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Harcèlement à l'école : l'émotion autour du jeune Keaton Jones se trouble

Harcèlement à l'école : l'émotion autour du jeune Keaton Jones se trouble

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Son témoignage avait bouleversé Internet. Keaton Jones, un jeune Américain de 11 ans, a reçu le soutien de nombreuses célébrités après avoir raconté son harcèlement scolaire dans une vidéo publiée le vendredi 8 décembre sur Facebook. Mais depuis, plusieurs éléments ont brouillé l'unanimité de ce mouvement de solidarité.

En quelques jours, le nom de Keaton Jones a fait le tour d’Internet. Dans une vidéo postée le vendredi 8 décembre sur le mur Facebook de sa mère, Kimberly Jones, on voit le garçon de 11 ans, en larmes, parler du harcèlement dont il est victime à l’école. La vidéo, devenue virale, cumule aujourd’hui plus de 22 millions de vues et 430.000 partages. Des anonymes mais aussi des célébrités ont été profondément touchés par ce témoignage, exprimant leur soutien au garçon à travers le hashtag #StandWithKeaton.

Rihanna, Millie Bobby-Brown ou encore Mark Ruffalo ont affiché leur soutien au jeune garçon, rappelant l’urgence à traiter le phénomène du harcèlement scolaire. Chris Evans a indiqué dans un tweet vouloir l’inviter à la première de son prochain film, Avengers : Infinity War. Une campagne GoFundMe a aussi été démarrée par un certain Joseph Lam - un Américain qui affirme n’avoir aucun lien avec la famille Jones mais avoir simplement été touché par la vidéo - pour récolter des dons : elle affiche d'ores et déjà près de 57.000 dollars au compteur. Mais cette campagne de dons s’est brusquement arrêtée et des internautes tentent même d’annuler leur donation…

Des drapeaux suprémacistes sur le profil Facebook

Car depuis lundi, l’émotion a laissé la place au questionnement. D'abord, le profil Facebook de la mère de Keaton interroge. Avant d'envoyer la vidéo de son fils en larmes, Kimberly Jones s'en servait notamment pour poster des photos de sa famille posant à côté de drapeaux confédérés de la guerre de Sécession, symboles aujourd’hui récupérés par les suprémacistes blancs américains. Les internautes s’interrogent aussi sur le garçon. Sur Twitter, des rumeurs affirment que Keaton Jones emploierait le mot “nègre” à l’encontre de ses camarades. Sans preuves tangibles mais rendues crédibles par les opinions affichées par sa mère, elles ont fait effet.

D'autant qu'en outre, le catcheur Joe Schilling a affirmé dans une vidéo avoir conversé sur Instagram avec la mère de Keaton. Capture d’écran à l’appui, il a expliqué que cette dernière lui aurait demandé de l’argent en plus de sa sympathie. Les réseaux sociaux, saisis d’émotion pour le jeune garçon quelques jours plus tôt, n'ont guère tardé à virer de bord. Sur Instagram, plusieurs des stars qui avaient exprimé leur soutien à Keaton, comme Rihanna ou encore Millie Bobby-Brown, ont ainsi supprimé leurs posts. Et le hashtag #StandWithKeaton, d’abord alimenté uniquement d'indignations autour du harcèlement, est désormais perturbé par un débat entre internautes. Certains soutiennent toujours Keaton, tout en dénonçant le racisme des suprémacistes ; d’autres réclament que les célébrités qui lui ont apporté leur compassion se dédisent publiquement.

La mère de Keaton plaide l'ironie

Et c’est ici que l’histoire verse dans l’imbroglio. Intervenant à son tour, via son compte Twitter, la sœur de Keaton a défendu sa mère en assurant que le compte Instagram qui avait échangé avec Joe Schilling était un faux. Elle dément toute volonté d’enrichissement et conteste également le fait que sa famille soit raciste. Une autre page GoFundMe, réclamant des donations au nom de Kimberly Jones et qui serait reliée au faux compte Instagram, a dans le même temps été suspendue. Depuis, le catcheur a supprimé sa vidéo et la capture d’écran de son compte Instagram.

Invités de la matinale de CBS ce mardi 12 décembre, Keaton et sa mère se sont exprimés sur ce retour de bâton. Kimberly Jones a expliqué que ses photos de drapeaux confédérés étaient "ironiques". Assez peu convaincant. Quoi qu'il en soit, la vidéo de Keaton Jones aura tout de même servi à quelque chose : depuis vendredi, les posts sur le harcèlement scolaire se sont multipliés, appelant notamment aux dons à des associations anti-harcèlement, et les histoires d’écoliers victimes de harcèlement sont aussi largement partagées par les célébrités. Une prise de conscience et une libération de la parole nécessaires dans un pays où, comme le révélait au début de l’année une étude du Journal of Educational Psychology, un enfant sur quatre est harcelé à l’école.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne