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Laurent avant Wauquiez

ENQUETE - Laurent Wauquiez n’a pas toujours défendu une ligne identitaire. Avant de dénoncer "les élites", il a collectionné les diplômes prestigieux.

Christine Ollivier , Mis à jour le
Laurent Wauquiez le soir du premier tour de la présidentielle 2002 avec son mentor Jacques Barrot.
Laurent Wauquiez le soir du premier tour de la présidentielle 2002 avec son mentor Jacques Barrot. © INA

Gagner. Etre le meilleur. A 16 ans, c'est - déjà - la seule vraie passion de ­Laurent Wauquiez, à en croire ceux qui l'ont côtoyé au lycée. "Il fallait qu'il soit le premier de la classe, sous-entendu : qu'il batte les autres", se souvient Cécile Alduy, professeure de littérature à l'université Stanford, qui l'a vu arriver en première au prestigieux lycée parisien Louis-le-Grand. Un penchant qui le rend alors "à la fois insupportable et attachant, dit-elle. Au fond, il était assez enfantin : tout n'était qu'un immense jeu où il fallait gagner".

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S'il passe ses vacances en Haute-Loire, l'adolescent habite dans le très chic 7e arrondissement de Paris avec sa mère, Eliane. Après son divorce, celle-ci a quitté Lyon pour élever son quatrième et petit dernier dans la capitale. Au lycée, Laurent rencontre l'autre femme de sa vie, Charlotte, future administratrice du Sénat, qu'il épousera en 2001. S'il penche alors plutôt à droite, c'est "par héritage et sans excès", selon un ancien camarade. N'est-il pas le rejeton d'une grande dynastie de l'industrie textile du nord de la France, les Motte?

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A 29 ans, Laurent Wauquiez fait ses premiers pas de député à l'Assemblée nationale.

A 29 ans, Laurent Wauquiez fait ses premiers pas de député à l'Assemblée nationale.

(Maxppp)

Après le lycée viendront ­Normale sup, l'agrégation d'histoire, Sciences-Po, un DEA de droit public, puis l'ENA. Sorti premier de l'agrégation et major de l'ENA, Laurent Wauquiez a le plus beau CV de la République. Alors, forcément, l'entendre aujourd'hui pilonner "les élites" agace les anciens de la promotion Mandela de l'ENA. "Il se fout de la gueule du monde, peste l'un d'eux. Cette élite, il en est le pur produit!"

Faire oublier ses années étudiantes

Il a déployé beaucoup d'efforts pour faire oublier ses années étudiantes, celles où il volait de diplômes en grandes écoles, où il apprenait l'arabe et écrivait son ­mémoire de maîtrise sur "le flambeau des Mille et Une Nuits et l'Orient des Lumières, 1704-1798". Une époque, aussi, où il s'était rebaptisé Laurent Wauquiez-Motte, accolant au patronyme paternel le nom de sa mère. Pour lui rendre hommage, dira-t-il. Et peut-être aussi pour égratigner ce père absent, directeur de la filiale suédoise de la banque Indosuez, dont il ne parlait jamais.

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J'ai demandé à ma famille de m'envoyer mon cheval. Je ne mets pas mes fesses sur ces chevaux-là!

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A Sciences-Po, l'étudiant ne se déplace qu'en rollers, si possible accroché derrière un bus pour aller plus vite. Ses études aussi, il les mène à un train d'enfer. A l'ENA, "tout le monde a vite compris qu'il était très fort", dit Alexandre de Palmas, directeur général d'Areas pour l'Europe du Nord, qui partage alors avec lui un trois-pièces à Strasbourg. A son colocataire, Laurent parle de ses passions : la bande dessinée - en particulier de Hayao ­Miyazaki -, la musique électronique et la science-fiction. Récemment encore, il proposait au débotté à son témoin de mariage de le rejoindre à la séance de 22h30 de Blade Runner 2049. A l'équipe de foot de l'ENA, il préfère l'équitation, qu'il pratique au centre équestre d'Eckbolsheim, près de Strasbourg. "J'ai demandé à ma famille de m'envoyer mon cheval. Je ne mets pas mes fesses sur ces chevaux-là!", lance-t-il un jour à un camarade. "Il était sympathique, mais il ne faisait pas partie de la classe moyenne, ça c'est sûr!", ironise aujourd'hui celui-ci.

Le virage idéologique de Wauquiez

"Magnifique machine intellectuelle", selon l'expression du préfet Philippe Gustin, délégué des élèves de la promo Mandela, Wauquiez "ne laissait rien au hasard pour briller dans toutes les épreuves", souligne Anne Coffinier, directrice générale de la Fondation pour l'école. Ses rares faiblesses, il les compense en mettant sur pied une stratégie. Quand il décroche la meilleure note en allemand, un de ses condisciples tombe des nues : "Laurent parlait un allemand correct mais il n'était pas excellent", se souvient-il. Il avait donc préparé son oral en étudiant ses cours et… le CV des membres du jury.

Laurent Wauquiez en 2002 le soir du premier de la présidentielle, au côté de Jacques Barrot :


Et côté politique? "C'était un gaulliste social, un progressiste, européen", se souvient le maire de Jurançon (Pyrénées-Atlantiques), Michel Bernos, lui-même UDF à l'époque. "Il était infiniment plus modéré qu'aujourd'hui, plutôt au centre droit", confirme un autre ancien élève. Interrogé sur les ­positions identitaires du Wauquiez d'aujourd'hui, l'homme évoque "une posture". Un silence, puis il hésite : "Ou alors c'était à l'époque qu'il prenait une posture?" En tout cas, personne ne sera surpris de le voir devenir, dès sa sortie de l'école, suppléant du député de la Haute-Loire, le démocrate-chrétien Jacques Barrot , pour lequel il a préparé, le temps d'un stage, une émission d'Intervilles à Yssingeaux. A peine diplômé, il fait avec lui ses premiers pas en politique. Son mentor commence par raccourcir d'autorité son nom, Wauquiez-Motte, bien trop long pour les affiches électorales. Désormais, place à Wauquiez.

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