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Cameroun: l’écrivain Patrice Nganang reste en prison

11 décembre 2017

Les appels à la libération de l’écrivain Patrice Nganang se multiplient. Interpellé le 6 décembre dernier à l’aéroport International de Douala, il a été auditionné ce lundi matin par la police judiciaire, à Yaoundé.

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Schriftsteller Patrice Nganang
Image : Stimmen Afrikas

Enoh Meyomesse - MP3-Stereo

Selon Me Emmanuel Simh son avocat, Patrice Nganang est poursuivi pour "'outrage au chef de l'Etat". L'écrivain engagé aurait proféré sur sa page Facebook des menaces à l'encontre du président camerounais, Paul Biya. C’était le 3 décembre dernier. "Mais faites-moi confiance, et je ne blague pas – je l’ai devant moi, lui Biya, et ai un fusil, je vais lui donner une balle exactement dans le front. Je le dis depuis Yaoundé où je suis. Lui aussi. L’ai dit à Paris devant Abdou Diouf et à New York devant la Maison Blanche. Ceci est donc une répétition. Un Bangangte est trop noble pour fuir à cause de ce qu’il va faire si on le laisse. Qu’il vienne m’arrêter s’il a encore des couilles.

Des propos jugés inacceptables par le ministre camerounais de la Communication, et porte-parole du gouvernement. "Vous allez en France, vous menacez de liquider le président camerounais, on vous arrête, on vous interroge. En plus des motifs, êtes-vous armé? Est-ce qu'il y a des connivences? Ou est-ce que vous en êtes? Mais si notre compatriote était passé à l'acte et qu'il avait assassiné le président Biya, et que le Cameroun se trouvait donc sens dessus-dessous, je me demande quelle serait la réaction de ceux-là aujourd'hui qui,de manière corporatiste, demandent sa libération", a confié à la Deutsche Welle Issa Tchiroma Bakary. 

L’intégralité de l’interview du ministre camerounais de la Communication, et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma Bakary.

Mobilisation internationale

Depuis l'arrestation de Patrice Nganang, les appels demandant sa libération ont fusé de toutes parts. Vendredi dernier, un collectif d'écrivains africains et occidentaux et des défenseurs des droits de l'Homme ont exigé la libération de l'auteur de "Temps de chien", prix Marguerite Yourcenar et Grand prix de la littérature d'Afrique noire.

Cette démarche a également été suivie par le  Réseau des défenseurs des droits humains en Africain centrale, le Rédhac et Tribunal Article 53, une association locale de défense des droits humains. Dans un communiqué, les deux structures ont dénoncé "l'enlèvement, l'arrestation et la détention arbitraire" de Patrice Nganang, connu pour ses prises de position contre la gouvernance du président Paul Biya.

Patrice Nganang  réside aux États-Unis. Avant son arrestation, il a séjourné pendant plusieurs jours  dans les régions anglophones de son pays d'origine, secouées depuis un an par une crise politique qui s'est muée en insurrection armée.

Pour ne pas arranger les choses, l'enseignant en  littérature à l'Université de l'Etat de New York a publié mardi dernier une tribune sur  le site internet de l'hebdomadaire Jeune Afrique. Le "carnet de route en zone" fustigeait  la gestion de la crise des régions dites "anglophones" par  le président camerounais Paul Biya  et surtout la répression des populations de cette partie du pays par les forces de l'ordre. 

Dérives tribalistes ?

De nombreux intellectuels réclament la libération de Patrice Nganang, ce qui n'empêche pas certains de ses collègues de reconnaître ses excès. Surtout que dans sa publication sur Facebook évoquée plus haut, Patrice Nganang a revendiqué son origine bangangté, un peuple du centre-ouest du Cameroun. Des références ethniques maintes fois réitérées, et qui ne plaisent pas à un autre écrivain et homme politique camerounais exilé en Allemagne, Enoh Meyomesse. 

L'Interview d'Innocent Ebodé - MP3-Stereo

"Non, non, non. C'est une chose qui m'agace avec lui", explique-t-il. "C'est mon ami. Il revient continuellement sur le coté tribal. Oui, oui, les Bamilekés, les Bétis. C'est pénible de sa part. Il n'a pas à dire "en ma qualité de Bangangte". Il peut dire "en ma qualité d'écrivain", ou "en ma qualité de Camerounais." Il faut que nous parvenions à arrêter la procédure."

Précisons qu'Enoh Meyomesse, qui était candidat à l’élection présidentielle de 2011 dans son pays, a été condamné en 2012 à sept ans de prison ferme par le tribunal militaire de Yaoundé pour complicité de braquage à main armée et vente illégale d’or. L’intéressé nie les accusations, même si le tribunal a infirmé la première décision.

Photo de Eric Topona Mocnga
Eric Topona Journaliste au programme francophone de la Deutsche WelleETopona