Opération de l'hernie discale lombaire : un traitement de dernier recours

Publié par Oriane Dioux et Émilie Gillet  |  Mis à jour le par Mathilde PujolExperts : Pr Cédric Barrey, neurochirurgien à l’hôpital Pierre Wertheimer, Lyon ; Pr Christian Mazel, chirurgien orthopédiste, chef de service à l’Institut mutualiste Montsouris, Paris ;Pr Jean-Charles Le Huec, responsable de l’unité orthopédie-traumatologie-rachis du CHU de Bordeaux ; Dre Véronique Molina, chirurgienne orthopédique, responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire de l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne).

Dans la grande majorité des cas, la hernie discale se traite sans chirurgie. Mais si la douleur résiste aux traitements et rend la vie quotidienne difficile, l’opération est envisagée. Aujourd'hui, il est même possible de se faire opérer en service ambulatoire. Cette chirurgie est-elle envisageable pour tout le monde ? Quels sont les résultats ? Et les suites opératoires ? Réponses de spécialistes. 

Une hernie discale survient lorsque la couche dure d’un disque dans la colonne vertébrale se déchire ou se rompt. La partie interne du disque peut alors sortir de la capsule. "Selon le niveau du disque atteint, un nerf différent est comprimé", indique la Société française de chirurgie rachidienne (SFCR) (source 1). "Le nerf sciatique donne une douleur (une sciatique ou sciatalgie) en arrière ou sur le côté de la jambe ou de la cuisse tandis que le nerf crural provoque une douleur (une cruralgie) sur le devant de la cuisse et du tibia. L’intensité de la douleur est variable ainsi que la durée".

Principalement située au niveau lombaire, et souvent au niveau des dernières vertèbres lombaires (L5-S1), la hernie discale ne nécessite une opération chirurgicale que dans 20% des cas. Chaque année, ce sont environ 30 000 opérations chirurgicales pour des hernies discales lombaires qui sont réalisées. Longtemps réputée comme lourde, cette intervention a beaucoup évolué. Depuis la publication d’un décret de la Haute autorité de santé, en 2014, il est même possible de se faire opérer en ambulatoire. 

Quand opérer une hernie discale ? Quelles sont les indications ?

L'opération de la hernie discale est proposée seulement lorsque la hernie comprime une racine nerveuse, provoquant une sciatique, et que le traitement médical composé d’antidouleurs, d’anti-inflammatoires, de décontractants musculaires et d’infiltrations, ne soulage pas la douleur.

Dans 95 % des cas, la hernie discale guérit spontanément dans un délai d’un an maximum, avec l’aide d’un traitement antalgique et anti-inflammatoire. La hernie pouvant donc se résorber spontanément, la Haute autorité de santé (HAS) recommande d’attendre au moins 6 à 8 semaines avant de l’opérer, et les médecins la surveillent parfois jusqu’à un an si la douleur est supportable.

En cas d'hernie discale, certaines situations nécessitent en effet d’intervenir vite : on a du mal à bouger son pied, les muscles de la cuisse sont moins mobiles, des problèmes d’incontinence urinaire se greffent à ceux du dos, la hernie provoque une douleur intolérable. C’est la douleur et son aggravation qui déterminent le besoin d’une chirurgie. 

Et s’il est trop abîmé, le résultat de l’opération sera décevant. Les patients sont orientés vers un centre de soins de la douleur. "Il est donc préférable de ne pas laisser traîner une forte douleur lorsque le traitement médical échoue, idéalement pas plus de 6 mois". 

N'hésitez pas à voir plusieurs spécialistes pour avoir plusieurs avis

L'intervention chirurgicale de l'hernie discale n’est jamais obligatoire. "C’est l’importance de votre douleur et la discussion avec votre chirurgien du rapport bénéfice/risque (qu’est-ce que je gagne à me faire opérer par rapport aux risques que je prends) qui vous feront prendre votre décision", indique la Société française de chirurgie rachidienne. 

En cas de doute ou d’avis médicaux contradictoires, il est utile de consulter deux, voire trois spécialistes. "Le choix de la technique dépend du chirurgien", précise le Pr Christian Mazel, chirurgien orthopédiste, chef de service à l’Institut mutualiste Montsouris, Paris. "Aucune technique n’a fait la preuve de sa supériorité sur une autre".

