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Au Venezuela, pénurie et petits trafics en série

Le gouvernement, en butte à un mouvement de contestation depuis un mois, a annoncé la distribution de « cartes électroniques de rationnement ».

Par  (Bogota, correspondante)

Publié le 11 mars 2014 à 11h34, modifié le 12 mars 2014 à 10h07

Temps de Lecture 4 min.

Des clients montrent leurs numéros dans la file d’attente du centre commercial Bicentenario, le 7 mars, à San Cristobal.

A Caracas, Elsy Marino fait en moyenne six à dix heures de queue par semaine. « Tout manque tout le temps : les œufs, l'huile, la farine de maïs. Alors forcément, les gens en ont marre », soupire-t-elle. Mais pour cette employée de service, chaviste convaincue, pas question d'aller manifester « avec les bourgeois de l'opposition ». La raison de la crise, selon elle ? « Hugo Chavez n'est plus là », répond-elle.

Son successeur, Nicolas Maduro, est décidé à lutter contre « les spéculateurs et les accapareurs », responsables, selon lui, de la crise. Il a annoncé, samedi 8 mars, la mise en place « d'un système supérieur d'approvisionnement » qui prévoit la distribution de « cartes électroniques de rationnement ». La mesure n'est pas de nature à calmer une opposition qui reproche au pouvoir d'avoir pris Cuba pour modèle. Et qui manifestera mercredi 12 mars, comme elle le fait depuis un mois, pour dénoncer dans la rue « la faillite du système ».

Près du tiers (28,3 % fin 2013) des biens de consommation manquent en magasin, selon l'« indice de pénurie » de la banque centrale. Battant des records, l'inflation a atteint 56,2 % en 2013. Au marché noir, le dollar s'échange douze fois plus cher que son cours officiel. Les réserves internationales ont diminué de 30 % en 2013.

« LES HÔPITAUX MANQUENT DE TOUT »

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Catalina, infirmière de nuit, fait son marché au supermarché Excelsior Gama, à deux pas des barricades. Elle trouve de l'huile d'olive mais pas d'huile normale, du lait de soja mais pas de vache, de la viande de boeuf mais pas de poulet, du Sopalin mais pas de papier « toalé ». « Il y en a au prix fort chez les revendeurs ambulants du quartier populaire de Petare », explique-t-elle. Dans ce pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole du monde, le papier toilette est devenu un produit de contrebande.

Employée dans une maternité, Catalina raconte : « Les hôpitaux manquent de tout… » Si la contestation a explosé en province, c'est que les pénuries, le manque de médicaments et les coupures d'électricité y sont beaucoup plus graves qu'à Caracas. « Le gouvernement sait que si la capitale explose, ce sera fini pour lui », résume Catalina.

Comment le pays en est-il arrivé là ? Depuis quinze ans, la redistribution de la rente pétrolière aux secteurs défavorisés a fait bondir la demande intérieure. Mais la production de biens n'a pas suivi et le pays importe à tour de bras. Selon les économistes d'opposition, le contrôle des changes, en place depuis 2003, et celui des prix ont contribué à la lente asphyxie de l'économie. Le professeur Pedro Palma parle du garot « qui finit par gangrener tout l'organisme ».

LES GAGNE-PETIT DU SYSTÈME

L'Etat est aujourd'hui à court de devises. Certes, le Venezuela, onzième producteur de brut mondial, produit 2,7 millions de barils de brut par jour selon le BP Statistical Review of World Energy. « Mais une partie du brut exporté part en dons, notamment à Cuba, en prêts aux petits pays des Caraïbes, ou en remboursement de dette, vers la Chine », rappelle M. Palma.

Les élections de 2013 ont mis la pression sur les caisses de PDVSA, l'entreprise publique de pétrole, et sur les finances publiques. Après la courte victoire de M. Maduro en avril, le pouvoir chaviste n'a pas lésiné sur les moyens pour assurer la victoire de ses candidats aux municipales de décembre. Il a fallu racler les fonds de tiroirs et faire tourner la planche à billets. En un an, l'émission monétaire a bondi de 74 %.

Le pays regorge de bolivars. Mais le gouvernement distribue avec parcimonie les devises au cours préférentiel de 6,3 bolivars pour un dollar. Au marché noir, le billet vert s'échange désormais à 82 bolivars. La différence fait le bonheur des débrouillards et autres trafiquants. Les revendeurs de Petare ne sont que les gagne-petit du système qui, en aval, alimente la corruption et les profits à grande échelle.

« LES MULTINATIONALES FONT LE GROS DOS »

Selon le gouvernement, 40 % des aliments – importés à taux préférentiel – seraient réexportés vers les pays voisins, dont la Colombie. Un kilo de riz, dont le prix est contrôlé, coûte dix fois plus cher de l'autre côté de la frontière. De puissantes mafias ont pris le contrôle du trafic d'essence, qui est quasi gratuite au Venezuela.

Faute de pouvoir importer les matières premières dont elles ont besoin, les entreprises productives périclitent ; faute de pouvoir rapatrier leurs bénéfices, les multinationales hésitent à investir plus. Dernière entreprise à assembler encore des véhicules au Venezuela, Toyota a annoncé fin janvier la suspension provisoire de ses activités. Au total, l'Etat vénézuélien doit aux entreprises privées 13 milliards de dollars (9,4 milliards d'euros).

Selon le rapport Doing Business 2013 de la Banque mondiale, le pays occupe la 181e place sur 189 pour le climat des affaires. « Mais le marché vénézuélien reste si rentable et si prometteur que les multinationales font le gros dos », souligne l'économiste Angel Garcia Banchs.

« A moins d'une nouvelle envolée des prix du pétrole, rien ne permet d'espérer une amélioration substantielle de la situation à court terme », soupire M. Palma. Selon les économistes d'opposition, les pénuries de denrées de base pourraient s'aggraver dans les mois à venir. Et la situation politique de M. Maduro se compliquer.

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