel sujet ?”, répond la jeune fille, “Quelque chose d’intime”...

30 textos en une heure

Dans cette affaire, une autre mineure du club, Elodie, va être harcelée par textos. Elle l’avouera à Claire. “Un soir, je lui ai dit d’arrêter, j’en avais marre, je recevais parfois plus de 30 textos en une heure, révèle la jeune athlète. Ensuite, il a commencé à envoyer des SMS à une copine du club.” Là encore, les messages sont sans équivoque : “Tu ne trouves pas qu’elle a un gros c... ?”, balance-t-il à Elodie, 16 ans. Ou “Dis moi la chose la plus intime possible.

Quelque chose que tu n’as jamais dit.” Cette dernière se souvient du côté pervers et voyeur de l’entraîneur : “Il nous demandait de mettre des brassières et des petits shortys pour mieux analyser nos mouvements.” “En réalité, il faisait plus attention aux volumes des pectoraux et aux rondeurs des fesses”, s’emporte le papa d’Elodie. “J’ai alors décidé d’en parler à mes parents”, confesse Claire. Le 7 mars, lors d’un conseil d’administration, le scandale est révélé.

“C’est peut-être le témoignage de Claire qui a empêché les choses de s’envenimer”, imagine la maman. Les douze personnes du bureau présentes sont choquées et le licenciement pour faute grave est envisagé, sachant que le prévenu travaillait aussi dans une école du coin. Mais trois jours après, l’ancien président du club et ex-commandant de police, envoie un mail aux relents nauséabonds.

“Comme tout cela est expéditif, peut-on lire sur le document. En tant que président, j’ai connu le même genre de faits et cela s’est soldé par une exclusion des deux parties. Ne soyons pas plus rigoureux que la justice elle-même. Prenons en compte l’attitude des gamines, qui aguichent et qui jouent les effarouchées ensuite quand les parents sont au courant.” Une prise de position qui laisse imaginer tout le travail qu’il reste à accomplir. “Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté”, chantait Guy Béart. Triste réalité.

Un récidiviste

Finalement, un vote a lieu pour “gérer” ce cas épineux. Sept sur quatorze (!) ont voté pour le maintien de l’éducateur. C’est finalement par une rupture conventionnelle que l’affaire s’est réglée administrativement. “Le plus scandaleux, c’est l’absence de réaction des adultes, admet le papa d’Elodie. Vous imaginez qu’il est parti avec de l’argent !”. Le lendemain, les parents des filles concernées décident de déposer plainte à la gendarmerie. Ils tombent sur l’accueil glacial d’un officier qui, à la vue des SMS, évoque une simple “drague”. “Il nous a même dissuadés de porter plainte”, regrette la maman de Claire qui a dû revenir à la gendarmerie pour aller au bout de la démarche. La brigade des mineurs prend le relais.

Le 9 mars, Chantal reçoit un mail essentiel, celui de l’accusé qui avoue sa déviance. “J’ai un problème que je souhaiterais comprendre et résoudre, explique-t-il dans un mail envoyé au Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles. Je m’occupe à longueur d’années de jeunes, notamment de jeunes filles. Dans un passé récent, il m’est arrivé d’envoyer des messages à ces filles.

Ces messages étaient nombreux et parfois déplacés. (...) J’y parlais du poids des filles, de leurs complexes, je cherchais à connaître une partie de leur intimité. Dans quel but ? C’est la question que je me pose et que je cherche à comprendre… Je crois que j’ai besoin d’aide.” En creusant un peu son passé, on se rend compte qu’il n’en est pas à ses premiers ennuis. “Un jour, un papa est venu me trouver, raconte le président de son ancien club à l’ouest de la Belgique. On est tombé des nues dans le club car cet entraîneur avait séduit tout le monde.” Il a également été obligé de quitter son poste de professeur de sport dans l’école où il était embauché.

Depuis, le suspect a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire (interdit de sortie de territoire et de travailler avec des mineurs). Il a, depuis ce fameux mail, changé son fusil d’épaule. Fort de quelques soutiens, le jeune homme a choisi le déni comme porte de sortie. “Un classique dans les mécanismes de défense”, confirme Karine Noger, directrice à l’Institut de Ressources en Psychologie du Sport (IREPS) de Montpellier. Au sein du club, la vie continue. Entre entraînements intensifs et compétitions récurrentes, le quotidien a repris son cours. Mais rien ne sera plus jamais comme avant...

Nous avons changé les prénoms et anonymisé l’affaire qui est en cours d’instruction.