"On peut se faire opérer par un neurochirurgien ou par un chirurgien orthopédique, l’important est qu’il soit spécialiste de la chirurgie du rachis", conseille le Pr Cédric Barrey, neurochirurgien à l’hôpital Pierre Wertheimer, Lyon. Le site de la Société française de chirurgie rachidienne propose un annuaire.

Comment se passe l'opération d'une hernie discale lombaire ?

L'opération de l'hernie discale se pratique sous anesthésie générale et dure en moyenne trois quarts d'heure. Elle consiste à libérer la racine nerveuse comprimée par ablation partielle ou totale du fragment hernié du disque intervertébral.

"S’il y a communication avec le disque, il faudra réaliser un nettoyage discal avec des pinces spéciales pour éviter qu’un fragment interdiscal ne reparte au contact de la racine en post-opératoire", ajoute le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Bordeaux (source 2).

L'opération peut se dérouler en ambulatoire, contrairement à avant ou le/la patient.e restait trois jours à l'hôpital. Le principe de l’intervention reste le même que lorsque l'opération n'est pas réalisée en ambulatoire, "mais la taille de l’incision et l’agressivité des gestes pour arriver jusqu’à la hernie ont été réduites", explique le Pr Jean-Charles Le Huec, responsable de l’unité orthopédie-traumatologie-rachis du CHU de Bordeaux, et coordinateur de la section ambulatoire de la Société française du Rachis (SFCR). 

"Ce qui traumatise moins les ligaments et les muscles avoisinants", poursuit le chirurgien. "Grâce à cette chirurgie mini-invasive, les douleurs postopératoires sont moins importantes."

Quels sont les avantages et les bénéfices de la chirurgie de l'hernie ?

Les bénéfices attendus de l'opération de l'hernie discale sont les suivants, indique le CHU de Bordeaux : 

  • la diminution de la douleur ressentie dans le membre inférieur est rapide ;
  • la douleur disparait généralement en 4 à 6 semaines après l’intervention dans 90 % des cas ;
  • s’il y a paralysie, elle pourra récupérer mais de façon plus progressive.

Les avantages de l'ambulatoire

Concernant les avantages du service ambulatoire pour le patient :

  • Il y a ceux liés à la chirurgie mini-invasive qui permet de réduire les douleurs postopératoires et d’accélérer le retour à une vie normale ;
  • Et ceux inhérents à l’ambulatoire en général : moins de risques de maladies nosocomiales et de phlébite notamment.

L'opération en ambulatoire a notamment permis de réduire progressivement les durées d’hospitalisation et de récupération pour le patient

Ce qui change réellement est commun à n’importe quelle opération effectuée en ambulatoire : il s’agit de bien organiser le parcours du patient avant et après l’intervention et de s’assurer qu’il a bien compris toutes nos informations, précise le Dre Véronique Molina, chirurgienne-orthopédiste, cheffe du service de chirurgie ambulatoire de l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne).

Quels sont les risques et les complications possibles de l'intervention ?

Comme toute intervention chirurgicale, de rares complications peuvent survenir.

  • "Il peut y avoir une lésion de la dure-mère qui est une enveloppe entourant les racines et qui contient du liquide céphalo-rachidien", indique le CHU de Bordeaux ;
  • "Il peut y avoir blessure ou brûlure de la racine nerveuse qui peut entrainer une douleur ou une paralysie ;
  • Il peut y avoir aussi une lésion vasculaire ou viscérale par perforation qui entraine des gestes chirurgicaux complémentaires".

Complications post-opératoires

 Les personnes opérées d'une hernie discale lombaire décrivent parfois une gêne très déroutante au réveil après la chirurgie : elles ne contrôlent plus leur vessie. "Cette gêne peut être due à l’anesthésie et aux médicaments antidouleurs, auquel cas elle se résorbe toute seule et on retrouve le contrôle de sa vessie au bout de quelques heures à quelques jours", explique le Pr Mazel.

