ETATS-UNISPourquoi l’alt-right américaine a pu faire fortune grâce au bitcoin

Pourquoi l’alt-right américaine, fascinée par le bitcoin, a pu faire fortune avec

ETATS-UNISLa crypto-monnaie est perçue comme un symbole « antisystème » par la partie la plus radicale de la droite américaine…
Des jetons de 1 bitcoin (illustration).
Des jetons de 1 bitcoin (illustration). - Rick Bowmer/AP/SIPA
Olivier Philippe-Viela

Olivier Philippe-Viela

L'essentiel

  • L'envol du bitcoin a fait la fortune de plusieurs figures de l'alt right aux Etats-Unis.
  • Cette mouvance idéologique voit dans la crypto-monnaie un moyen de contourner le système financier.
  • Plusieurs sites de l'alt-right appellent à des dons en bitcoin.

Tout le monde se rue sur le bitcoin, vue la flambée de sa valeur en 2017. À l’unité, la plus célèbre des crypto-monnaies s’échange en effet autour de 15.000 dollars en ce moment. Aux Etats-Unis, certains avaient anticipé, et s’en frottent désormais les mains, notamment plusieurs néonazis américains, des membres de la nébuleuse idéologique appelée «alt-right», qui ont fait fortune grâce au bitcoin.

« La crypto-monnaie des nazis »

John Bambenek, un chercheur en cybersécurité, utilise un bot sur Twitter, @NeoNaziWallets, pour suivre l’activité des bitcoin wallets (les portefeuilles de bitcoin) liés à l’alt-right. « En faisant quelques recherches, j’ai vu qu’ils faisaient de la publicité pour des portefeuilles bitcoin pour obtenir des donations. J’ai jeté un œil et vu que The Daily Stormer avait vraiment de l’argent », a-t-il expliqué à la revue Red Herring, comme l'a repéré Mashable.

Tristan Mendès-France, enseignant au Celsa spécialisé dans les nouveaux usages numériques et le fonctionnement de l’alt right, explique à 20 Minutes avoir également noté que The Daily Stormer « s’était refait une nouvelle jeunesse grâce à des dons anonymes en bitcoin ». Ouvertement néonazi, ce site avait été désindexé de l’internet « normal », et s'était retrouvé sur le dark web. Parmi certaisn de ses titres actuels: « Les femmes devraient la fermer » ou « Les juifs rendent officiellement l’Amérique aux Américains ».

Charlottesville comme accélérateur

John Bambenek a découvert que le webmaster de The Daily Stormer, Andrew Auernheimer, avait reçu au moins un million de dollars de dons en bitcoin, que le site était lié à un wallet de 300.000 dollars, tandis que son fondateur, Andrew Anglin, avait tout simplement décrit le bitcoin comme « la crypto-monnaie des nazis ». Encore plus révélateur, ce tweet daté de mars 2017, par Richard Spencer, l’une des figures de l’extrême droite américaine et créateur en 2008 de l’expression « alternative right » : « Le bitcoin est la devise de l’alt-right. »

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Le bot Twitter de John Bambenek a d’ailleurs diffusé des informations sur le portefeuille de Richard Spencer.

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D’autres meneurs de l’extrême droite US, comme Mike Cernovich, proche du célèbre conspirationniste Alex Jones, parlent bitcoin dans des cours vidéo en streaming. Cody Wilson, jeune activiste se décrivant en crypto-anarchiste, connu pour avoir mis à disposition en open source des codes 3D permettant d’imprimer des armes à feu et classé parmi les 15 personnes les plus dangereuses au monde par Wired, s’est lui spécialisé dans le développement de dark wallets, des portefeuilles bitcoin encore plus cryptés que la normale (car, contrairement à une croyance répandue, les transactions bitcoin ne sont pas totalement anonymes).

Le bitcoin a toujours eu une certaine côte dans les mouvements marginaux de gauche comme de droite, du fait de sa nature décentralisée et de sa technologie cryptée. Mais sa popularité au sein de l’alt-right s’est accélérée après les événements de Charlottesville, où s’étaient réunis plusieurs groupes néonazis pour des manifestations en août 2017, décrit Tristan Mendès-France : « Plusieurs comptes liés à l’alt-right avaient été bannis de nombreuses plateformes, comme PayPal et GoFundMe. Or, ils les utilisaient beaucoup pour des campagnes de crowdfunding, afin de financer des initiatives comme le bateau anti-migrants en Europe, ou régler les frais de justice de figures de l’alt-right. » Il a donc fallu trouver une alternative monétaire.

« Contourner les rouages du système »

WeSearchr est la plus célèbre de ces plateformes de l’alt-right compilant des dizaines de projets à financer, avec possibilité de payer en bitcoin. Le site est connu en France pour avoir lancé l’initiative du bateau anti-migrants, et avoir proposé 5.000 dollars à qui prouverait l’homosexualité d’Emmanuel Macron. Dans un autre registre, Wikileaks, très suivi par l’alt-right, propose des dons en bitcoin. Et les développeurs de Gab, l’un des réseaux favoris de l’extrême droite, au logo rappelant Pepe The Frog, réfléchissent à faire reposer leur service sur la technologie blockchain, utilisée par les crypto-monnaies, sujet fortement discuté sur le réseau ainsi que sur Reddit et 4Chan, deux repaires des adeptes de l’alt-right.

Pour le spécialiste du fonctionnement en ligne de la mouvance, le bitcoin s’insère parfaitement dans « un imaginaire fait de haine de toute instance supra-étatique, avec l’idée de court-circuiter la finance internationale, le gouvernement, le contrôle des devises par l’Etat et finalement contourner les rouages du système ». L’identité alternative et évanescente du bitcoin est jugée en phase avec la logique idéologique de l’alt-right : « Cette monnaie est très haute dans les fantasmes de la mouvance, qui affirme vouloir redonner le pouvoir à l’individu contre le système », conclut Tristan Mendès-France.

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