"Mais elle peut aussi être causée par la constitution d'un hématome qui comprime les nerfs descendant dans le périnée". Une complication heureusement rare (environ 1 % des cas) mais grave qui nécessite une intervention en urgence. "Mieux vaut donc ne pas négliger cette sensation et en parler aux infirmières ou au chirurgien", poursuit le spécialiste. "Une IRM sera effectuée pour vérifier la présence d’un éventuel hématome". 

Une récidive précoce de la hernie par migration des fragments qui n’auraient pas été enlevés lors du nettoyage discal ainsi qu'une spondylodiscite (ou infection du disque intervertébral) sont rares mais font partie des complications post-opératoires. 

Suites opératoires : combien de temps à l'hôpital ?

Lorsque l'opération n'est pas réalisée en ambulatoire, l’hospitalisation est d’environ 2 à 4 jours, parfois plus. Mais on sort généralement de l'hôpital 2 à 3 jours après l'opération. Avant votre départ, vous rencontrerez un kinésithérapeute qui effectuera votre premier lever. Il vous informera sur les précautions postopératoires : la meilleure façon pour passer de la position allongée à assise, les gestes à éviter, les exercices conseillés... ni alitement ni rééducation particulière ne sont prescrits.

"Vous repartirez à votre domicile en ambulance ou en voiture personnelle en position demi-allongée", précise le CHU de Bordeaux. Vous devez prévoir de ne pas rester seul.e la première nuit.

Quelle convalescence ? Quelle rééducation ?

Il faut attendre quelques semaines à trois mois avant de complètement récupérer. La première semaine, il faut observer un repos relatif, éviter les stations debout et assise prolongées, les trajets en voiture. Vous serez capable de monter et descendre des escaliers à la sortie. Il est possible de conduire sa voiture au bout de 15 jours, un mois. 

L’opération n’empêche pas d’être enceinte. À condition, bien sûr, d’attendre que le dos soit bien consolidé, au bout de 6 mois à un an.

Une rééducation est parfois prescrite après l'opération

Lorsque la hernie est ancienne et associée à une perte de masse musculaire, des séances de kinésithérapie sont souvent prescrites pour renforcer le dos.

Un arrêt travail est nécessaire après l'opération

"L'arrêt de travail est d'un mois pour les professions n'obligeant pas à réaliser des travaux de force, et de 2 mois pour les professions avec travaux de force (...)", indique le CHU de Bordeaux.

Quand peut-on reprendre le travail après l'opération ?

La reprise de travail est variable "selon la pénibilité, la couverture sociale, la motivation et bien sûr le résultat de l’opération. Elle se fait normalement entre 1 et 3 mois après l’opération". 

Quand peut-on reprendre le sport ?

La reprise du sport est possible au bout de 2 à 3 mois. Les sports, tels la natation et le vélo sont possibles après un mois. Il faut souvent attendre 3 mois pour faire des sports plus violents ou de la compétition. 

Comment vivre après une opération de l'hernie ? Quelle douleur ressentie ?

L’opération de l'hernie discale soulage la douleur liée à la sciatique, qui part de la fesse et descend dans la jambe. "Mais elle n’a pas ou peu d’effet sur le mal de dos qui peut être associé : cette chirurgie ne répare pas le disque, elle enlève juste la partie qui comprime le nerf", prévient le Pr Cédric Barrey.

De plus, si la douleur liée à la sciatique disparaît dès le réveil dans 80 à 90 % des cas, "le soulagement est partiel si le nerf a été fortement comprimé. Il faut alors attendre quelques semaines avant que la douleur s’efface, le temps que le nerf récupère". 

Le risque que la hernie lombaire réapparaisse existe tout de même

Que ce soit quelques jours après l’opération, quelques mois ou plusieurs années, la hernie peut resurgir. Car si le disque est fissuré, il va continuer à s’abîmer. Le traitement médical est alors préconisé. S’il échoue, une nouvelle opération peut être envisagée après plusieurs mois.

"On préfère alors souvent effectuer une arthrodèse", dit le Pr Barrey. "Elle consiste à fusionner les deux vertèbres au-dessus et en dessous de la hernie pour bloquer le disque et mettre le nerf à l’abri d’une nouvelle compression. Cette chirurgie plus lourde dure 2 à 3 heures, nécessite 5 à 6 jours d’hospitalisation et 3 à 4 mois de récupération, mais elle permet d’éviter une nouvelle intervention".

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